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L’évaluation en philosophie : quels problèmes ?

Extrait de la présentation des Journées d’étude d’octobre 2009

mardi 1er septembre 2009, par Acireph

Voici quelques unes des hypothèses et des pistes que nous vous proposons de travailler.

 

1ère piste : évaluer, une entreprise difficile…. et douloureuse !

Évaluer le travail de ses élèves c’est aussi évaluer sa propre activité : comment faire la part des choses ? L’enseignant-évaluateur est toujours en quelque sorte juge et partie : dans la copie, c’est non seulement le cours, mais encore « la profession » qui est là. C’est le programme, l’esprit, les normes, les épreuves de la discipline qui sont là, tout autant que le travail particulier de cet élève-là. Ce fait irréductible prend une ampleur d’autant plus importante que l’institution laisse entière liberté au professeur quant aux moyens d’atteindre les objectifs qu’elle fixe… Et les professeurs de philosophie sont de ce point de vue particulièrement bien servis !

Évaluer le processus dans le résultat  ? A la visibilité du résultat (la copie, l’exercice fait, la réponse à une question) s’oppose l’opacité des processus que l’élève a mis en œuvre pour le produire. Comment savoir (peut-on même le savoir ?) ce qui n’a pas été pertinent dans le processus, pour quelles raisons ça ne l’a pas été, et aussi, comment déceler une pertinence dans le processus qui pourtant ne se « voit » pas dans le résultat ? Comment alors proposer des conseils pour améliorer les choses, dans une perspective de formation ?

Le sens d’une note… Symétriquement, pour l’élève, la note n’est-elle pas le visible, et les raisons pour lesquelles il a cette note, l’opaque ? Nombreux sont les malentendus sur la note obtenue et les raisons de cette note. Comment recentrer l’attention des élèves sur l’acquisition de compétences, sur le souci et sur les moyens de progresser, quand ils considèrent la note comme le salaire de leur travail ?

 

2ème piste : remettre l’évaluation à sa place.

L’évaluation comme finalité, ou l’évaluation au service d’une fin ? L’univers scolaire peut donner cette impression d’évaluation reine, absolue, « catégorique » dans les deux sens du mot, ayant sa fin en soi, et présentée, non comme un choix de valeurs mais comme le bon sens et la rationalité mêmes. Or évaluer c’est d’abord prononcer un jugement hypothétique en termes d’importance (par exemple on « évalue » les forces de l’ennemi). On évalue dans le cadre d’une action générale, pour envisager les conditions d’une certaine opération. Mais on n’évalue pas pour évaluer. On peut donc s’interroger sur la valeur de notre évaluation et sa finalité.

L’évaluation, entre normes et faits. L’évaluation confronte l’enseignant et l’élève à des normes qui les dépassent : normes langagières, normes propres de l’activité intellectuelle, normes spécifiques des épreuves de philosophie telles que l’institution les définit. Qu’elles les dépassent, au sens où ils n’en sont pas les auteurs et au sens où elles s’imposent également à tous, est nécessaire. Mais dans les faits, c’est le rapport à ces normes qui importe, tant du côté de l’enseignant que de celui de l’élève : de la stricte soumission au rejet pur et simple, toute la gamme des attitudes peut être parcourue par le sujet qui agit et qui pense. Que faire de cet écart entre les normes et les faits ? Comment faire du travail d’évaluation une dimension de l’apprentissage lui-même, et non pas une « tâche » dévolue au seul enseignant ?

 

3ème piste : évaluer quoi ?

Comment évaluer ce qu’on enseigne ? Dire ce qu’on évalue c’est dire ce qu’on enseigne. Inversement, en classe de philosophie, bac oblige, on enseigne en fonction de ce qui sera évalué. Or, en classe de philosophie on évalue les produits scolaires complexes (et mal définis) que sont la dissertation et le commentaire de texte. Ne pourrait-on pas réduire les problèmes de l’évaluation en se demandant ce qui, de ce qu’on enseigne en classe de philosophie peut être vraiment évalué ?

Quelles compétences… Ce sont toujours des compétences qu’on évalue. Même quand on dit qu’on évalue des connaissances, on évalue la capacité de l’élève à comprendre, restituer, utiliser, mobiliser ces connaissances. Il faut donc d’une part, identifier ces compétences, distinguer celles qui sont propres à tout travail intellectuel, de celles qui sont spécifiques à la discipline ; d’autre part penser et organiser les apprentissages susceptibles de les faire acquérir.

Le problème des compétences. S’il faut enseigner aux élèves à faire une dissertation et une explication de texte, comment articuler cette compétence globale avec des compétences partielles ? Par exemple, faire une distinction conceptuelle, poser un problème, mettre des thèses en débat, trouver le plan d’un texte, analyser un concept etc. ? La compétence globale est-elle l’addition des compétences partielles ? à trop vouloir décomposer les tâches, ne risque-t-on pas de perdre le sens global de l’exercice ? à trop vouloir segmenter le travail, ne risque-t-on pas au contraire de l’entraver ?

 

4ème piste : évaluer autrement ?

Quelles modalités d’évaluation pour quelles finalités ? Sommes-nous en mesure de proposer d’autres modalités de l’évaluation « certificative » ? Faut-il le faire ? Si nous devions définir les objectifs et les contenus de l’enseignement de la philosophie, pourrions-nous trouver des modalités d’évaluation satisfaisantes ?

En finir avec les notes ? Le recours aux notes chiffrées est-il inévitable ? Ne peut-on pas envisager d’autres moyens pour évaluer nos élèves ? Si une compétence doit être acquise, l’évaluation pourrait se réduire à la validation ou non de cet acquis. Cela est-il possible dans le cadre de l’enseignement de la philosophie ? Cela est-il souhaitable ?