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Communiqué sur l’épreuve de philosophie du baccalauréat 2023
samedi 24 juin 2023, par
La date des épreuves
Le sens de cette épreuve d’examen se trouve grandement mis en cause, dans le cadre d’un calendrier où elle intervient après la passation d’épreuves de spécialités aux coefficients déterminants et la remontée des premiers trimestres dans un dispositif d’orientation, Parcoursup, qui met fin à la valeur du baccalauréat comme premier grade de l’enseignement supérieur. L’ACIREPh demande au Ministre de l’éducation nationale de mettre en œuvre une concertation visant à établir un bilan des réformes Blanquer et de leurs effets sur la formation intellectuelles des élèves.
C’est pourquoi l’ACIREPh appelle à reprendre une réflexion de fond sur les programmes et les épreuves, qui se fasse en concertation avec les collègues.
Les sujets
En série générale, le premier sujet contient explicitement deux notions au programme (le bonheur et la raison) sur lesquelles les élèves pouvaient en apparence remobiliser des connaissances acquises en cours. Néanmoins, la notion de raison est susceptible de faire l’objet de cours très différents. Nul doute que beaucoup de collègues auront insisté sur la dimension théorique de la raison, sur la rapport à la science et à la démonstration. Or, pour l’immense majorité des élèves, transposer des connaissances sur la raison théorique à un sujet sur le bonheur est beaucoup trop difficile. Alors même que la notion de conscience est également explicitement au programme, beaucoup d’élèves semblent confondre les deux concepts.
Il en résulte des copies très faibles, dont l’immense majorité donne l’impression de n’avoir eu aucun cours sur la raison. Les autres, eux, ont brutalement identifié en une phrase raison et morale. Ces défauts ne sont pas imputables au manque de travail des élèves, mais à des attentes beaucoup trop indéterminées, qui se traduisent à chaque fois par des exigences à la baisse lorsqu’il convient d’évaluer les copies.
Le deuxième sujet mobilise une notion qui n’est pas explicitement au programme ("la paix"), le programme en contenant pourtant dix-sept. Il semble favoriser des élèves qui ont suivi la spécialité HLP ayant pour programme "histoire et violence" ou la spécialité HGGSP ayant pour programme "faire la guerre, faire la paix".
Enfin, s’agissant du sujet d’explication de texte : non seulement aucune notion au programme n’apparaît explicitement dans l’extrait de Lévi-Strauss, mais surtout il paraît dépourvu d’enjeu philosophique général. Les collègues réunis en réunion d’entente ne sont guère parvenus à se mettre d’accord sur ce point, et il n’était donc pas raisonnable d’attendre des élèves qu’ils y parviennent. Dans ces conditions, l’évaluation des copies sur ce sujet ne peut être que très arbitraire, les correcteurs étant réduits à valoriser la qualité du décryptage des phrases, plutôt que la maîtrise de problèmes philosophiques travaillés en classe.
Un programme réellement déterminé établissant plus clairement des limites aux sujets pouvant tomber à l’examen permettrait de résoudre ces inégalités face aux sujets, et d’améliorer significativement la qualité des productions des élèves.
En série technologique, on retrouve les mêmes difficultés : les sujets de dissertation qui invitent à croiser des notions (par exemple nature, technique et liberté) exigent des compétences et une habilité rhétorique que les élèves de Terminale ne peuvent pas acquérir en quelques mois à raison de deux heures par semaine. Le programme ne précisant pas les problèmes à traiter condamne les élèves à brasser des généralités sur les notions, sans pouvoir mettre en valeur leurs acquis. Si les copies témoignent d’un sérieux qui peut surprendre cette année, les conditions de l’épreuve demeurent injustes pour les élèves les plus fragiles.
Concernant le texte, on peut regretter la formulation des questions qui devraient en guider l’explication. En effet, loin d’aider les élèves à entrer dans la lecture et dans l’analyse du texte, elles en présupposent la compréhension. Pire, la deuxième question induit des contresens par sa formulation même.
On répondra qu’il est difficile de formuler des sujets clairs, accessibles et pertinents, susceptibles de traitements variés et qui permettent aux candidats et candidates de faire valoir leur travail de l’année. C’est exact, et c’est d’autant plus difficile qu’on ne peut prendre appui sur aucun contenu de programme dont il s’agirait de vérifier l’appropriation.
Les conditions de correction
Le souci de proposer des éléments d’évaluation en amont des commissions d’entente pour en "guider le travail" va dans le bon sens, en ce qu’il cherche à réduire l’arbitraire souvent reproché à la discipline, en fournissant un matériau pour une réflexion collégiale. L’ACIREPh ne peut donc que saluer le progrès que constitue la publication d’éléments de correction par l’Inspection générale - revendication historique de l’association. Elle déplore toutefois qu’ils apparaissent en complet décalage avec les productions dont sont capables la plupart des élèves. De plus, faute de références précises au programme (aux repères par exemple), ils ne fournissent pas d’indications utiles aux correctrices et aux correcteurs. Des éléments de correction ne peuvent être vraiment profitables qu’en indiquant des attendus précis ; mais on ne peut indiquer d’attendus précis qu’en déterminant le programme.
La correction ayant désormais lieu via la plateforme Santorin, l’ACIREPh déplore que la charge de travail technique soit reportée sur les professeur⋅e⋅s : les copies doivent être plus rapidement accessibles et correctement scannées. Les réunions d’entente et d’harmonisation sont nécessaires pour que la notation soit collégiale à condition qu’elles soient préparées et organisées de façon à ce qu’un échange soit possible entre toutes les personnes missionnées pour la correction. L’ACIREPh dénonce les défaillances constatées dans plusieurs académies, où les copies-test n’ont pas été envoyées en amont de la réunion d’entente, ni fournies lors de celle-ci, mais seulement lues à haute voix.
L’ACIREPh renouvelle sa demande que les copies originales de l’épreuve de philosophie soient fournies aux correcteurs et correctrices du baccalauréat qui en font la demande, afin de ne pas imposer des conditions de travail dont les bénéfices sont loin d’être reconnus. Elle rappelle qu’avec les copies originales, les correcteurs et correctrices récupéraient leur lot - incluant les copies-test - dès le lendemain de l’épreuve.