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Compte-rendu de l’audience du 18 mai 2018 auprès de M. Frank Burbage, inspecteur général, doyen du groupe de philosophie
mardi 22 mai 2018, par
Pour le groupe philosophie de l’Inspection générale : M. Frank Burbage, doyen.
Pour l’ACIREPh : M. Frédéric Le Plaine, président ; M. François Meyer, webmestre.
1) Assises nationales de l’enseignement de la philosophie
L’ACIREPh invite le groupe philosophie de l’Inspection générale à participer aux Assises nationales de l’enseignement de la philosophie, qui auront lieu le vendredi 15 juin 2018, vraisemblablement à l’Université Paris Ouest Nanterre (le lieu sera confirmé ultérieurement). Ces Assises sont organisées dans un cadre à la fois unitaire et pluraliste. L’ACIREPh et l’APPEP les co-organisent avec diverses organisations syndicales (SNES, SUD, CGT, FO).
M. Burbage nous répond qu’une invitation formelle par écrit devra être envoyée à l’ensemble du groupe philosophie de l’Inspection générale, afin que celui-ci puisse en référer à la doyenne générale de l’inspection générale et décider d’y participer en tant que tel, le cas échéant.
2) Nouvelles épreuves de philosophie en série STHR
L’ACIREPh rappelle qu’elle est favorable à une évolution de l’épreuve de philosophie en séries technologiques, tant les difficultés de la situation actuelle sont criantes. L’enquête réalisée en 2015 en collaboration avec le SNES faisait ainsi apparaître qu’une très large majorité (82%) des quelques 420 collègues ayant répondu jugeait que les épreuves du baccalauréat en philosophie dans ces séries devaient être, soit « conservées mais aménagées » (28%), soit « enrichies par de nouvelles épreuves » (17%), soit « à remplacer totalement » (37%).
L’ACIREPh demande comment sera mené le bilan de la première session à l’occasion de laquelle les nouveaux formats d’épreuve seront mis en œuvre, en juin 2018, si les associations professionnelles seront impliquées dans cette évaluation, et si les sujets donnés au baccalauréat tiendront compte des critiques qui avaient pu être adressées à l’égard des sujets-zéro publiés à l’automne 2017.
M. Burbage nous répond que les commissions d’élaboration des sujets pour la session 2018 du baccalauréat se sont déjà efforcées de prendre en compte les premiers retours sur les sujets-zéro. En outre, la Dgesco (Mission de pilotage des examens) et l’Inspection générale viennent de publier des recommandations à l’attention des correcteurs de ces nouvelles épreuves et des inspecteurs d’académie – inspecteurs pédagogiques régionaux. Ces recommandations seront transmises en académie par les Directions des examens et concours ainsi que par les IA-IPR à l’ensemble des professeurs correcteurs, par ailleurs formés à cette nouvelle épreuve.
Il indique qu’une commission de suivi a été constituée pour évaluer ces nouvelles épreuves (une première réunion a eu lieu le 2 Mai), co-pilotée par la DGESCO et l’Inspection générale (MM. Frank Burbage et Mark Sherringham) et composée d’IA-IPR (Mmes Anne Duhamel, Paula La Marne et Jeanne Szpirglas, M. Michel Nesme) ainsi que de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP). Cette commission évaluera les deux sessions 2018 et 2019. Un bilan sera fait (avec un premier rapport d’étape à l’automne 2018), qui viendra nourrir la réflexion (CSP, IGEN, Dgesco) sur une possible évolution de l’ensemble des épreuves de philosophie des séries technologiques à compter de l’entrée en vigueur du nouveau baccalauréat, lors de la session 2021.
Ce suivi se déroulera en plusieurs étapes, pour élaborer une décision finale au début de l’année 2020.
– La DEPP est chargée de faire parvenir des retours chiffrés (choix des sujets, moyennes et médianes par sujet, écarts-type, etc.) en Janvier 2019 ; pour recueillir les données, un tableau de relevés quantitatifs (types de sujet choisis, notes) sera adressé aux correcteurs de l’épreuve du baccalauréat (Juin-Juillet 2018) ;
– un questionnaire qualitatif sera adressé aux professeurs correcteurs, et un autre aux professeurs en charge de l’enseignement dans les classes de STHR (Juillet / Septembre 2018) ;
– l’avis des concepteurs des sujets de baccalauréat sera également recueilli (automne 2018) ;
– enfin, une première réunion sera organisée à l’automne 2018, à laquelle seront conviées les associations professionnelles représentatives.
3) Sujets d’explication de texte donnés au baccalauréat
L’ACIREPh rappelle son inquiétude quant aux obstacles d’ordre linguistique qui peuvent nuire à la juste compréhension, par tous les candidats, du texte donné en explication au baccalauréat. Des notes de vocabulaire doivent être prévues afin de ne pas sélectionner les candidats sur un capital linguistique souvent acquis en dehors des cours de philosophie et de l’École en général.
M. Burbage nous répond qu’il partage notre souci légitimement démocratique, mais que multiplier les notes de vocabulaire peut également ajouter des difficultés, malgré une intention louable. Le choix du texte donné en explication est déterminant : au-delà de trois notes de vocabulaire requises, on peut considérer que le texte est simplement mal choisi. Il donne l’exemple de certains textes de Rousseau, dont le lexique relève d’une langue très éloignée du français contemporain : autant il est possible de les étudier en classe, autant il est problématique de les proposer en sujet d’examen – les candidats n’étant plus alors dans la situation des élèves en présence de leur professeur.
4) L’éventualité d’une réduction de la liste des auteurs au programme
L’ACIREPh exprime son inquiétude quant à une éventuelle réduction de la liste des auteurs au programme évoquée dans la note d’analyses et de propositions publiée par le Conseil Supérieur des Programme, alors qu’elle n’est proposée par aucune association professionnelle représentative. Nous soulignons les dangers d’une telle opération, sa portée symbolique extrêmement néfaste au regard de la nécessaire liberté philosophique des professeurs, et l’inévitable opposition qu’elle susciterait. On en reviendrait à une sorte de palmarès assorti d’une liste noire, dont la légitimité serait contestable. Il nous semblerait au contraire justifier de compléter largement la liste des auteurs au programme (Bentham, James, Dewey, Lévi-Strauss, Bourdieu, etc.).
M. Burbage nous indique qu’il a été récemment rappelé par la direction du CSP que la note d’analyses et de propositions du CSP n’a qu’une valeur indicative, et non prescriptive. Le groupe de philosophie de l’Inspection générale ne demande pas de réduction de la liste des auteurs figurant au programme, mais au contraire certains ajouts (Simone Weil, Paul Ricoeur).
M. Burbage rappelle à notre attention que la liste limitative – telle qu’elle fonctionne actuellement et qu’il juge nécessaire – n’empêche pas les professeurs d’étudier d’autres auteurs dans leurs cours. Elle concerne les auteurs qui sont choisis pour le sujet d’explication de texte du baccalauréat et ceux qui sont étudiés pendant l’année au titre de la lecture suivie d’une œuvre philosophique – il précise que la préparation à l’épreuve orale dite de « rattrapage » du baccalauréat en constitue une finalité seulement complémentaire. Car l’étude suivie de l’œuvre, par laquelle le cours vient trouver un ancrage textuel indispensable, accompagne le travail des classes sur l’ensemble de l’année.
En tout état de cause, la notion d’élémentarité ne saurait être utilisée de façon dogmatique, précise-t-il, pour éliminer des programmes tel auteur ou telle notion. Et cela d’autant que de telles assignations prêtent toujours à hésitations et à controverses. C’est plutôt l’expérience et l’expertise de l’institution, et particulièrement celle de la conception, de la vérification (commissions de tests) et de l’évaluation des copies du baccalauréat, qui doit être prise en compte. Il faut et il suffit de s’y référer pour décider raisonnablement du choix des notions et des auteurs.
5) Les futurs programmes de tronc commun pour les classes de Terminale
La note d’analyses et de propositions du CSP affirme le caractère satisfaisant d’un programme de notions. L’ACIREPh en prend acte et regrette que d’autres formes ne soient pas envisagées, comme celle d’un programme de problèmes.
Nous rappelons que l’indétermination et le flou des programmes actuels sont à l’origine, d’une part de leur lourdeur (en particulier en séries S et ES), d’autre part d’une inadéquation, très préjudiciable aux élèves, entre ce qu’ils apprennent pendant leur année scolaire et les sujets qui sont donnés au baccalauréat. Notre diagnostic sur ce point reste inchangé depuis des années, et confirmé à la fois par l’expérience de la diversité des sujets qui peuvent concerner une même notion, et par les enquêtes menées auprès des collègues. Nous réaffirmons donc la nécessité de mieux délimiter les programmes, afin que les candidats au baccalauréat puissent être évalués sur ce qu’ils ont réellement appris en philosophie, et non sur des capacités rhétoriques qui confinent parfois au bavardage. Une meilleure détermination des programmes permettrait aux correcteurs de l’examen final d’être plus exigeants, tout en laissant aux professeurs une entière liberté philosophique. Nous présentons à notre interlocuteur les propositions que nous avons adressées au CSP, allant en ce sens, en imaginant plusieurs formes de programmes mieux délimités. Nous lui demandons également si une consultation de l’ensemble de la profession est à l’ordre du jour, à propos des futurs programmes.
M. Burbage nous répond que le groupe philosophie de l’IG partage l’objectif d’une meilleure adéquation entre les programmes et l’évaluation finale qui est faite du travail des élèves en philosophie. Pour autant, il n’est pas certain que la solution à cette situation en effet insatisfaisante soit dans la constitution des programmes eux-mêmes (le couplage des notions, par exemple, pose parfois autant de problèmes qu’il permet d’en résoudre), et nous invite à envisager d’autres pistes, comme le bon cadrage, voire l’évolution des épreuves du baccalauréat ou bien la formation initiale et continue des professeurs de philosophie. La haute qualification du corps professoral et l’accompagnement des professeurs par l’inspection pédagogique régionale sont selon lui les atouts majeurs pour faire face à ce type de difficulté.
Concernant une éventuelle réduction du nombre de notions, le doyen entend la demande majoritaire des collègues de sortir des impasses liées à la lourdeur des programmes actuels en S et ES. Il rappelle toutefois que la liste des notions qu’indique le programme ne détermine pas les étapes d’un cours (comme le ré-explicitent les Recommandations IGEN de Janvier 2016 relatives au travail dans les classes). Il nous indique réfléchir à plusieurs possibilités, et nous remercie pour nos propositions, parmi lesquelles l’idée d’un programme tournant partiellement chaque année, qui permettrait de réduire substantiellement le nombre de notions, sans toutefois procéder à une sélection nécessairement discutable. Il souligne l’importance des notions liées à l’épistémologie et à la question de la croyance pour la formation intellectuelle des futurs lycéens, quels que soient leurs choix de spécialité. Concernant les repères, notre interlocuteur partage notre souhait qu’ils soient reconduits et même étoffés, leur utilité depuis leur entrée dans les programmes de 2003 se confirmant année après année.
M. Burbage nous apprend qu’il a été contacté par la direction du CSP ainsi que M. Pierre Guenancia, pour co-piloter le Groupe d’élaboration des projets de programmes (GEPP) pour le futur programme de tronc commun des classes de Terminale. Il n’a en revanche pas participé à la constitution du groupe d’experts – celle-ci relevant de l’autonomie fonctionnelle du CSP. Il nous dit être conscient que l’enseignement de la philosophie se trouve à la croisée des chemins : quel enseignement de philosophie pour constituer une culture philosophique effective ? quelles articulations avec les parcours de formation ultérieurs ? quelles articulations interdisciplinaires (et notamment du côté des humanités scientifiques et techniques) ? Il n’a aucune information sur une éventuelle consultation des professeurs de philosophie sur la question des programmes, dont l’éventuelle mise en place n’est pas du ressort de l’IGEN
6) Les futurs programmes pour la spécialité « Humanités, Lettres, Philosophie »
Nous interrogeons le doyen sur la position du groupe philosophie de l’IG quant à cette future spécialité.
M. Burbage nous répond que les groupes de spécialité philosophie et lettres de l’IG ont présenté au CSP une proposition commune, visant à répartir également les heures d’enseignement en Première (2h + 2h) et en Terminale (3h + 3h), sur la base d’un programme disciplinaire différencié, comportant des passerelles interdisciplinaires explicites et susceptibles de donner lieu à des séquences de co-enseignement, l’ensemble débouchant sur une épreuve finale en deux parties obligatoires (lettres, philosophie). Cette proposition entend conjurer, par un cadrage national, un programme par discipline et une interdisciplinarité bien maîtrisée, le risque d’indifférenciation intellectuelle et celui d’arbitrages locaux incertains (et potentiellement conflictuels) dans la répartition des horaires entre professeurs de lettres et professeurs de philosophie.
C’est au GEPP spécifiquement consacré à la spécialité qu’il incombe à présent de formuler ses propres propositions. Le doyen du groupe de philosophie n’a pas été contacté, ès qualité, pour en faire partie ou pour désigner un IG en faisant partie, pas davantage pour participer à sa constitution. Cela aussi relève de l’autonomie du CSP
En toute hypothèse, les programmes de la future spécialité devront être achevés dès l’automne 2018, pour une application à la rentrée 2019. Pour le programme du futur tronc commun de Terminale, la décision finale interviendra courant 2019.
7) Les séries technologiques
L’ACIREPh exprime son inquiétude quant au devenir de l’enseignement de la philosophie dans la voie technologique. La question des dédoublements reste centrale, tant il est parfois difficile de mobiliser l’attention et le travail des élèves de ces séries en classe entière. Nous exprimons à M. Burbage la nécessité que le futur programme des séries technologiques ne soit pas conçu comme un simple décalque ratiboisé de celui de la voie générale, mais qu’il tienne compte de la réalité des élèves et de leurs spécificités. Il serait très dommageable de reproduire les méthodes responsables depuis 30 ans de l’échec de l’enseignement de la philosophie dans ces séries.
Nous présentons également l’intérêt que les futurs programmes de la voie technologique mentionnent l’importance de travaux dirigés, qui justifieraient le retour à des dédoublements dans un cadre national.
M. Burbage partage notre souci de prendre en compte la spécificité des élèves de la voie technologique. Le groupe philosophie de l’IG réfléchit aux moyens d’atteindre cet objectif, qu’il s’agisse des programmes, des enseignements ou des épreuves du baccalauréat.
8) L’apprentissage de l’argumentation
L’ACIREPh rappelle son diagnostic des programmes actuels, qui restent très flous quant au raisonnement philosophique, à ses modalités, ses normes de vérité et aux outils qui permettraient aux élèves de mieux structurer leur réflexion. Nous exprimons la nécessité, à nos yeux, que les futurs programmes mentionnent plus clairement quelques savoir-faire fondamentaux de logique argumentative, soit à travers des repères spécifiquement consacrés au raisonnement (condition nécessaire / condition suffisante ; argument / sophisme ; raisonnement inductif / déductif ; etc.), soit d’une autre manière.
M. Burbage nous répond qu’il partage notre souci de clarification des capacités exigibles des élèves au bout d’une année de philosophie, et que certains repères des programmes actuels remplissent déjà en partie cette fonction. Il nous dit son intérêt pour cette perspective, à condition qu’on l’articule à la définition des exercices et des compétences requises pour leur mise en œuvre. Et cela en se gardant d’un formalisme ou d’une rhétorique détachés du travail conceptuel et critique.
Pour clore cet entretien cordial et franc, nous remettons à M. Burbage l’analyse que l’ACIREPh avait produit, il y a bientôt 10 ans, à propos du dernier rapport de l’Inspection générale sur l’état de l’enseignement de la philosophie en 2007-2008, publié sous la direction du doyen d’alors, M. Jean-Louis Poirier.