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Résolution sur les futurs programmes pour le tronc commun des classes de Terminale

mercredi 3 avril 2019, par Acireph

Résolution votée en assemblée générale le 30 mars 2019

L’ACIREPh a été reçue le 20 mars 2019 par le Conseil supérieur des programmes (CSP) pour prendre connaissance de l’état d’avancement des projets de programmes pour le futur tronc commun des classes de Terminale générale et technologique. Elle a publié un compte-rendu de cette audience.

1) Le programme de la voie technologique mérite une réflexion spécifique.

L’ACIREPh demande au GEPP de revoir entièrement le programme pour la voie technologique. Celui-ci ne doit pas être un simple décalque appauvri du programme conçu pour la voie générale, mais doit tenir compte de la spécificité des élèves de la voie technologique. C’est pourquoi l’ACIREPh demande que des objets d’étude adaptés aux élèves, et les intéressant, soient privilégiés.

2) Une heure dédoublée doit être obligatoire dans la voie technologique.

L’ACIREPh demande au GEPP et au CSP d’inscrire dans les projets de programmes, au moins pour la voie technologique, la nécessité d’au moins une heure hebdomadaire en effectif réduit ou en demi-groupe, afin de pouvoir mener des travaux dirigés et des exercices pratiques avec les élèves. En effet, on ne peut pas déconnecter un programme de ses conditions matérielles d’enseignement. Or, les inquiétudes des professeurs sont très vives quant à la possibilité même de former sérieusement des élèves à la philosophie, en deux heures par semaine avec des effectifs alourdis.

3) Il faut une véritable concertation pendant l’élaboration des programmes.

L’ACIREPh dénonce l’isolement forcé dans lequel a travaillé pendant près d’un an le Groupe d’élaboration des projets de programmes (GEPP), piloté par M. Frank Burbage et M. Pierre Guenancia. Il aurait été possible et souhaitable, en vertu même de la Charte réglementaire du CSP, que les associations de professeurs puissent rencontrer le GEPP à plusieurs phases de l’avancée de sa réflexion. Cela aurait permis d’éviter de se retrouver dans la situation présente de devoir, dans des délais extrêmement courts, réagir et formuler d’éventuelles propositions d’amélioration. Il nous est ainsi demandé de faire parvenir pour le 10 avril 2019 nos propositions, lesquelles ne pourront être examinées et discutées par le GEPP que dans l’urgence, celui-ci devant rendre sa proposition finale au CSP le 6 mai 2019. Une telle méthode de travail ne respecte ni l’expertise de terrain des professeurs, ni l’impératif d’une concertation suivie et approfondie avec les associations qui les représentent.

4) Le nouveau programme répète les erreurs du passé.

L’ACIREPh exprime sa consternation face à l’immobilisme qui ressort du projet provisoire qui lui a été présenté. Un tel immobilisme est à rebours du défi de la démocratisation de la philosophie au lycée. C’est pourtant l’Inspection générale elle-même qui, dans son dernier rapport sur l’état de l’enseignement de la philosophie, constatait : « il faut bien le reconnaître, une masse assez importante d’élèves, surtout dans certaines séries, manifeste une indifférence totale et sans nuances à l’aspect libérateur de la philosophie, et considère, à tous égards, qu’elle perd son temps en classe de philosophie ». C’est encore l’Inspection générale qui déplorait « le sentiment d’un enseignement inattentif aux élèves et une image dissuasive de la philosophie ». C’est toujours l’Inspection générale qui avertissait : « l’enseignement philosophique se trouve ainsi à la croisée des chemins. Vraisemblablement il se perdra si, en son attachement à une image de lui-même, il refuse de changer sa manière d’être, c’est-à-dire sa manière d’enseigner » [1]. L’ACIREPh rappelle que la philosophie est l’une des disciplines les plus socialement discriminantes en raison du flou de ses programmes, de ses attendus à l’examen, de ses critères d’évaluation, et que la responsabilité du GEPP était considérable après des décennies de statu quo.

5) Un programme moins flou n’empêcherait pas la liberté philosophique.

L’ACIREPh dénonce l’opposition illusoire, entretenue par le projet de préambule des futurs programmes, entre la nécessaire liberté philosophique des professeurs et la non moins nécessaire délimitation des contenus à enseigner. Ce n’est pas parce qu’un programme est indéterminé qu’il offre davantage de liberté à ceux qui l’enseignent. Au contraire : plus il est centré sur quelques problèmes précis à étudier, sur lesquels les candidats à l’examen pourront être évalués, plus les professeurs ont de temps et de latitude pour approfondir et diversifier les approches philosophiques avec leurs élèves.

6) Le programme devrait déterminer vraiment les sujets d’examen.

Les domaines ou perspectives de travail (métaphysique, épistémologie, morale et politique, anthropologie) sont censés mieux délimiter les notions que ne le faisaient les champs (le sujet, la culture, etc.). L’ACIREPh demande que cette limitation soit clairement stipulée dans le texte du programme lui-même, qui a valeur réglementaire, et non pas dans des recommandations de l’Inspection générale qui ne feraient l’objet d’aucune publication au Bulletin officiel. La question de l’indétermination des notions doit être résolue ; sans quoi l’étendue des problèmes possibles à aborder pour une seule et même notion resterait beaucoup trop vaste relativement à ce qu’un cours sérieux pourrait apprendre à un élève sérieux. Nous ne connaissons que trop bien le résultat : des professeurs qui craignent chaque année, la veille du baccalauréat, que leurs élèves n’aient pas les connaissances adéquates pour traiter les sujets ; des élèves sérieux et travailleurs qui obtiennent des notes médiocres, voire infamantes ; le sentiment généralisé d’une loterie et d’une distorsion entre le travail de l’année et les sujets de l’examen. Cette situation doit cesser.

7) Le programme doit assumer la place des « repères ».

L’ACIREPh critique le statut attribué aux « repères » dans les futurs programmes. Prétendument consolidés, ces repères sont en réalité rendus facultatifs, « indicatifs » et flottent à côté des notions. Attachée à des programmes de problèmes, l’ACIREPh avait pourtant fait des propositions plurielles pour mieux délimiter les notions, en leur associant des repères lexicaux et conceptuels. Une telle association de repères aux notions est possible : nous en avons fait la preuve dans nos propositions aux CSP. Elle est en outre absolument nécessaire, si l’on veut que les correcteurs du baccalauréat puissent s’arrimer à des connaissances exigibles, et que les candidats sachent ce qu’on attend d’eux. C’est une question de justice scolaire élémentaire. L’ACIREPh demande donc que des repères soient associés à chaque notion ou couple de notions.

8) L’enseignement de l’argumentation doit être précisé.

L’ACIREPh déplore l’imprécision des capacités attendues des élèves dans le préambule des futurs programmes. Elle demande que les savoir-faire en termes de raisonnement et de logique argumentative (condition nécessaire / suffisante ; induction / déduction ; sophismes courants...) soient mieux précisés dans le programme, comme elle en avait fait la demande au GEPP. L’ACIREPh s’étonne que la formation des professeurs soit jugée insuffisante pour assurer cet enseignement élémentaire de logique argumentative, ou bien que ces éléments soient jugés trop techniques, alors qu’il s’agit des règles fondamentales de la rationalité et de l’analyse critique, ce à quoi les professeurs de philosophie sont censés être formés et former leurs élèves. Si une liste de repères doit être séparée des notions, elle peut être constituée de telles distinctions, utiles de façon transversale.

9) La philosophie ne doit pas devenir un temple.

Quant aux choix des notions retenues et de leur inscription dans tel ou tel domaine, on ne constate aucune prise en compte des raisons nouvelles et des problématiques nouvelles qui rendent la philosophie nécessaire aux élèves d’aujourd’hui. L’ACIREPh demande donc au GEPP d’améliorer ces choix, à l’aune non pas d’une conception muséographique de la philosophie, mais des problématiques contemporaines qui intéressent les élèves et sur lesquelles ils ont à réfléchir. L’ACIREPh s’étonne de certaines redondances (la religion et l’idée de Dieu, la liberté et la responsabilité) et demande que des objets d’étude centraux dans nos sociétés (comme le travail) retrouvent leur place dans les programmes.


10) Sur l’ensemble de ces dimensions, l’ACIREPh accompagnera ses critiques de contre-propositions et transmettra au GEPP, malgré la contrainte des délais, des tentatives raisonnables pour améliorer les futurs programmes de tronc commun de philosophie pour les classes de Terminale générale et technologique.


[1État de l’enseignement de la philosophie en 2007-2008, rapport de l’IGEN, par Monsieur Jean-Louis Poirier, inspecteur général, doyen du groupe philosophie (septembre 2008).