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Communiqué sur le rapport 2022 du jury du CAPES de philosophie

mercredi 18 janvier 2023, par Acireph

L’ACIREPh avait vivement réagi à l’occasion de la tenue des oraux du CAPES de philosophie de la session 2022, en particulier à propos de la manière dont s’était tenue l’épreuve d’entretien. Elle a eu l’occasion de clarifier sa position lors d’une audience auprès du groupe philosophie de l’Inspection Générale. Elle avait en particulier critiqué l’interprétation que le jury avait faite de l’épreuve d’entretien qui ne paraissait pas conforme, sur plusieurs points, à la note de définition de l’épreuve qui était le seul document dont disposaient les candidates et les candidats pour se préparer à l’épreuve. La publication récente du rapport du jury est l’occasion de revenir sur cette épreuve et sur l’interprétation qu’en a faite le jury.

A cet égard, l’ACIREPh note que :

• L’interprétation de l’épreuve revendiquée par le jury dans ce rapport paraît discutable et peu conforme à la lettre et à l’esprit de la note de définition de l’épreuve. Dans le rapport, le jury écrit par exemple qu’ « en leur principe, les questions posées visent à ce que les candidats rendent compte de la convertibilité de certains événements dans les termes d’un discours professionnel, c’est-à-dire, pour ce qui les concerne, philosophique » (p.74). La note de définition de l’épreuve indique plutôt que l’épreuve vise à permettre au « candidat de montrer qu’il connaît les différentes fonctions et ressources présentes dans un établissement scolaire et qu’il peut les mobiliser pour l’aider. […] Après les réponses du candidat présentant son analyse de la situation et ses pistes d’action, les éventuelles questions complémentaires du jury s’inscrivant dans le temps imparti à cette seconde partie de l’épreuve pourront chercher à évaluer ses connaissances de la déontologie des fonctionnaires, à apprécier son éthique professionnelle et à tester son sens des responsabilités. » Il y a là, semble-t-il, plus qu’une nuance ou que l’expression d’une légitime interprétation qui tienne compte de la spécialisation disciplinaire des candidates et des candidats.

• Les situations « vie scolaire » proposées par le jury ne sont pas, pour plusieurs d’entre elles, conformes à la note de définition de l’épreuve qui indique explicitement que ces situations doivent être « extérieures à la classe ». Plusieurs situations données au concours sont bien situées à l’intérieur de la classe (par exemple « Lors d’un cours sur la religion un(e) élève argumente une idée en se déclarant croyant et un autre élève s’emporte contre lui en lui déniant le droit de faire une pareille déclaration dans le cadre de la laïcité. »). Plus largement, il semble que le jury se soit écarté non seulement de la lettre mais de l’esprit de l’épreuve. Les mises en situation « vie scolaire » sont censées évaluer la capacité des candidates et des candidats à connaître et interagir avec les différents acteurs et actrices du système scolaire (parents, personnels non-enseignants, etc.). Il ne paraît pas que ce soit dans cet esprit que la plupart des situations « vie scolaire » aient été élaborées.

Ce rapport a le mérite de rendre publique et accessible aux candidates et candidats du CAPES de cette année l’interprétation que le jury fait de cette épreuve. Si l’ACIREPh continue de contester le bien fondé de cette interprétation, elle ne peut qu’espérer que ce rapport sera largement diffusé afin que les candidates et les candidats à venir se trouvent dans une situation moins délicate pour préparer convenablement cette épreuve. Elle appelle en outre le jury à revenir sur cette interprétation et, à défaut, à publier et diffuser largement un document indiquant explicitement l’interprétation faite de l’épreuve.

L’ACIREPh tient à rappeler son attachement à l’idée qu’il existe des normes de professionnalité qui ne sont pas réductibles à la seule maîtrise disciplinaire. Il est légitime d’évaluer de futurs enseignants et enseignantes sur leur connaissance de ces normes et leur capacité à se positionner, de façon justifiée, par rapport à elles. Le fond de son désaccord avec l’interprétation de l’épreuve d’entretien revendiquée par le jury dans ce rapport tient à ce que celle-ci rabat trop rapidement et en contradiction avec la lettre et l’esprit de la note de définition de l’épreuve ces normes sur l’évaluation de compétences et de connaissances disciplinaires, en l’occurrence philosophiques. L’ACIREPh tient aussi à rappeler que cet attachement n’est nullement contradictoire et est même parfaitement solidaire avec cet autre attachement selon lequel la maîtrise disciplinaire est décisive pour ce qui est de sélectionner de futurs enseignants et enseignantes. Il existe et doit exister des épreuves spécifiques visant à évaluer cette maîtrise chez les candidates et les candidats.

L’ACIREPh tient enfin à rappeler qu’elle ne considère nullement cette épreuve d’entretien, dans sa formule actuelle, pour exempte de tout reproche – loin de là. L’ACIREPh considère que cette épreuve témoigne d’une conception bien trop étroite des normes de professionnalité du métier, exclusivement centrée sur la capacité à répondre à des incidents ponctuels, au détriment de toute perspective réflexive inscrivant la pratique enseignante dans le temps moyen et le temps long. L’ACIREPh n’ignore pas la difficulté d’évaluer la connaissance et le degré d’appropriation de telles normes auprès de candidates et de candidats qui, pour la plupart, n’ont jamais encore eu l’occasion d’exercer. C’est pourquoi elle considère qu’une transformation de l’épreuve devrait être réinscrite dans le cadre d’une réforme plus générale et plus ambitieuse de la formation et des concours ouvrant l’accès à l’enseignement secondaire.

L’ACIREPh avait aussi formulé des craintes concernant la manière dont s’est tenue la première épreuve des oraux. A la lecture de ce rapport, elle reconnaît qu’une partie de ces craintes était infondée. En particulier, le respect de la distinction des deux moments (explication de texte/leçon) semble de nature à permettre aux candidates et aux candidats de faire valoir leurs connaissances et leurs compétences pédagogiques et didactiques en plus de leur maîtrise disciplinaire.