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Communiqué sur la réforme du CAPES
mardi 9 juillet 2024, par
L’ACIREPh est signataire de la tribune diffusée à l’initiative du SNES-FSU s’opposant à la réforme à venir des concours de recrutement et de la formation initiale.
Souhaitant préciser la position des professeurs de philosophie qu’elle représente, l’ACIREPh affirme que :
• La manière dont cette réforme a été annoncée et orchestrée est proprement scandaleuse. Les partenaires syndicaux, associatifs et institutionnels n’ont pas été consultés. Le calendrier envisagé est absurde et empêche une mise en œuvre sereine et une réflexion collective, largement nécessaire, sur les attendus des épreuves et les contenus de la formation. Le gouvernement fait encore étalage du peu de considération qu’il accorde à la concertation. Il manque à un principe élémentaire de décence démocratique, ce qui justifie amplement une opposition de principe à la réforme.
• Cette décision est d’autant plus grave que la redéfinition de la carte des formations pourrait imposer à des lauréat⋅e⋅s de déménager pour pouvoir suivre une formation professionnelle sans leur donner les moyens de vivre convenablement. Enfin, l’ACIREPh rejette fermement l’idée d’imposer aux lauréat⋅e⋅s des concours une obligation d’exercice de 4 ans. Alors que les conditions de travail sont extrêmement difficiles, cette obligation ruine fondamentalement l’attractivité du métier tout en témoignant d’une défiance grave vis-à-vis des personnes qui veulent s’engager dans cette voie. C’est par l’amélioration des conditions d’enseignement et non par la contrainte que la crise des recrutements pourra être résolue.
• L’ACIREPh tient d’ailleurs à rappeler que l’état des recrutements en philosophie ne justifie en aucun cas une telle réforme. Aucune crise des vocations n’est à signaler pour cette discipline. Un positionnement du concours en L3 conditionnant l’accès aux ENSP (écoles normales supérieures du professorat) ne saurait cependant avoir de sens qu’aux conditions suivantes :
• Les lauréat⋅e⋅s du concours n’auront pour la plupart qu’un peu plus de trois ans de formation en philosophie. Un concours de recrutement sur des bases essentiellement disciplinaires ne peut être juste et équitable qu’en indiquant explicitement des attendus précis, déterminés et limitatifs pour les concours. L’indétermination des programmes qui était déjà problématique dans le format antérieur du concours deviendrait parfaitement inique dans le nouveau format. L’ACIREPh demande donc qu’une concertation collective soit menée afin de déterminer précisément les attendus des épreuves.
• La réforme entend recruter les futur⋅e⋅s enseignant⋅e⋅s sur des bases essentiellement disciplinaires pour leur fournir ensuite une formation pédagogique et didactique. L’ACIREPh a toujours défendu l’importance d’une telle formation et ne peut que soutenir ce volet du projet. Mais cela requiert que cette formation soit réellement mise en œuvre et que les lauréat⋅e⋅s ne servent pas de variables d’ajustement pour combler les postes vacants. En particulier, il est essentiel que les étudiant⋅e⋅s de M1 bénéficient bien du statut SOPA (stage d’observation et de pratique accompagnée) et qu’ils ne soient pas en responsabilité avant le M2. Il importe aussi que la formation proposée atteigne un équilibre entre les composantes disciplinaires, pédagogiques et didactiques. L’ACIREPh demande donc là encore qu’une concertation collective soit menée afin de garantir l’équilibre de la future formation. Elle envisage positivement l’idée d’une formation commune de deux ans pour tou⋅te⋅s les lauréat⋅e⋅s, participant d’une professionnalisation du métier qu’elle a toujours soutenue. Elle regrette qu’une fois encore l’agrégation ne soit pas concernée – on peine à voir ce qui peut justifier une telle exception.
• En plaçant le concours en L3, le concours raccourcit de fait la formation disciplinaire dont pourront bénéficier les candidat.es avant le concours. Comme une réforme du concours ne saurait se payer au prix d’un abaissement de l’expertise disciplinaire des enseignant⋅e⋅s, une telle réforme ne saurait se faire sans accorder une place plus importante à la formation continue – à rebours de son affaiblissement décrété par le ministère de l’Éducation nationale par l’injonction faite aux académies de positionner les formations hors du temps de travail en classe.
• Enfin, s’agissant du contenu envisagé des épreuves, l’ACIREPh demande qu’un programme précis et déterminé (contrairement aux actuels programmes de terminale) soit arrêté afin que des candidat⋅e⋅s puissent pouvoir raisonnablement se préparer.
L’ACIREPh juge aussi que la description proposée de la première épreuve d’admission est particulièrement vague et n’est pas de nature à lever la confusion suscitée par l’épreuve actuelle – à propos de laquelle, d’ailleurs, les rapports de jury se contredisent, exigeant à la fois une explication de texte et une leçon, sans savoir si les deux exercices sont à juxtaposer ou à entrelacer. L’ACIREPh demande que les attendus de cette épreuve soient clarifiés et en cohérence avec les compétences et les connaissances de candidat⋅e⋅s qui n’ont pas encore d’expérience ni de formation professionnelle.
Enfin, L’ACIREPh constate et déplore que l’épreuve d’entretien soit reconduite telle quelle : en effet il s’agit d’une transposition de l’actuelle épreuve d’entretien commune au CRPE, au CAPES
et au concours de recrutement des CPE. La légitimité de cette épreuve, dans le format antérieur, tenait à ce que les candidat⋅e⋅s pouvaient en principe bénéficier d’une formation idoine au sein de masters MEEF leur permettant d’acquérir une première connaissance des contextes d’exercice du métier. Il va de soi qu’une telle épreuve ne saurait être légitime en amont de toute formation professionnelle. Pourquoi recruter des professeur⋅e⋅s sur la connaissance d’une institution que l’on pourra leur enseigner pendant leur formation en tant que fonctionnaire stagiaire ? De plus, on ne voit pas comment le ou la candidat⋅e aurait eu le temps d’avoir des « éléments de parcours et d’expérience » à valoriser en trois ans d’études. Cette épreuve ne saurait faire fond sur des contenus précis et exigibles et risque de ne sélectionner que sur la base d’un bon sens dont on sait qu’il n’est pas la chose du monde la mieux partagée. On peine à voir comment elle pourrait échapper au soupçon de viser à évaluer la propension des candidat⋅e⋅s à se conformer à un catéchisme républicain aux antipodes d’un rapport réfléchi et informé aux valeurs de la république et aux principes du service public.
La précipitation, le manque de concertation et le mépris vis-à-vis de tous les acteurs de l’institution scolaire justifient donc que l’ACIREPh s’oppose à ce projet de réforme en l’état. Elle exige donc que la réforme soit reportée et qu’une concertation soit mise en œuvre avec tous les acteurs concernés afin de faire en sorte que cette réforme ne soit pas un énième bouleversement éphémère de la formation initiale et des concours qu’un gouvernement prochain viendra à son tour réformer.