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Texte d’orientation pour la création d’Instituts de recherche sur l’enseignement de la philosophie (IREPh)

L’ACIREPh s’est constituée à partir, notamment, du constat que les lieux de formation proposés aux enseignants ne permettaient pas de répondre à leurs souhaits parce qu’il n’y était presque jamais possible de travailler sur les questions didactiques de notre discipline. Les IREPh qu’elle propose travailleraient en priorité sur les pratiques scolaires à partir d’échanges entre enseignants de philosophie, selon le mode de la formation entre pairs plutôt que celui, trop vertical, de la leçon.

samedi 28 mars 1998, par Acireph

Partant du constat que les lieux de formation actuels ne permettent pas de répondre au besoin de formation des enseignants parce qu’il n’y semble presque jamais opportun de « parler pédagogie » ou de réfléchir sur les problèmes didactiques de notre discipline et que la richesse et la diversité des innovations restent aussi largement absentes de l’actuelle formation initiale, l’A.C.I.R.E.Ph se constitue pour obtenir la création d’Instituts de Recherche sur l’Enseignement de la Philosophie. Mais, à ce jour, ni le Ministère de l’Éducation Nationale, ni celui de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche n’ont donné de suite à cette demande. L’ACIREPh essaye néanmoins de donner corps à cette idée, notamment en organisant chaque année des Journées d’études dans l’esprit des IREPh qui, selon leur Texte d’Orientation, ont "pour vocation de permettre un échange et une réflexion sur les pratiques d’enseignement, dans leur diversité, sans présupposés pédagogiques ou philosophiques, en partant de ce qui se fait effectivement dans les classes sur le plan pédagogique et sur celui des contenus".

De réels IREPh travailleraient donc en priorité sur les pratiques scolaires à partir des échanges entre enseignants de philosophie privilégiant un mode de formation fondé sur la mutualisation des ressources, la formation entre pairs plutôt qu’une formation conçue sur le modèle vertical des conférences, souvent trop éloignées de la réalité des classes, ou celle de la répétition éternelle des mêmes façons de faire "la leçon", "la dissertation", la "lecture suivie d’une oeuvre", etc. La formation entre pairs suppose une certaine logistique, par exemple, celle que met en oeuvre l’ACIREPh lors de ses Journées d’étude. L’ambition de ce premier IREPh est beaucoup plus limitée puisqu’il s’agit principalement de rassembler des textes, articles et documents sur l’enseignement de la philosophie, souvent dispersés, difficiles d’accès, voire indisponibles. Ce travail est néanmoins essentiel pour développer une perspective critique. On se souvient du mot de Canguilhem : "La philosophie n’a pas besoin de défenseurs, dans la mesure où sa justification est son affaire propre. Mais la défense de l’enseignement de la philosophie aurait besoin d’une philosophie critique de l’enseignement" (Nouvelle Critique, 84, mai 1975, p. 29).
Les textes, articles et documents publiés ici le sont à des fins de recherche, de documentation et de formation ; ils n’engagent pas l’ACIREPh et n’expriment en rien son point de vue.

Texte d’orientation pour la création des Instituts de Recherche sur l’Enseignement de la Philosophie
Ce projet a été élaboré, à la suite d’un long cheminement d’expériences et de problèmes apparus depuis au moins une dizaine d’années dans l’enseignement de la philosophie. Le texte du premier appel a été rendu public en mars 1997 ; il a reçu un premier soutien très diversifié d’universitaires, de professeurs d’I.U.F.M. et de professeurs de lycée.

LES RAISONS

Dans tous les lieux où exercent des professeurs de philosophie (lycées, universités et I.U.F.M.) la situation de l’enseignement de la philosophie a changé ; c’est l’effet de modifications de l’école en général (massification plutôt que démocratisation, diversification des filières et spécification des profils de formation) et aussi de mutations dans les attentes selon les générations. Cela engendre des changements qualitatifs profonds, si l’on ajoute de plus - effet de mode ou phénomène structurel ? - que la « place » de la philosophie a elle-même changé en regard de la société globale. Les attentes des jeunes élèves n’en sont que plus vives, mais en même temps de sérieuses difficultés apparaissent dans l’exercice de notre métier.
Il y a souvent trop d’écart, voire d’inadéquation, entre ces attentes et l’enseignement qui est proposé. De fait, les professeurs de philosophie ont dû ces dernières années considérablement modifier leurs pratiques. Le modèle unique du cours magistral ou du dialogue socratique ne répond pas toujours, ni à la diversité, ni à la nouveauté des situations de l’enseignement. Beaucoup inventent des démarches nouvelles : dans les exercices, les travaux de groupe, l’articulation du travail individuel et collectif, l’incitation au travail autonome et dans la recherche de liaisons avec d’autres disciplines. Souvent même des professeurs utilisant des méthodes classiques se tournent aussi vers des pratiques innovantes, parfois dans l’urgence d’une situation à débloquer, sans toutefois systématiser la reprise réflexive de leurs pratiques d’enseignement.

Or chacun reste seul devant la classe, les échanges se faisant à la rigueur avec ses proches collègues, mais l’innovation franchit rarement le seuil de la salle des professeurs. Chacun est donc aussi seul devant ses difficultés. Les pratiques d’enseignement de la philosophie ne sont ainsi ni échangées ni systématiquement réfléchies.

Les lieux de formation actuels ne permettent pas de répondre à ce genre de besoins : il ne semble presque jamais opportun de « parler pédagogie » ou de réfléchir sur les problèmes didactiques de notre discipline dans la majorité des stages de la M.A.F.P.E.N. La richesse et la diversité des innovations restent aussi largement absentes de l’actuelle formation initiale telle qu’elle est pratiquée en I.U.F.M.. Nos jeunes collègues entrent donc dans le métier, le plus souvent, en ayant comme seul horizon pédagogique le repli sur soi et l’intériorisation de leur difficultés.

Il n’existe aucun lieu institutionnel permettant aux enseignants de philosophie de se rencontrer pour échanger des réflexions sur leurs pratiques, les confronter et le cas échéant pour trouver des moyens de remédier à leurs difficultés et pour rencontrer sur ces mêmes questions, des universitaires eux- mêmes face à de semblables situations.

Les commissions d’entente et d’harmonisation qui existent aujourd’hui n’ont pas vocation à assumer tous ces rôles et s’avèrent même insuffisantes pour rendre possible une réflexion sur les épreuves du Baccalauréat et sur le sens de l’évaluation. La procédure institutionnelle concernant la nature et l’évolution du programme n’a pas été assez lisible pour une majorité de professeurs confrontés cependant à la nécessité de l’appliquer sur le terrain. Ce sont donc ces rôles que pourront jouer les I.R.E.P.H.

LES FINALITES

Les I.R.E.P.H. pourront avoir pour vocation de permettre un échange et une réflexion sur les pratiques d’enseignement, dans leur diversité, sans présupposés pédagogiques ou philosophiques. Il s’agira de partir de ce qui se fait effectivement dans les classes sur le plan pédagogique et sur celui des contenus.
Ils pourront devenir des instruments collectifs de formation par les enseignants eux-mêmes qui devront d’abord recenser les besoins de formation, en travaillant avec leurs collègues universitaires, ce qui conduira à conforter les liens organiques et réciproques entre l’enseignement secondaire et le supérieur. Cela rendra aussi possible de mieux penser la transition et les besoins du premier cycle de l’enseignement supérieur. Les travaux de recherche s’efforceront ainsi de :

  • Cerner des objets d’analyse, sans partir d’impossibles accords préalables, sur lesquels nous pouvons avoir de profondes divergences : par exemple, la place de la dissertation, le sens de l’évaluation, le rapport entre l’écrit et l’oral et la question plus générale des finalités de notre enseignement.
  • Examiner de quoi les élèves ont besoin sur le plan de leur formation philosophique, que ce soit dans leur vie de citoyen, leur réflexion critique sur le monde actuel, leur existence privée ou leurs futures études.
  • Permettre de s’interroger sur la recherche des causes de « ce qui marche » et de « ce qui ne marche pas » dans nos pratiques d’enseignement.
  • Proposer des modes d’analyse et d’évaluation de ce que font nos élèves autrement que dans les seuls termes de travaux finis. Pour ce faire, il faudrait prospecter et inventorier les différentes sortes d’exercices - écrits et oraux - où peut s’exprimer et s’évaluer le travail d’élaboration philosophique.
  • Devenir un instrument d’analyse théorique de ces pratiques et de repérage de l’ampleur du décalage entre ce que chacun croit faire et ce qu’il fait réellement.
  • Faire le point de la multiplicité des registres de difficultés rencontrées dans l’exercice de notre métier par rapport aux différentes séries de Baccalauréat.
  • Examiner la place que doit occuper la philosophie dans les formations post-baccalauréat.
  • Organiser des échanges avec d’autres modèles d’enseignement de la philosophie à l’étranger et approfondir cet éclairage réciproque, par la recherche universitaire sur l’histoire de l’enseignement de la philosophie, selon la tradition française.

Il va de soi que la mise en œuvre de ces programmes de recherche conduira à ce que les I.R.E.P.H deviennent des lieux où seront évalués les besoins de formation initiale ; ils deviendront donc des acteurs de cette formation
initiale.

LES STRUCTURES

Il sera souhaitable de s’inspirer de l’exemple proposé par l’histoire et la réalité actuelle des I.R.E.M. (Instituts de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques). Il faudra surtout éviter le risque d’une « professionnalisation » de cette recherche comme résultante d’un éloignement pratique de la classe et surtout affirmer le principe que ce sont les professeurs de philosophie qui se doivent d’être aussi les acteurs des recherches didactiques de leur discipline. Un statut d’enseignant-chercheur du second degré devra être, à cette fin, défini. Il pourrait devenir utile pour d’autres disciplines. Des heures de décharge seront attribuées aux enseignants- chercheurs pour leur permettre de préparer, de réaliser et de suivre les programmes de recherche sur le terrain.

Créés et placés sous la tutelle du Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, les I.R.E.P.H. travailleront en liaison avec les Inspections Pédagogiques Régionales et Générales de Philosophie, avec les Universités et les I.U.F.M.. Leurs statuts leur assureront la liberté de recherche.
Les IREPH se formeront par réseaux en fonction des secteurs géographiques et des Académies et nationalement. Des structures académiques de coordination et une structure nationale seront mises en place, sous forme de comités scientifiques de pilotage, dans le but d’assurer les échanges nationaux, le distribution et le contrôle des ressources nécessaires à leur bon fonctionnement.

La création des I.R.E.P.H. représentera donc une chance pour tous d’appréhender mieux la nécessaire relation entre l’enseignement et la recherche, ainsi que celle entre la formation initiale et la formation continue des professeurs de philosophie.

28 mars 1998