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Motions votées par l’assemblée générale 2021
Motions votées à l’unanimité des participants à l’assemblée générale de l’ACIREPh du 27 mars 2021
samedi 27 mars 2021, par
Motion sur les effets de la réforme du lycée sur l’enseignement de la philosophie
Après deux années de mise en œuvre, la réforme « Blanquer » du lycée produit ses effets, dont certains avaient été dénoncés dès 2018 par l’ACIREPh :
– l’augmentation des effectifs par groupe accroît les difficultés propres à l’enseignement de la philosophie : l’écoute des élèves et leur suivi individuel sont considérablement affaiblis, la charge des corrections de copies alourdie.
– le groupe-classe n’existant que pour les enseignements de tronc commun, les professeurs n’ont plus d’équipe sur laquelle s’appuyer pour accompagner les élèves, qui ne se connaissent pas toujours. Il sera nécessaire de faire un diagnostic documenté sur les effets de la fragmentation des élèves entre différents groupes, sur le niveau et la qualité de la participation et des interactions en classe. On peut d’ores et déjà constater que le suivi des élèves n’est plus assuré que par le professeur principal, souvent seul ou presque lors des conseils de classe, où la collégialité des décisions n’est plus garantie.
– l’absence de culture commune partagée par les élèves, ceux-ci pouvant suivre des spécialités différentes. Les professeurs de philosophie voient ainsi leurs difficultés amplifiées à s’appuyer sur des connaissances qui permettraient d’enrichir et de lier entre eux les apprentissages de leurs élèves.
– la complexité des emplois du temps rend pratiquement impossible les projets d’enseignements interdisciplinaires, le travail en équipes pédagogiques cohérentes et l’organisation de devoirs type bac en 4 heures.
– l’abondance des différentes échéances conjuguée au poids de Parcoursup, dont l’ACIREPh a dénoncé l’opacité et les procédures discriminantes, augmente très sensiblement le stress des élèves à l’égard de leurs notes, qui ne sont plus guère vécues dans leur fonction formative, mais exclusivement sommative. Les professeurs subissent de plein fouet cette intensification de l’anxiété relative aux notes, de la part de leurs élèves et de leurs parents.
– l’augmentation de la pression scolaire qui pèse sur les élèves à chaque étape de leur cursus lycéen : le choix de leurs spécialités en Seconde, celui de la spécialité abandonnée en Première, marquent une réduction progressive des possibilités qui leur seront offertes dans l’enseignement supérieur, à des âges où il est habituel de ne pas encore se projeter dans un métier précis, et de ne pas subordonner le goût des apprentissages à leur rentabilité professionnelle escomptée.
L’ACIREPh demande par conséquent :
– a minima, l’abandon de la logique comptable qui préside à l’organisation des groupes, et l’obligation de constituer des groupes-classes homogènes, à effectifs réduits, répartis en fonction des spécialités des élèves.
– la mise en œuvre d’une évaluation et d’une concertation nationale des enseignants sur la réforme « Blanquer » et l’avenir du lycée.
– un véritable cursus de philosophie obligatoire pour tous les lycéens de la voie générale et technologique : 2 heures en Seconde, 3 heures en Première et 4 heures en Terminale.
– l’obligation pour les formations de l’enseignement supérieur de rendre publics les critères de leurs algorithmes de sélection dans le dispositif Parcoursup, comme l’avait demandé le Défenseur des droits.
Motion sur la philosophie dans la voie technologique
La philosophie ressort de cette réforme considérablement affaiblie dans la voie technologique : on constate presque partout la disparition de ce qui restait des dédoublements ; certains collègues enseignant majoritairement dans cette voie peuvent avoir plus de 250 élèves, qu’ils ne voient qu’en classe entière. De telles conditions de travail sont inacceptables. On demande l’impossible aux professeurs ; et aux élèves de travailler pour réussir des épreuves infaisables dont la rentabilité scolaire sera pratiquement nulle.
Le Ministère doit prendre une décision : si la philosophie est jugée utile à la formation intellectuelle des futurs bacheliers technologiques, qu’elle soit assortie d’un coefficient digne de ce nom, d’épreuves renouvelées et de conditions de travail décentes pour les professeurs comme pour les élèves.
L’ACIREPh demande (unanimement avec les autres associations et organisations syndicales) que le dédoublement d’au moins une heure hebdomadaire soit rétabli dans la voie technologique. Cette demande n’est pas accessoire : il s’agit d’une condition absolument nécessaire pour la simple survie de l’enseignement de la philosophie dans la voie technologique.
Si des heures en classe dédoublée paraissent trop coûteuses au Ministère, il est a minima indispensable que des groupes à effectifs réduits, de 20 élèves au plus, soient mis en place en philosophie, comme cela se pratique pour les enseignements de langues vivantes. L’ACIREPh demande que cela soit obligatoire et cadré nationalement.
L’ACIREPh demande que l’épreuve de philosophie au baccalauréat technologique soit pourvue d’un coefficient 5, égal à ceux des autres disciplines de tronc commun.
Enfin, s’agissant du format des épreuves du baccalauréat technologique, l’ACIREPh demande :
– que soit réintroduit un sujet de composition, tenant compte du bilan de cette forme guidée de dissertation expérimenté en STHR lors des sessions 2018 et 2019 de l’examen, ainsi que des propositions d’amélioration communiquées à la DGESCO par notre association ;
– que soient clarifiés les attendus des questions du groupement [C] du sujet d’explication de texte par une note remplaçant et précisant la note de service du 11 février 2020.
Motion sur les ateliers philosophiques dans les lycées professionnels
La possibilité offerte dès la rentrée 2021 d’organiser des ateliers philosophiques en co-intervention dans les lycées professionnels ne doit pas être saluée sans nuance.
L’ACIREPh demande, seule, depuis sa création en 1998, que la philosophie soit enseignée dans les lycées professionnels. L’exclusion d’un pan entier des lycéens de l’enseignement de la philosophie ne se justifie pas.
L’ACIREPh s’interroge toutefois : si l’objectif du Ministère est de renforcer la culture générale et les outils d’analyse critique des lycéens de la voie professionnelle, pourquoi avoir supprimé près d’un tiers des enseignements généraux lors de la dernière réforme des lycées professionnels ?
Dans le cadre des ateliers proposés à l’initiative volontaire des enseignants, l’ACIREPh demande que ces ateliers soient comptabilisés dans le service normal des professeurs de philosophie, et dans celui de leurs collègues des lycées professionnels.
Enfin, l’ACIREPh demande que les erreurs qui ont été faites avec les séries technologiques ne soient pas reconduites dans les lycées professionnels. La pédagogie doit être réinventée, des exercices formateurs et efficaces proposés aux élèves, des formations organisées pour mutualiser les réussites et pallier les difficultés, en vue de la mise en œuvre d’un véritable cursus de philosophie en lycées professionnels, ce qui suppose le recrutement de professeurs.
Motion sur les recommandations de l’Inspection générale sur le travail des élèves
L’ACIREPh avait adressé à l’Inspection générale, à sa demande, des propositions pour ces recommandations en mars 2020. Il n’en a été tenu aucun compte.
On peut lire dans ces recommandations : « Dans la voie technologique en particulier, l’expérience montre combien le travail en effectif réduit est une condition bénéfique à la réussite des élèves. Il requiert des horaires abondés dans le cadre des projets spécifiques d’établissement. »
Malheureusement ces recommandations ne sont publiées dans aucun B.O. et donc, juridiquement, n’existent pas. Certains chefs d’établissement ont déjà des difficultés à appliquer des textes publiés au B.O, comme la répartition des heures entre lettres et philosophie pour la spécialité HLP, explicitement prescrite par le programme. S’agissant de simples « recommandations » qui n’ont aucune place dans la hiérarchie des normes applicables à l’enseignement de la philosophie, on peut s’attendre – l’expérience en témoigne – à ce que les chefs d’établissement n’en tiennent rigoureusement aucun compte. Le nombre de devoirs type bac (8 en voie générale dont 3 DS, 6 en voie technologique dont 2 DS) semble ainsi stupéfiant pour tout professeur qui connaît l’organisation du lycée « Blanquer », et impossible à défendre sur la base d’un texte ayant valeur réglementaire.
L’ACIREPh demande au Ministère qu’un texte doté d’une portée normative, publié au B.O., exige des effectifs réduits pour la philosophie dans la voie technologique et un nombre raisonnable de devoirs surveillés type bac pendant l’année (quatre dans la voie générale, deux dans la voie technologique).
Motion sur la correction dématérialisée des copies du baccalauréat
Après une année de travail contraint derrière des écrans, il semble que le bon sens ne soit pas la chose du monde la mieux partagée par le Ministère, qui a décidé sans concertation que les copies de l’épreuve de philosophie du baccalauréat seraient corrigées en format numérisé pour les sessions à venir.
L’ACIREPh dénonce la charge de travail supplémentaire induite par ce fonctionnement pour les personnels administratifs, son coût écologique injustifiable et documenté, et la dégradation des conditions de correction qu’il entraînera pour les correcteurs, dont il n’est pas rare qu’ils aient en charge 150 copies voire davantage. Qu’ils soient contraints de passer plus de 7 heures par jour derrière un écran, avec les dommages que cela implique sur leur santé, n’est pas acceptable.
L’ACIREPh demande que les copies de l’épreuve de philosophie soient corrigées dans leur forme originale, ou bien a minima que les copies originales soient fournies aux correcteurs du baccalauréat qui en font la demande.
Motion sur l’épreuve de philosophie pour la session 2021 du baccalauréat
L’ACIREPh réaffirme son attachement au baccalauréat en tant qu’examen national, dont la nature de premier grade de l’enseignement supérieur, ouvrant droit aux études universitaires, est considérablement affaiblie par la réforme « Blanquer » et le dispositif Parcoursup.
Les conditions de préparation des élèves à l’épreuve de philosophie de cette session 2021 du baccalauréat sont marquées par une rupture d’égalité en flagrante contradiction avec l’idée d’un examen national. Dans les lycées où les demi-groupes sont instaurés depuis l’automne 2020, les programmes de philosophie n’auront été traités que très partiellement, moins de la moitié des notions ayant souvent été abordée. Dans les lycées où les classes « entières » ont été maintenues jusqu’aux consignes gouvernementales récentes, le rythme des progressions suivies fut quasiment normal. Partout, les exercices de méthode et l’entraînement aux épreuves du baccalauréat n’ont pas pu être menés correctement, sous les effets conjugués de la désorganisation du nouveau lycée et des restrictions sanitaires.
Les professeurs représentés par l’ACIREPh ont conscience que le maintien annoncé de l’épreuve du baccalauréat a pour effet, sinon pour finalité, de garantir l’engagement des élèves dans leur travail jusqu’au terme de l’année scolaire. Pourtant, au lieu d’attendre le dernier moment pour éventuellement annoncer la suppression de l’épreuve finale et son remplacement par le contrôle continu, comme cela a été fait pour les épreuves de spécialités, il eût été nettement préférable que le Ministère prenne les devants et permette aux professeurs comme aux élèves de savoir d’emblée comment ils devaient mener les apprentissages et leur évaluation en philosophie.
L’ACIREPh dénonce ce traitement improvisé de la situation des examens, qui toute l’année durant a placé les professeurs et leurs élèves dans une incertitude insupportable et très dommageable aux apprentissages.
Dans ce contexte et pour ces raisons, l’ACIREPh demande que l’épreuve de philosophie de la session 2021 du baccalauréat soit supprimée et remplacée par la moyenne annuelle des élèves.
Motion sur la spécialité « Humanités, littérature, philosophie »
L’ACIREPh se réjouit que la philosophie puisse enfin être enseignée en classe de Première, dans le cadre d’un programme relativement déterminé qui permet aux élèves d’acquérir des repères dans l’histoire des idées, et d’un travail interdisciplinaire. Le renouvellement bienvenu des modalités de travail et d’évaluation des connaissances et des démarches philosophiques, grâce à l’introduction de nouvelles pratiques de lecture, d’écriture et de travail sur l’oral, doit également être salué.
Après deux années de mise en œuvre en classe de Première et une année en Terminale, les professeurs de philosophie constatent cependant :
– la mise en concurrence des spécialités (donc des collègues), dont souffre particulièrement HLP, perçue par les élèves comme offrant peu de débouchés, ce qui se traduit par une surenchère des moyennes, en raison de l’abandon d’une spécialité en fin de Première ;
– la formule de l’épreuve trop décorrélée du programme, et des sujets proposés qui consistent trop souvent en une question d’interprétation qui incite, au mieux, au repérage et à la reformulation d’informations (et pour le traitement de laquelle le cours est rarement utile), et en une question de réflexion abordant des thèmes plus larges que le programme (ce qui fait que le cours risque de s’avérer tout aussi inutile), et sur lesquels il paraît irréaliste d’attendre des élèves des idées et exemples précis, surtout dans le temps imparti par l’épreuve, en l’absence de cours consacré à ces questions. Les élèves sont ainsi exposés à se retrouver face à un sujet qui tombe dans un angle mort du cours, d’autant plus que la banque de sujets de Première comporte nombre de sujets qu’on peut raisonnablement juger hors-programme.
L’ACIREPh demande par conséquent :
– une épreuve de 4 heures pour les renonçants de Première, comme en Terminale ;
– que les épreuves écrites soient positionnées au mois de juin, pour que les élèves aient le temps de progresser dans la maîtrise des exigences et de traiter tout le programme correctement ;
– une délimitation plus précise des sujets possibles ;
– la précision ou la suppression de l’intitulé ’création, continuités, ruptures’ en Terminale.
Motion sur la réforme de la formation initiale et du recrutement des futurs professeurs
L’ACIREPh condamne la réforme du CAPES et des masters MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) et demande au Ministère de la retirer afin d’ouvrir la voie à une véritable concertation pour améliorer la formation et le recrutement des futurs professeurs de philosophie.
Supprimer l’entretien de motivation
La seconde épreuve orale d’admission du CAPES, comptant pour un tiers de la note finale du candidat, consistera en un « entretien sur la motivation du candidat et sa connaissance de l’environnement et des enjeux du service public de l’éducation, sa capacité à incarner et verbaliser les valeurs de la République et à se positionner en fonctionnaire ». Les jurys du nouveau CAPES comporteront des personnels des départements de « Ressources humaines » des rectorats, du ministère, ou encore des proviseurs. Quelles sont ces valeurs, qui est apte à les enseigner et à en évaluer la connaissance ? En l’absence d’experts reconnus ou de consensus universitaire en la matière, on peut craindre une évaluation très subjective et variable en fonction des préférences politiques ou idéologiques des membres du jury. L’ACIREPh demande la suppression de cette épreuve qui n’aura aucune chance d’évaluer ni les connaissances disciplinaires ni les savoir-faire pédagogiques des futurs enseignants, et dont on peut mettre en question les réelles finalités. On recrute des professeurs pour leurs qualités intellectuelles, pédagogiques et didactiques, non pour leur aptitude à se conformer à des exigences étrangères à l’enseignement.
Refuser les stages en alternance en Master 2
Pendant leur année de Master 2, en pleine préparation du CAPES, les étudiants devront suivre un stage en alternance, en responsabilité avec des classes, à hauteur d’un tiers temps de service d’enseignement, soit 6 heures hebdomadaires devant élèves, rémunéré sous un statut contractuel. L’ACIREPh rejette ces dispositions qui exacerberont la précarité des futurs enseignants et les priveront du temps et des moyens nécessaires à leur formation universitaire, notamment à leurs travaux de recherche, et à leur préparation du concours lui-même. Cette surcharge de travail rendra encore plus difficile l’entrée dans le métier d’enseignant, contribuera à dévaloriser celui-ci et risquera d’accentuer la crise de recrutement que connaît la profession depuis la masterisation (2011). Qu’il faille que les étudiants se destinant à l’enseignement aient une expérience pratique du métier avant de passer le concours n’est pas contestable. Mais l’ACIREPh demande que la pleine responsabilité de classes intervienne pour les seuls lauréats du concours en tant que fonctionnaires stagiaires, pour un service à mi-temps, et qu’elle soit exclusive de toute autre tâche.
Pour autant, l’ACIREPh ne défend pas le statu quo en ce qui concerne la formation et les concours de recrutement des professeurs de philosophie :
– La philosophie s’est illustrée depuis des décennies par son refus d’intégrer toute dimension pédagogique et didactique dans ses concours de recrutement, à la différence des autres disciplines qui y font d’ores et déjà une place suffisante. Ainsi, même les épreuves du CAPES officiellement intitulées « mise en situation professionnelle » et « analyse d’une situation d’enseignement » ont été systématiquement réduites à la traditionnelle leçon, ce dont témoignent les rapports de jurys. Les malheureux candidats qui, chaque année, s’imaginent devoir démontrer leur capacité à enseigner la philosophie à des élèves, se le voient reprocher. On peut d’ailleurs s’attendre à ce qu’en philosophie, la seconde épreuve d’admissibilité et la première épreuve d’admission prévues par cette réforme connaissent le même sort. L’ACIREPh dénonce depuis vingt ans cette résistance des jurys de concours à toute forme de pédagogie.
Améliorer la formation initiale
– La formation initiale des professeurs de philosophie ne les prépare pas suffisamment à leur futur métier car une trop faible place est accordée à la philosophie générale : selon les cursus on peut avoir des lacunes majeures. Les Universités, qui demandent le monopole de la formation des futurs professeurs de philosophie, seraient conséquentes en proposant des Masters spécifiques « Philosophie générale et enseignement » pour permettre à tous les candidats d’avoir les moyens de se donner la culture que l’on attend d’eux aux concours, qu’il s’agisse du CAPES ou de l’agrégation.
– la formation initiale et continue des enseignants de philosophie est presque exclusivement érudite et ne fait pour ainsi dire aucune place à l’échange sur les pratiques, à la réflexion sur les obstacles pédagogiques et à la mise en circulation des innovations. L’ACIREPh le déplore et demande une véritable réflexion collective sur cette question, pour mettre en place une culture professionnelle de l’analyse des pratiques, préalable à une réforme qui prenne au sérieux la didactique et permette aux futurs professeurs d’être armés pour la réalité du métier.