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Journées d’étude 6 et 7 novembre 2025 : L’enseignant.e et le politique

Invitation, programme prévisionnel et inscription

lundi 8 septembre 2025, par Acireph

L’enseignant⋅e et le politique

Le problème de l’engagement : entre neutralité et responsabilité

Conférences – Ateliers – Analyse de pratiques

1. Quelle analyse des « despotismes » contemporains ?
Les termes « fascisme » et « extrême droite » sont courants mais vagues. Le « totalitarisme » peut être « brun », « rouge » ou « vert » ; l’adjectif « totalitaire » (ou « fasciste ») s’applique aussi bien à la politique de Trump, de Poutine, ou Xi Jinping. Comment y voir clair ? Les philosophes disposent des analyses classiques du despotisme, de la tyrannie, mais elles ne permettent pas de saisir la nouveauté de ce qui semble advenir. Chacun constate le rôle inédit des fake news, l’emprise croissante sur les médias, les réseaux ; le recours à la force, la criminalisation de la « dissidence », le démantèlement de l’« État de droit », même dans les « démocraties » qui paraissaient solides. Il y a comme un « air de famille » entre ces régimes. Mais quel est en le principe ? la logique ou l’unité éventuelle ?
Ces questions seront discutées aux Journées de l’ACIREPh, notamment le 1er jour avec la conférence de Jean-Jacques Rosat qui vient de publier L’esprit du totalitarisme. George Orwell et 1984 face au XXIe siècle et il a été président de l’ACIREPh.

2. La tension entre neutralité et engagement
Les fonctionnaires sont tenus à la neutralité. Cette obligation de neutralité s’applique à l’expression de toutes les opinions (politique, syndicale, religieuse). Le juge administratif et le Conseil d’État veille au respect de cette obligation. En 2002, un enseignant est suspendu, puis révoqué, pour « manquement » « particulièrement grave » « à l’obligation de neutralité imposée à tout fonctionnaire » après avoir exposé complaisamment aux élèves les thèses négationnistes sur l’extermination dans les camps nazis. En 2015, un enseignant est sanctionné par un « déplacement d’office » pour avoir (notamment) « évoqué devant ses élèves son engagement politique, d’une part, en mettant à leur disposition, lors d’un cours, des tracts de nature politique et, d’autre part, en évoquant à l’occasion d’un débat sur l’actualité, son expérience personnelle en matière de grève ».
Combattre l’extrême droite fait partie des missions de l’école. L’engagement de l’école contre l’extrême droite est requis et inscrit dans ses textes. Politiquement l’école n’est pas neutre. Elle a pour mission de promouvoir les valeurs démocratiques et républicaines, et de former des citoyens engagés dans la défense de ces valeurs. Obsession sécuritaire, nationalisme xénophobe, violences, inégalités, antisémitisme, racisme, sexisme, homophobie, refus l’État de droit, l’extrême droite menace les héritages essentiels qui font l’identité démocratique de la France et assurent son unité sur fonds de valeurs communes définies en termes de libertés individuelles et publiques, d’égalité et de fraternité.
La tension entre engagement et neutralité fait problème. D’un point de vue juridique et déontologique, que signifie exactement la « neutralité » de l’école ? Que peut-on dire ou ne pas dire ? faire ou ne pas faire ? Jusqu’où peut aller « l’engagement » d’un enseignement ?

3. La neutralité axiologique est-elle un mythe ?
Qui n’a déjà entendu ce refrain « mais ça, Madame / Monsieur, c’est vous qui le dites, c’est votre avis, il y a des personnes qui pensent autre chose » ? L’objection est sérieuse : ce que dit ou soutient un.e enseignant.e en classe est-il indexé à ses opinions, à ses « préférences » morales ou politiques ? De fait, le choix de nos sujets, de nos problématiques et de nos références philosophiques ne sont pas « neutres ». On ne voit même pas à quoi ressemblerait un cours de philo « neutre » ou « non engagé ».
Pour Weber, le « savant » doit s’interdire de mélanger les jugements de fait et les jugements de valeur dans ses recherches ou son enseignement. Cette « neutralité axiologique » est discutable. Mais la question demeure : la partialité des engagements éthiques ou politiques des enseignant.e.s affecte-t-elle forcément l’objectivité de leur enseignement ? Ce que dit, soutient, un.e enseignant.e « féministe » sur la domination masculine a-t-il une validité indépendante de ses valeurs et de son engagement ? Ou son propos est-il biaisé ? Peut-on « s’engager » sans rien céder à la rigueur des faits et des analyses ?
La distinction entre jugement de fait et jugement de valeurs pourrait être cruciale à une époque où les élèves contestent facilement l’objectivité des connaissances enseignées à l’école ; cruciale pour leur faire comprendre qu’il y a des critiques recevables et des critiques non recevables, dont la critique d’opinion, celle qui se réduit à « c’est votre opinion », « c’est vos valeurs, j’ai les miennes ». Le débat est ouvert.

4. Comment aborder en classe des questions socialement, moralement ou politiquement « vives » ?
L’incertitude, la discussion et la conflictualité sont inévitables en démocratie. Éviter les questions « sensibles » n’est pas une option. D’une part, parce que les profs de philo interviennent en EMC. D’autre part parce que si le cours de philo, censée former « le jugement critique » des élèves ne les aide en rien à s’orienter dans les questions dans les grands problèmes contemporains, à quoi sert-elle ?
Mais il faut répondre aux difficultés. Comment s’y prendre avec les questions « sensibles » ? Comment éviter la perte de temps, le désordre et la médiocrité de ces « débats » de classe sur des questions pleines de bons sentiments (le racisme, par exemple) ? Comment éviter la dérive moralisante (l’appel aux valeurs comme argument d’autorité) ? ou une dérive relativiste (« avantage et inconvénients de la colonisation ») ? Comment sous prétexte d’entendre « le pour et le contre » éviter la libération incontrôlée des propos antisémites, racistes, xénophobes, sexistes, homophobes, islamophobes, etc. ? Et comment éviter l’endoctrinement, le cours transformé en tribune ? Comment instruire sans enrôler ? former sans formater ? Comment l’enseignant.e peut-il « engager » les élèves sans leur imposer ce qui ne serait en réalité que ses propres valeurs, sa propre vision du monde, sa philosophie ? Où puisera-t-il sa légitimité à intervenir sur les questions controversées ? Quelle pédagogie, quels outils didactiques pourraient aider le professeur.e ?
Les « questions socialement vives » ne peuvent être tranchées scientifiquement. Parce qu’elles impliquent de nombreux plans (scientifique, moral, social, économique, philosophique, etc.), on doit former les élèves à saisir leur complexité, à les analyser, les discuter et en délibérer rationnellement, sans leur imposer une solution. Mais quel est le périmètre de ce type de questions ? Les thématiques de la « préférence nationale » et de « l’identité nationale » imposées comme questions politiques « centrales » par l’extrême droite relèvent-elles du même type d’approches que les « questions socialement vives » (« ouvertes », « non tranchables ».), ou d’autres démarches, comme les démarches d’analyse conceptuelle, ou de déconstruction des mythes et des idéologies, familières aux philosophes, aux historiens et aux sociologues ?
Ces questions seront discutées notamment avec la conférence de Michel Fabre, spécialiste de philosophie de l’éducation. Il a publié en 2024 Problématisation et savoir scolaire qui s’attache notamment au traitement des questions socialement vives.

Inscription uniquement en ligne sur https://www.helloasso.com/associati...

dans la limite des places disponibles (si repas sur place, inscription avant le 1er octobre)

PROGRAMME DES JOURNÉES D’ÉTUDE

Lieu : Lycée d’État Jean Zay - 10 Rue du Dr Blanche, 75016 Paris

JEUDI 6 NOVEMBRE 2025
9h00 Accueil
9h30 Allocution d’ouverture. Présentation des journées.
10h–12h Conférence-débat : Jean-Jacques ROSAT,
Professeur de philosophie, Jean-Jacques Rosat a été pendant vingt ans l’assistant de Jacques Bouveresse au Collège de France
Penser les mondes totalitaires avec Orwell
14h–17h30 ATELIERS au choix (liste ci-après)

VENDREDI 7 NOVEMBRE 2025
9H00 Accueil
9h10 Intervention du SNES, partenaire syndical de nos JE 2025
10h–12h Conférence-débat : Michel FABRE,
Professeur émérite de l’université de Nantes, CREN (Centre de Recherche en
Éducation de Nantes)
Les questions socialement vives
14h –15h30 ATELIERS au choix (liste ci-dessous)
15h45 –17h15 Bilan des journées d’étude

ATELIERS (programme détaillé à venir - choix des ateliers après inscription)
• Clarifier les implications du principe de neutralité à partir d’exemples
• Comment réagir aux propos sexistes, homophobes et transphobes ?
• En quoi la pédagogie nouvelle est-elle politique ?
• La classe comme espace-temps politique
• Rawls critique de Bolloré ? Correction d’un sujet de bac à partir de l’actualité politique
• Neutralité et neutralisation de la pensée critique
• Analyse de situations de classe problématiques
• Construire une séance d’éducation à la sexualité en philosophie. A partir d’une séance de cinéphilo sur We are coming. Chronique d’une révolution féministe (Nina Faure, 2023)

  • La démarche de « l’île déserte » pour amorcer la question politique

N.B. : Les journées d’étude sont déclarées comme stage de formation syndicale, cette année en partenariat avec le SNES. La formation sur le temps de travail est un droit pour tous les personnels de l’Éducation nationale, syndiqués ou non. Il suffit d’adresser à votre Rectorat une demande de congé pour formation syndicale AVANT LE 6 OCTOBRE 2025. Modèle de lettre :