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Communiqué sur les programmes de Terminale publiés au B.O.

jeudi 22 août 2019, par Acireph

L’ACIREPh déplore la publication hâtive des futurs programmes de philosophie des classes de Terminale au B.O. du 25 juillet 2019.

Des consultations de façade

La séquence ouverte pour la réforme du lycée et du baccaulauréat du ministre Blanquer semble donc se clore, laissant l’enseignement de la philosophie sensiblement dans la même situation où il se trouvait avec les programmes précédents. Tout le travail accompli par l’ACIREPh, qu’il s’agisse de nos propositions d’un cursus philosophique sur l’ensemble du lycée, de spécialités associées à d’autres disciplines que la littérature (SES et SVT notamment), de nos propositions de programmes, diverses mais toutes tendues vers l’objectif d’un cadre plus clair et plus juste pour les élèves : rien de tout cela ne se retrouve finalement dans le contenu de cette réforme, qui semble bel et bien, comme l’ACIREPh l’avait dénoncé dans cet article, ne viser qu’à des économies d’échelle en augmentant les effectifs des classes.

Ce n’est pourtant pas faute pour l’ACIREPh d’avoir œuvré avec constance et détermination pour faire entendre la nécessité de transformations profondes pour améliorer et renforcer la formation philosophique des lycéens, à l’occasion des quelques consultations de façade organisées par le ministère – consultations dont rien ne semble avoir été retenu.

En effet, dès l’automne 2017, après avoir été auditionnée par la mission coordonnée par Pierre Mathiot, l’ACIREPh avait transmis à cette dernière des propositions ambitieuses pour l’avenir de la philosophie au lycée, tant sur la question des contenus et des méthodes de son enseignement, que sur celle des moyens qui devaient lui être alloués.

Au printemps 2018, c’était au Conseil supérieur des programmes que l’ACIREPh avait adressé un diagnostic argumenté des difficultés des programmes actuels et des propositions précises pour des programmes mieux délimités, qui permettent de sortir l’enseignement de la philosophie de l’impasse du baccalauréat. Ces propositions au CSP concernaient tant les futurs programmes de tronc commun de Terminale que celui de la spécialité « Humanités, littérature et philosophie ».

S’étant vue refuser par la présidente du CSP la possibilité de rencontrer le groupe chargé d’élaborer les projets de programmes, l’ACIREPh avait dénoncé cette violation de l’autonomie du travail du GEPP, pourtant légalement et explicitement garantie par la charte du CSP.

Avec persévérance, l’ACIREPh avait néanmoins adressé au CSP des propositions précises pour améliorer l’apprentissage de l’argumentation et du raisonnement philosophique dans les futurs programmes ; et proposé la suppression de la liste d’auteurs, source inévitable d’arbitraire.

Dans la dernière phase d’élaboration des futurs programmes, l’ACIREPh n’a cessé d’être force de proposition, en adressant au CSP, d’abord ses analyses de l’avant-projet présenté au printemps 2019 par les co-pilotes du groupe d’experts, puis nos contre-propositions concrètes, s’appuyant sur le travail effectué par le GEPP.

Finalement, suite à l’évacuation quasi-totale des travaux du GEPP par l’autoritarisme de la présidente du CSP et la publication par ce dernier d’une simple liste alphabétique en guise de projet de programme, l’ACIREPh s’est encore efforcée, lors de sa rencontre avec la DGESCO en juin 2019, d’amender et d’infléchir ces projets aberrants dans le sens d’une clarification et d’une meilleure délimitation entre ce qui est au programmes et ce qui ne l’est pas.

Les programmes finalement publiés ne tiennent toujours aucun compte des critiques adressées tant par les associations, notamment celles de l’ACIREPh, que par le Conseil supérieur de l’éducation.

Des programmes sans structure

L’ACIREPh le réaffirme : ces programmes sont des non-programmes, sans la moindre structure ni limitation, autorisant toutes les dimensions d’une notion et tous les croisements entre notions. Une simple liste alphabétique n’est pas un programme et serait, dans toute autre discipline, accueillie avec incrédulité ou dérision et immédiatement désavouée avec toute la vigueur du bon sens.

Un tel programme prétend garantir la liberté philosophique des professeurs, mais accomplit en réalité l’inverse : ce n’est pas parce qu’un programme est indéterminé qu’il offre davantage de liberté. Au contraire : plus il est centré sur quelques problèmes précis à étudier, sur lesquels les candidats à l’examen pourront être évalués, plus les professeurs ont de temps et de latitude pour approfondir et diversifier les approches philosophiques avec leurs élèves.

L’innovation consistant à introduire ’trois perspectives’ ne trompe personne. Dans un programme structuré, les notions seraient rattachées explicitement à un domaine ou un champ, à une ’perspective’. Ici rien de tel : les « perspectives » tout à la fois, « ordonnent l’étude des notions » sans être rattachées à aucune d’entre elles, et « orientent vers des problèmes » sans qu’aucun d’eux ne soit explicités. Il est dit qu’elles « ouvrent » à des problèmes sans obliger, et que les professeurs sont simplement « invités à les prendre en compte ». Elles sont censées limiter les sujets d’examen ; mais aucun critère n’est stipulé pour distinguer si un sujet d’examen correspond ou non au cadre illusoire de ces « perspectives ». Il n’existe donc en vérité aucune détermination ; aucune obligation d’envisager les notions selon les trois perspectives ; mais aucune obligation non plus de les envisager selon l’une ou l’autre ; aucune obligation en définitive de prendre en compte ces perspectives.

Ces perspectives finissent ainsi par apparaître pour ce qu’elles sont : rien. La multiplication des dénégations est symptomatique, et l’on voit que ce programme n’a qu’une visée : se nier lui-même en tant que programme.

Une réduction illusoire

La réduction proposée de 21 à 17 notions est donc un leurre. Les trois perspectives ne restreignent rien, puisque chaque notion peut être abordée sous ces trois perspectives. Le nombre de problèmes qui peuvent être traités, le nombre d’associations possibles entre notions, le nombre de sujets qui peuvent tomber au baccalauréat sont en réalité illimités. Aucune garantie n’est donnée aux élèves que les sujets du baccalauréat auront un rapport avec les problèmes étudiés pendant l’année.

Ne voulant rien déterminer ni rien exclure, ces projets de programmes sacrifient ainsi à nouveau la justice d’une épreuve d’examen sur l’autel d’une liberté philosophique mythique et fantasmée. Il est pourtant évident que seul un véritable programme, limité à quelques problèmes philosophiques, laisserait aux professeurs et aux élèves le temps et la liberté d’approfondir des approches philosophiques originales.

Une imposition autoritaire

Le Ministère décide donc de passer en force en imposant des programmes de philosophie sans ordre ni logique, contre le rejet plusieurs fois exprimés de la déstructuration des programmes par la majorité de professeurs, par les deux principales associations professionnelles (l’ACIREPh et l’APPEP), par les syndicats et les co-pilotes du Groupe d’élaboration des projets de programmes. 

Nouvelle preuve que contrairement à ce qu’il affirme, Jean-Michel Blanquer n’écoute rien, foule aux pieds les consultations et ne tient compte de rien, tout en ne cessant de déclarer qu’il est toujours ouvert au dialogue.

L’ACIREPh renouvelle sa demande d’une véritable consultation des professeurs de philosophie sur ce que doivent être les programmes qu’ils auront la responsabilité d’enseigner.

Les dédoublements dans la voie technologique

L’ACIREPh rappelle également le caractère d’impérative nécessité du rétablissement d’au moins une heure hebdomadaire en classe dédoublée ou en effectif réduit (inférieur à 24 élèves) dans la voie technologique. Par-delà les désaccords entre associations de professeurs et organisations syndicales, cette revendication d’une heure hebdomadaire en classe dédoublée fait l’unanimité. Elle concerne les conditions matérielle de possibilité d’un enseignement de la philosophie auprès des élèves de la voie technologique. Ceux-ci ont en effet un rapport à la langue, notamment à l’écrit, qui nécessite un accompagnement plus étroit, si l’on veut que leur seule année de philosophie, déjà réduite à deux heures par semaine, soit réellement formatrice. Au-delà des conditions de travail des professeurs, il s’agit de leur donner les moyens d’une véritable démocratisation de la philosophie.

C’est pourquoi nous ne pouvons nous satisfaire de la réponse adressée par le cabinet du Ministre à l’ACIREPh, renvoyant cette question des heures en classe dédoublée à l’autonomie des établissements.

L’ACIREPh demande donc au ministère d’inscrire dans un texte officiel publié au B.O. la nécessité d’au moins une heure hebdomadaire consacrée aux travaux dirigés, en classe dédoublée ou en demi-groupe, afin que les professeurs puissent prendre appui, dans leur établissement, sur un texte à valeur réglementaire.

Conclusion

L’ACIREPh appelle l’ensemble des professeurs de philosophie à se mobiliser pour des conditions d’enseignement décentes qui donnent à la philosophie les moyens de sa démocratisation : de véritables programmes clairement délimités, des heures en classe dédoublée obligatoires dans la voie technologique, des épreuves de baccalauréat plus pertinentes et plus justes.