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Réflexions et propositions pour un programme de philosophie en classe de Première

Il s’agit seulement d’indiquer ici des pistes possibles de réflexion pour nourrir le débat et en aucun cas d’un quelconque « programme de l’ACIREPh »

mardi 1er janvier 2008, par Acireph

I. Les principes directeurs et les objectifs.

 Parce que l’enseignement de philosophie doit répondre à l’exigence de progressivité l’ACIREPh soutient depuis longtemps la nécessité d’en commencer l’apprentissage plus précocement. Notre discipline souffre de son isolement en Terminale, qui oblige à mener sur une seule année l’initiation à une discipline nouvelle et la préparation d’un examen dans cette même discipline. L’enseigner sur deux ans permettra de renforcer l’acquisition par les élèves des contenus et des méthodes spécifiques de la philosophie.

En conséquence, pour définir les objectifs que l’on peut assigner à la première année de philosophie, nous proposons de raisonner en termes de formation des élèves, à la fois

- « horizontalement » : qu’est-ce que la philosophie peut apporter à la formation des élèves en Première, en rapport avec les autres disciplines enseignées et en tenant compte du fait que ces élèves de Première sortent actuellement d’une Seconde indifférenciée ?

- et « verticalement » : qu’est-ce que les élèves doivent acquérir en Première en philosophie pour mener à bien leur année de Terminale et la préparation du baccalauréat , au regard de ce qui nous semble manquer aux élèves arrivant actuellement en Terminale et en tenant compte des exigences propres à cette année ?

 Sur le premier point, différentes options sont possibles concernant notamment la part de l’interdisciplinarité dans la définition de l’enseignement de philosophie en Première. 

On peut en effet tenter de créer les conditions d’une complémentarité entre les contenus et les méthodes travaillés dans les autres disciplines (par exemple, une complémentarité avec le thème de l’argumentation ou celui de l’autobiographie étudiés en Français, ou des concepts liés à l’enseignement de l’histoire ou des sciences). Mais on peut estimer d’un autre côté qu’une telle démarche se heurterait à une trop grande contrainte institutionnelle (difficulté des disciplines à s’entendre entre elles, et difficulté d’imposer une interdisciplinarité alors que celle-ci est souvent tributaire des affinités entre collègues). En outre, si certains contenus disciplinaires sont communs à toutes les classes de première (l’argumentation en français par exemple), les autres obligeraient à envisager une complémentarité différentes selon les voies de formation. Faut-il envisager une complémentarité (importante ou limitée) ? Ou faut-il préférer un seul et même programme pour toutes les séries ?

 Sur le second point, les choses nous semblent plus nettes : sachant ce que sont les exigences de la Terminale, on peut définir ce qu’il serait nécessaire que les élèves acquièrent en Première.

Les programmes de Premières devraient viser prioritairement trois objectifs  :

1) l’acquisition des premiers éléments d’une culture philosophique de base,

2) l’appropriation de la démarche philosophique

3) le développement des compétences langagières et argumentatives

Ces trois objectifs seraient poursuivis à travers l’étude d’un nombre très restreint (un ou deux) de problèmes philosophiques à la fois classiques et contemporains.

Ces objectifs sont bien entendu poursuivis, approfondis et consolidés en Terminale mais commencer en Première permettrait d’avoir plus de temps pour ces apprentissages, de « réduire l’étrangeté » de la discipline et les appréhensions qui en résultent pour certains élèves.

 Concernant l’évaluation, nous estimons que l’intérêt d’une première année de philosophie est de pouvoir travailler sans la pression de l’examen, donc sans que tout le travail soit subordonné à l’apprentissage des exercices canoniques du baccalauréat que sont la dissertation et de l’explication de texte. Il est néanmoins nécessaire que le travail et les progrès accomplis durant l’année soient évalués et sanctionnés, comme dans toute discipline scolaire. Il faut donc proposer des types d’exercices et de travaux variés, gradués, qui puissent effectivement être faits par les élèves, et qui développent des compétences réutilisables ensuite dans la dissertation et l’explication de texte dont l’apprentissage - complet – sera toutefois réservé à la classe Terminale. Libéré de la contrainte de l’examen, la classe de première doit être l’occasion de redécouvrir la variété des formes sous laquelle la réflexion philosophique peut s’exercer (lettres, essais, aphorismes ou pensées, dialogues, joutes, etc.).

Enfin, nous pensons que les contenus et méthodes de cette première année de philosophie doivent être suffisamment définis pour qu’un autre collègue puisse prendre le relais l’année suivante en Terminale. En ce sens, on ne peut pas réellement s’appuyer sur les expérimentations qui ont eu lieu ces dernières années, où les collègues, bien souvent, ont défini eux-mêmes leur programme et leurs modalités de travail, de manière totalement indépendante (notamment de toute contrainte institutionnelle et scolaire).

 

 II. Éléments fondamentaux d’un programme de première

L’accord au sein de l’Acireph s’est fait sur l’idée d’un programme comprenant quatre éléments, sachant que nous avons d’emblée exclu l’hypothèse d’un programme de stricte histoire de la philosophie, qui a ses lettres de noblesse mais semble trop loin des habitudes de l’enseignement philosophique français, et celle d’une simple répartition des programmes de Terminale sur deux ans, qui reviendrait au mieux à diluer, au pire à redoubler sur deux années les problèmes bien connus que posent les actuels programmes de notions, au lieu de contribuer à y porter remède.

Ces quatre éléments fondamentaux pour un programme de première sont les suivants :

 

A) UN PETIT NOMBRE DE PROBLÈMES

 (trois, soit un par trimestre, ou cinq, soit un par « période » de l’année scolaire)

Ces problèmes pourraient être présentés sous la forme de questions ou sous toute autre forme suffisamment précise, en les accompagnant par exemple de quelques repères lexicaux, conceptuels ou doctrinaux relativement simples, pour circonscrire la réflexion dans des limites raisonnables et pour prendre directement un sens pour les élèves.

À titre de simple indication, on pourrait évoquer par exemple :

 Qu’est-ce que la philosophie ? Qu’on pourrait aussi formuler : Mythe, science et philosophie. Le but serait d’introduire à la philosophie, en apprenant à distinguer différents types de discours et de questions Un peu dans l’esprit des programmes de 1960 qui prévoyaient – avant le corps du programme proprement dit – une sorte d‘introduction à la philosophie. .

 L’identité humaine, qui pourrait être vue sous l’angle anthropologique, ou encore à travers une réflexion sur « le corps et l’esprit » ; et qui pourrait éventuellement donné lieu à des rapprochements avec le thème de l’autobiographie en Français.

 Le débat rationnel et la démocratie, qui permettrait d’éclairer les enjeux et le sens, pour l’individu comme pour la collectivité, d’une culture du jugement autonome et de libre discussion des idées ; ici encore des liens seraient imaginables avec d’autres programme comme ceux d’histoire.

 

B) UN PETIT NOMBRE DE TEXTES

...de longueur moyenne (entre une et quatre pages), dont la lecture ne serait pas normée par l’exigence d’une explication de texte détaillée, mais serait une lecture plus cursive, destinée avant tout à familiariser l’élève avec les textes philosophiques, et à lui permettre de retenir quelques grandes idées de la tradition philosophiques.

On peut penser à la Lettre à Ménécée, à Qu’est-ce que les Lumières ? (que les professeurs de Français utilisent assez souvent), à quelques pages du Discours de la Méthode, à l’Apologie de Socrate, etc… Pour pallier au risque de dispersion et afin de d’assurer ce minimum de culture philosophique commune sur laquelle élèves comme professeurs pourront compter l’année suivante, il serait nécessaire de fixer nationalement par le programme les quelques textes ou extraits d’œuvres dont la lecture serait obligatoire (indépendamment donc des textes que le professeur pourrait librement choisir pour les besoins de son enseignement). Il faudrait aussi réfléchir aux conditions d’un renouvellement périodique, partiel ou non, de cette liste. 

C) UN APPRENTISSAGE DU DISCOURS PHILOSOPHIQUE et de L’ARGUMENTATION RATIONNELLE.

L’étude philosophique, qu’il s’agisse de la compréhension d’un texte ou de l’analyse d’un problème, supposant un usage réfléchi sur la langue, la classe de première devrait avoir pour tâche primordiale de manifester les exigences sémantiques, logiques et rhétorique de la pensée philosophique. Ceci pourrait se faire, d’une part, par un travail lexical destiné à montrer que la pensée philosophique implique l’examen de la polysémie des termes (définitions, étymologie, connotations…) et de leurs différents emplois (propre-figuré ; conceptuel-imagé-métaphorique ; concret-abstrait…) ; et, d’autre part, par un travail logique, destiné à ce que les élèves prennent conscience de l’importance de cette dimension et travaillent explicitement les principes élémentaires de l’argumentation philosophique – les principes généraux de l’argumentation, des rudiments de logique formelle et surtout quelques éléments de raisonnement « naturel » (ou de logique dite « informelle ») .

 

D) DES TYPES D’EXERCICES ET DES MODALITÉS D’ÉVALUATION VARIÉES

On a dit plus : il faut libérer l’enseignement de Première du poids de l’examen terminal, et néanmoins avoir la possibilité d’évaluer le travail des élèves. Il faut donc trouver des types d’exercices qui permettent de développer les compétences ci-dessus et d’évaluer leur acquisition. Par exemple, des exercices courts d’argumentation, de définition, de prise de notes sur une lecture, puis des formes plus longues comme l’essai ou le dialogue, la réponse à un auteur ; à l’oral, des disputatio, des débats argumentés etc..

On pourrait envisager une dissertation à la fin de l’année, mais le but serait de privilégier les évaluations « formatives » plutôt que « sommatives » pour ne pas décourager des élèves qui s’essayent pour la première fois à de tels exercices. 

 Il va de soi d’une part que les exemples (de problèmes, textes, exercices…) qui figurent dans ce document doivent être considérés comme simplement illustratifs, et d’autre part que le contenu précis, la mise en cohérence et l’équilibre de ces quatre éléments fondamentaux d’un programme de première restent à déterminer au cours d’un débat que l’Acireph souhaite aussi large et approfondi que possible entre professeurs de philosophie.