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Enseigner la philosophie dans les lycées professionnels ?

Ressources et éléments de débat à propos de l’enseignement de la philosophie en lycées professionnels

vendredi 1er janvier 2010, par Acireph

Rapport de recherche. L’enseignement de la philosophie en lycée professionnel. Analyses, expériences, témoignages, Jean-Yves ROCHEX et Elisabeth BAUTIER

Rapport sur l’enseignement de la philosophie dans les séries professionnelles, Inspection générale de philosophie (avril 2007)

Extrait du Colloque de Reims de 2006, point de vue des institutionnels, programmes expérimentaux de Nantes, Montpellier et Reims

Les Cahiers philosophiques ont aussi consacré des articles à la philosophie en lycée professionnel.
Dans le n°103 contributions de Daniel BLOCH, Juliette MAHOURDEAU et Jean-Louis POIRIER
Dans le n°104 contributions de Francis FOREAUX et Emmanuel KOERNER

les extraits de ces numéros sont consultables en accès libre ici.


Interview accordée à la revue « L’enseignant » – avril 2004

 Débat éducatif

L’enseignant : Et l’introduction de la philosophie dans l’enseignement professionnel ?

 Serge Cospérec : l’ACIREPH est très favorable à l’introduction de l’enseignement de la philosophie dans les séries professionnelles.

 C’est à la fois très compliqué et une chance. C’est très compliqué car il s’agit de ne pas reproduire l’erreur faite avec les séries technologiques. Dans ces séries, les professeurs ont le sentiment qu’on leur demande d’y faire un enseignement hors de portée de 90 % des élèves. Tout simplement parce qu’on a pensé cet enseignement en le calquant sur le modèle des séries générales.

 Dans les séries professionnelles, on sait très bien que les élèves ont souvent été en échec dans l’enseignement général et qu’ils sont venus là, par défaut, au moins au départ. Après, les choses s’arrangent et c’est le mérite de l’enseignement professionnel de récupérer des élèves très abîmés antérieurement. En introduisant un enseignement de philosophie, il ne faut surtout pas remettre les élèves en situation d’échec pour les humilier à nouveau.

 Les élèves qui ont reçu cet enseignement sont très contents. Non seulement ils l’attendent mais pour un certain nombre d’entre eux ils sont fiers “ d’avoir fait de la philo comme les autres ”. Leur attente et leur demande sont légitimes, c’est une question d’égalité. Pour autant ils disent que s’il s’agissait d’une discipline qui s’ajoutait aux autres, avec évaluation au baccalauréat, alors ils seraient plus réticents.

 Il existe aussi d’autres difficultés à résoudre. Quel volume horaire donner à cet enseignement dans des emplois du temps plus chargés (35 heures) avec des stages de 10 semaines ? Quelle pédagogie pour ces élèves ? Quelles pratiques ? On sait très bien qu’on ne va pas leur demander de faire une dissertation. Bref, comment s’y prendre ?

 Dans les séries technologiques, on constate que les élèves ont des difficultés différentes selon les séries, industrielles ou tertiaires. Les collègues qui ont expérimenté l’enseignement de la philosophie en lycée professionnel retrouvent ces mêmes différences. Si l’on doit généraliser cet enseignement, il faut que ce soit progressif, en commençant là où il a le plus de chances de réussite : probablement dans les séries tertiaires.

 L’extension de l’enseignement de la philosophie en lycée professionnel devra aussi prendre en compte les conditions de travail des professeurs. Personne ne voudra multiplier des classes à deux heures dans son service. Peut-être pourrait-on alors poser comme principe qu’aucun enseignant, sauf s’il est volontaire, n’ait un service complet dans ce type de classes. Si cela ne suffit pas, pourquoi ne pas prévoir un allégement horaire à des professeurs qui seraient prêts à travailler dans des conditions que tout le monde reconnaît plus difficiles.

 Bref, organiser l’enseignement de la philosophie en lycée professionnel va être très compliqué mais c’est aussi une chance. L’expérience montre que c’est avec des classes très difficiles que l’on innove le plus sur le plan pédagogique. On peut penser qu’à partir de difficultés très réelles on trouverait matière à enrichir cet enseignement dans les autres séries, les séries technologiques comme les séries générales. Ce serait vraiment une occasion de renouveler l’enseignement de la philosophie et ce serait surtout une chance pour les élèves d’abord.

 Il faut choisir. Soit on décide vraiment d’enseigner la philo dans les bacs pro et on réfléchit aux moyens de le faire, soit on dit clairement “ les profs de philo ne veulent pas enseigner dans les bacs pro ” et on explique pourquoi.

Propos recueillis par Paulette Maillard