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Tribune de soutien à Sophie Djigo

lundi 5 décembre 2022, par Acireph

L’ACIREPh est signataire de cette tribune publiée par Le Monde, dont le texte est reproduit ci-dessous.

Contre l’impunité du déchaînement et des intimidations fascistes

"Notre collègue Sophie DJIGO est philosophe et chercheure, enseignante en classes préparatoires, autrice de plusieurs ouvrages de référence sur la question des migrations et fondatrice de l’association Migraction59 pleinement engagée dans le soutien aux migrants à Calais.
Elle est actuellement la cible des attaques de plusieurs mouvements d’extrême-droite, sur les réseaux sociaux desquels son nom, sa photo, les vidéos de ses interventions et son adresse professionnelle sont diffusés et exposés à la vindicte et au lynchage médiatique. Elle reçoit depuis des semaines des insultes, des harcèlements et des menaces de mort explicites, dont la montée en puissance l’a conduite hier, suite à une nouvelle escalade, à demander la protection fonctionnelle.
Un communiqué de presse de Reconquête ! et un autre du Rassemblement National la désignent explicitement comme corruptrice de la jeunesse par son activité enseignante, criminalisant par là la simple action pédagogique de sensibilisation aux pratiques solidaires, qui fait pourtant partie intégrante et reconnue d’une éducation à la citoyenneté. En effet, le prétexte de ce déchaînement est l’organisation d’une sortie d’étudiants de classes préparatoires pour témoigner des conditions de vie des personnes migrantes à Calais et des formes de solidarité qui leur sont apportées.
Des chercheur.e.s et des enseignant.e.s sont ainsi régulièrement exposé.e.s à la violence de ces réseaux et à leurs manœuvres d’intimidation. Et les collusions entretenues entre le pouvoir politique et les puissances d’extrême-droite, favorisées par les stigmatisations ministérielles à l’encontre des « islamo-gauchistes », introduisent une banalisation de la violence xénophobe et raciste.
La brutalité des insultes et des intimidations subies par notre collègue atteste donc d’une véritable offensive coordonnée et décomplexée, plus particulièrement dans le Nord en ce moment, où d’autres collègues universitaires subissent collectivement des attaques similaires.
Sophie Djigo est à la fois une philosophe et une militante, dont l’action solidaire, particulièrement efficace et déterminée, est liée à une profonde réflexion de chercheure et à une activité enseignante intellectuellement exigeante, reconnue et de haut niveau dans le système de l’enseignement public supérieur. Et le rectorat a du reste ici décidé de la soutenir en portant plainte pour diffamation. Et pourtant, elle a dû renoncer à l’organisation d’une rencontre entre ses élèves et les bénévoles de l’Auberge des Migrants à Calais, par crainte d’une descente violente des associations xénophobes qui en ont divulgué la date. Et cette forme d’intimidation constitue un véritable bâillon culturel.
La violence qui atteint actuellement Sophie Djigo est une cote d’alerte des dérives qui nous atteignent tou.te.s, et dont la défense des exilé.e.s constitue un emblème. C’est en ce sens à un refus collectif des politiques xénophobes et liberticides que nous appelons, par le soutien inconditionnel qui doit lui être manifesté.
Nous n’exigeons donc pas seulement une réponse gouvernementale claire à des attaques aussi dangereuses qu’inacceptables du point de vue même du droit tel qu’il s’inscrit dans la Constitution, afin de permettre la défense de notre collègue et de tou-te-s celles et ceux qui subissent cette violence. Mais nous exigeons par là aussi qu’il soit mis fin aux collusions – implicites ou explicites – qui font de l’idéologie fasciste un véritable facteur d’imprégnation des mentalités, et constituent par là même un danger massif à tous les niveaux de la décision étatique."