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Compte-rendu de l’audience accordée à l’ACIREPh par le groupe de philosophie de l’inspection générale

lundi 4 juillet 2022, par Acireph

Personnes présentes :

 Frank Burbage, doyen du groupe de philosophie de l’inspection générale

 Paul Mathias, inspecteur général de philosophie

 Guillaume Durieux, président de l’ACIREPh

Compte-rendu des échanges

A l’occasion du renouvellement du Conseil d’administration de l’ACIREPh et de l’élection, au poste de président, de Guillaume Durieux, l’ACIREPh a demandé à monsieur Frank Burbage, doyen de l’inspection générale de philosophie, une audience. Cette audience a été l’occasion de renouer contact et de discuter de différents points.

S’agissant des dédoublements pour les classes technologiques

L’ACIREPh a rappelé l’urgence de rétablir les dédoublements en philosophie pour les classes technologiques. Elle a appelé l’inspection générale à prendre plus fermement position sur la question. En réponse, le doyen Burbage s’est étonné d’un tel soupçon : l’inspection générale n’a jamais manqué de fermeté sur cette question, bien au contraire ; il a rappelé que le retour des dédoublements a toujours été défendu (et l’avait encore été récemment) par l’inspection générale auprès du ministère (et encore en septembre auprès de la Dgesco) mais qu’à l’heure actuelle la position de la Dgesco consiste à renvoyer le choix de mettre en œuvre ces dédoublements aux établissements, sous couvert de leur autonomie. Le constat commun a été fait que le faible coefficient à l’épreuve de philosophie en série technologique n’incite guère les chefs d’établissement à soutenir ces dédoublements. L’inspection générale et l’ACIREPh s’accordent donc sur cette demande d’un rétablissement de la systématicité des dédoublements (2 heures élève – 3 heures professeur) dans l’ensemble des classes de la voie technologique.

S’agissant de l’épreuve d’explication de texte pour les séries technologiques

La discussion s’est poursuivie sur les épreuves du baccalauréat, en particulier sur l’épreuve d’explication de texte des séries technologiques. L’ACIREPh a fait valoir que les difficultés rencontrées par de nombreux collègues enseignant en classes technologiques ne tenaient pas seulement à la disparition des dédoublements mais renvoyaient aussi à la difficulté rencontrée par les élèves pour s’approprier le sens et les exigences de cette discipline. L’ACIREPh a tenu à rappeler son engagement en faveur de l’enseignement de la philosophie en voie technologique. Cet engagement, pour n’être pas que de façade, implique de réfléchir à des programmes et à des épreuves permettant d’évaluer le travail qui peut raisonnablement être accompli par des élèves de terminale en une année. En particulier, l’ACIREPh a fait le constat que le nouveau format d’épreuve de l’explication de texte mis en place depuis deux ans pourrait être amélioré. Elle a néanmoins salué le progrès que ce nouveau format constitue par rapport au format antérieur.

La discussion s’est focalisée sur la partie B de l’épreuve. L’ACIREPh a fait valoir l’importance de mieux spécifier les attentes et les exigences de cette partie. En particulier, elle a défendu des formulations de question ciblant davantage des compétences argumentatives spécifiques. De longues discussions ont été menées, sans forcément être parfaitement conclusives. L’inspection générale s’est montrée ouverte à l’idée d’améliorer la formulation de ces questions. Dans le même temps, elle s’est montrée soucieuse d’utiliser des formulations suffisamment simples et compatibles avec la variété des traditions philosophiques et pédagogiques incarnées parmi les enseignants de philosophie. L’ACIREPh s’est montrée sceptique quant à la possibilité de trouver une telle position : cet objectif lui semble privilégier certaines traditions et, surtout, être incompatible avec l’intérêt des élèves qui pâtissent de la nature actuelle des programmes et des épreuves. L’inspection générale fait quant à elle valoir la nécessité pour les professeurs d’apprendre aux élèves à s’approprier précisément la nature et le sens des opérations proprement scolaires à effectuer lors des épreuves du baccalauréat.

S’agissant des programmes et des épreuves

La discussion s’est naturellement élargie à la question des programmes et des épreuves. L’ACIREPh a tenu à rappeler sa critique historique de l’indétermination des programmes. L’ACIREPh a rappelé son analyse selon laquelle le format actuel des programmes et des épreuves ne permet pas d’espérer évaluer équitablement les élèves sur ce qu’ils ont appris. Cette indétermination a pour conséquence de rendre l’épreuve terminale de philosophie injuste et arbitraire pour de nombreux élèves. Le doyen Burbage a insisté à cette occasion pour lever ce qui lui semble être un grave malentendu sur la nature des programmes. Il lui paraît parfaitement erroné de continuer de parler exclusivement d’un programme de notions, et cela alors que le programme associe plusieurs pôles, ou éléments complémentaires. Aucun élément du programme ne contraint les professeurs ou même ne les invite au « chapitrage » par notions, que les documents d’accompagnement publiés sur le site Eduscol invitent au contraire à éviter. Il a été rappelé que le préambule des programmes actuels insiste explicitement sur l’acquisition de savoirs et de savoir-faire qui donnent à l’enseignement de la philosophie un horizon réflexif et argumentatif assez précis. La liberté pédagogique s’adosse à un cadre réglementaire et programmatique qu’il importe de respecter. L’ACIREPh s’est montrée sensible à cette évolution qu’elle ne peut que saluer. Elle se montre cependant sceptique quant à sa portée. Il est loin d’être clair que les pratiques réelles des enseignants soient informées par les considérations indiquées en préambule des programmes. L’ACIREPh a tenu à rappeler que c’est avant tout la nature des épreuves inscrites à l’examen qui oriente les pratiques d’enseignement. Le maintien d’un programme ne spécifiant pas des problèmes, des connaissances et des compétences spécifiques a pour conséquence nécessaire d’inciter les professeurs à aborder le plus de « contenu » possible afin que les élèves ne soient pas trop pris au dépourvu face à des sujets dont la formulation implique toujours, selon la formule proposée par monsieur Paul Mathias, un élément de « surprise ». L’inspection générale ne s’accorde par sur ce point avec l’ACIREPH qui considère quant à elle que cette incitation va clairement à l’encontre de l’intention affichée de valoriser ces savoirs et savoir-faire. Monsieur Paul Mathias a insisté sur l’impossibilité de pleinement procéduraliser des exercices comme la dissertation. L’ACIREPh a tenu à rappeler que si une procéduralisation complète est probablement impossible, il est essentiel que les épreuves orientent réellement les enseignants vers un tel travail sur les procédures. Ce n’est pas le cas actuellement.

La discussion a ensuite porté sur les manières de contribuer à une meilleure détermination des programmes et des épreuves tout en conservant le cadre général des programmes actuels. L’ACIREPh a rappelé sa revendication historique de la publication de corrigés accompagnant chacun des sujets de baccalauréat, un peu à la façon de ce qui se fait pour les épreuves d’HLP ou d’autres disciplines. De tels corrigés doivent indiquer clairement ce qu’un élève de terminale, raisonnablement sérieux, aurait pu et dû faire face aux sujets proposés. La publication de tels corrigés aurait le double intérêt d’indiquer clairement comment les savoir-faire indiqués en préambule des programmes peuvent être mis à œuvre par des élèves face à des sujets inédits et résistants et de participer à fournir une référence pour les professeurs, à la fois pour la conception de leur progression annuelle et pour leur travail de correction. Ce serait une façon de montrer comment les savoirs et savoir-faire évoqués dans le préambule des programmes peuvent être effectivement travaillés efficacement par les professeurs de philosophie. L’inspection générale a semblé plutôt bien disposée vis-à-vis de cette idée, bien qu’elle préfère parler d’« éléments d’évaluation », et insiste aussi sur leur dimension d’ouverture – dans l’hypothèse où l’on en produirait, ces éléments d’évaluation ne seront pas des corrigés étroitement normatifs. L’idée d’augmenter le nombre de sujets a aussi été évoquée rapidement, l’inspection générale s’inquiétant de ce que cette augmentation puisse contribuer au développement de fiches thématiques et peu propice au travail des élèves et des classes. L’inspection générale a ouvert la porte à une réécriture plus précise de certains documents – ou parties – d’accompagnement, et notamment ceux qui concernent les exercices et l’explication de texte en particulier.

L’ACIREPh a par ailleurs fait part de son vœu d’être associée à une réflexion collective relative aux épreuves du baccalauréat.

S’agissant de la modification des notes constatée par des correcteurs en HLP

L’ACIREPh a communiqué la surprise de nombreux correcteurs voyant la note qu’ils avaient attribuée à l’épreuve d’HLP modifiée, parfois significativement, sans avoir été consultés. L’inspection générale a tenu à rappeler que les notes au baccalauréat sont attribuées collectivement par le jury et non pas individuellement par le correcteur. La note attribuée par le correcteur n’est, en toute rigueur, qu’une « proposition de note ». À cet égard, la numérisation du travail de correction via Santorin n’a rien changé à cet état de fait mais l’a seulement rendu plus visible. L’inspection générale a renvoyé au décret 2022-412 du 22 mars 2022 (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045398263), prévoyant l’introduction des inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogique dans la composition des jurys du baccalauréat. Elle a regretté qu’une meilleure communication n’ait pas été faite à ce sujet, cause de la surprise et du mécontentement ressentis par de nombreux correcteurs. Si l’ACIREPh ne conteste pas le fondement légal de ces modifications, elle a constaté néanmoins la grande opacité dans laquelle elles ont été faites et regretté que les professeurs correcteurs ne soient ni consultés ni informés de ces modifications.

S’agissant de l’épreuve d’entretien du CAPES

L’inspection générale a tenu à faire part de sa vive réprobation, s’agissant tant de la forme que du fond, du communiqué de l’ACIREPh concernant l’épreuve d’entretien de CAPES et le supposé « dévoiement » dont le jury du concours se serait rendu responsable (https://acireph.org/l-acireph-2/positions-publiques/article/communique-sur-la-nouvelle-epreuve-d-entretien-avec-le-jury-du-capes-de). Les accusations portées dans ce communiqué lui apparaissent à la fois graves et infondées. Elle a tenu en particulier à rappeler que l’insistance du jury et des commissions à orienter les discussions vers les enjeux réflexifs des situations soumises au candidats, loin de constituer un « dévoiement », s’adosse au cadrage ministériel de l’épreuve relayé par la DGRH. Une telle orientation a été de surcroît explicitée dans un document communiqué au réseau des Inspé et des universités disposant de préparations au Capes externe de philosophie I L’inspection générale regrett que ce document n’ait pas été davantage diffusé. Elle rappelle la nature et le sens des travaux du jury du Capes, appelant à l’analyse la plus précise possible de situations d’enseignement ou de vie scolaire faisant problème, pour des raisons d’ordre différent, et sollicitant la réflexion d’un futur professeur de philosophie.

Si l’ACIREPh regrette que le ton polémique du communiqué ait paru inutilement polémique, elle maintient le fond de ses analyses. En particulier, l’ACIREPh considère que l’interprétation qu’une commission au moins a adoptée s’éloigne significativement du cadre national de l’épreuve. Une interprétation ne saurait être acceptable si elle contredit la lettre du texte interprété. En particulier, le document de cadrage national dont disposaient les candidats pour se préparer insiste sur l’importance de fournir des « pistes de solutions » et une « proposition d’action » pour chacune des mises en situation (https://www.devenirenseignant.gouv.fr/cid159421/epreuve-entretien-avec-jury.html). Or il semble bien que des candidats évoquant de telles propositions aient été interrompus et orientés vers des réflexions exclusivement philosophiques. L’ACIREPh a aussi tenu à indiquer que les analyses produites dans le communiqué, loin d’être la conséquence d’une présomption a priori, s’appuyaient sur un certain nombre de témoignages recueillis auprès de candidates et de candidats ayant passé l’épreuve. Elle a aussi reconnu que l’exemple figurant dans le communiqué ne renvoyait pas à un exemple réel mais avait été forgé en s’appuyant sur les témoignages recueillis - cela parce que les candidates et les candidats ont expressément insisté pour qu’ils ne soient pas reconnaissables. En tout état de cause, bien des candidats n’étaient pas au courant de l’existence de ce document précisant l’interprétation de l’épreuve par le jury, document qu’il n’est pas aisé de trouver en ligne d’ailleurs. 

De son côté, l’inspection générale a rappelé que les attendus de l’épreuve nouvelle doivent s’entendre de manière non tronquée : le candidat doit certes « formuler une proposition d’action de nature à répondre au problème qu’il a identifié », mais il est avant tout, et dans un cadre que chaque jury disciplinaire doit décliner à sa manière, « invité à mobiliser sa réflexion et ses connaissances afin de… ». L’ACIREPh convient de ce principe général mais considère, sur la base des témoignages qu’elle a reçus, qu’une certaine manière de conduire l’entretien risque justement d’aboutir à une interprétation tronquée des attendus de l’épreuve. Monsieur Paul Mathias fait part de son souhait que l’ACIREPh communique à la présidente du jury ainsi qu’au doyen Burbage et à lui-même certains éléments des témoignages recueillis afin de remédier, à l’avenir, à des dysfonctionnements éventuels du jury. Il a aussi indiqué que le rapport du jury reviendra précisément sur l’ensemble de ces éléments. L’ACIREPh s’est engagée sur ce principe sous condition d’accord des personnes ayant accepté de lui fournir ces témoignages.

Sur ce point, les désaccords entre l’ACIREPh et l’inspection générale restent importants mais l’ACIREPh espère qu’un certain nombre de malentendus ont été levés grâce à ces échanges.

Conclusion

L’ACIREPh se réjouit de cette audience. Elle a le sentiment que, malgré des désaccords subsistants, les échanges ont été constructifs. L’ACIREPh regrette qu’un certain nombre de malentendus se soient installés entre l’inspection générale et elle. Elle espère que d’autres échanges permettront de poursuivre le travail amorcé lors de cette audience, notamment s’agissant des perspectives de détermination des attendus des épreuves. Elle maintient évidemment son engagement historique en faveur d’une refonte ambitieuse des programmes et des épreuves, perspectives écartées par l’inspection générale. Mais elle se réjouit que les échanges sur ces questions aient été francs et constructifs et que des perspectives d’amélioration soient considérées avec intérêt.