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Réforme du lycée : non à la marginalisation de la philosophie !

Communiqué de l’ACIREPh

vendredi 19 janvier 2018, par Acireph

L’ACIREPh avait dans un premier temps accueilli avec intérêt un projet de réforme qui semblait favoriser l’arrivée de la philosophie en classe de Première, ouvrant ainsi la voie vers un véritable cursus cohérent et formateur de philosophie au lycée, que l’ACIREPh appelle de ses vœux depuis 20 ans.

Les indications qui filtrent de plus en plus ouvertement sont malheureusement très préoccupantes. Elles organisent une mise à l’écart sans précédent de la philosophie dans l’enseignement secondaire.

Le maintien d’une « épreuve universelle » de philosophie en fin d’année apparaît maintenant comme un leurre, car l’épreuve finale n’aurait que peu d’importance dans l’orientation.

De plus, dans les disciplines de tronc commun, la philosophie resterait assignée à la classe Terminale. Étant donné le petit nombre d’heures de tronc commun, devant être partagé avec 5 autres disciplines, on se dirigerait donc vers un horaire très insuffisant de 2 heures par semaine

Étant donné que la philosophie n’est enseignée de façon obligatoire qu’une année, l’ACIREPh demande un minimum de 4 heures par semaine, dont une dédoublée, dans les séries générales.

La philosophie devrait certes pouvoir être choisie comme spécialité « mineure » ou « majeure », mais comment imaginer que les élèves choisissent une matière qu’ils n’ont jamais eu l’occasion de découvrir auparavant ?

Si la philosophie n’était proposée que dans une seule majeure en Première (philosophie-lettres), cela entretiendrait une image trompeuse de la philosophie comme discipline littéraire, alors qu’elle ne l’est pas spécialement. On pourrait imaginer des liens plus innovants et plus forts avec les sciences sociales, par exemple, ou bien avec la biologie ou les mathématiques. Il est clair que dans la configuration d’une seule majeure incluant la philosophie en Première, ce nouvel enseignement de philosophie ne concernerait que très peu d’élèves.

La plupart des futurs étudiants et citoyens sortiraient donc du lycée avec environ 70 heures en tout et pour tout de philosophie sur une année — autant dire rien, en comparaison des 3 ou 7 années avec plusieurs heures par semaine consacrées à la plupart des autres disciplines !

Quand on s’étonne, à la lecture des différentes enquêtes, que les jeunes soient si sensibles au théories complotistes, que le fanatisme et l’intolérance gagnent du terrain, ainsi que le désintérêt pour la politique et la confrontation des points de vue, comment justifier de telles décisions, qui reviennent à priver les futurs citoyens d’un apprentissage sérieux du débat argumenté ?

L’ACIREPh défend depuis toujours une vision ambitieuse et ouverte de l’enseignement de la philosophie, et notamment qu’elle soit enseignée plus tôt dans le cursus scolaire, avec un souci de progressivité, et tournée vers les besoins intellectuels du citoyen du XXIè siècle. Elle ne pourra que s’opposer à un projet qui réduirait à néant tous ses espoirs de progrès.

Dans nos propositions adressées à la commission présidée par M. Pierre Mathiot en décembre 2017, nous formulions les exigences suivantes :

Nous exprimons notre inquiétude quant à la baisse annoncée des moyens alloués au lycée : M. Mathiot parlait d’un surcoût de 30 % du lycée français par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE. Or, nous pouvons observer que les étudiants français sortent mieux diplômés du supérieur (80 %), et qu’ils y échouent moins (19 %), que dans la moyenne des pays de l’OCDE (respectivement 68 % et 29%).

Nous ne souhaitons pas que l’offre de formation proposée aux futurs lycéens soit plus faible qu’actuellement, ni par une diminution globale du nombre d’heures, ni par une augmentation du nombre d’élèves par classe. La perspective du Ministère semble pourtant être celle d’une réforme à moyens constants, dans le meilleur des cas, et dans le pire, à moyens décroissants – ce dont témoigne la baisse de 20 % des postes aux concours de recrutement pour l’année 2018, notamment en philosophie. Nous avons déjà exprimé notre opposition à cette baisse qui s’accompagnera nécessairement, soit d’une diminution du nombre d’heures de philosophie dispensées au lycée, soit d’un recours accru aux professeurs contractuels.

L’ACIREPh ne soutiendra pas une réforme déterminée prioritairement par des mesures d’économie, car l’exigence de démocratisation qui nous anime est corrélative d’une conscience aiguë des conditions matérielles qu’impliquent des dispositifs pédagogiques plus variés et plus formateurs pour les citoyens de demain.

► Horaires et effectifs pour l’enseignement de philosophie

Idéalement, nous souhaiterions un horaire commun à tous les lycéens, pour le tronc commun de Terminale.

Motivations : La philosophie dans le secondaire ne prépare pas à certaines filières, mais relève de la culture commune ou de ce qu’on appelle aussi la formation générale de l’homme et du citoyen : à savoir, le développement de la réflexion, de l’ouverture d’esprit, du jugement critique, appuyé sur des éléments choisis de la culture philosophique adaptés aux classes du secondaire.
Or, la distribution horaire actuelle n’est pas justifiée : la philosophie n’est pas spécialement une discipline « littéraire ».

La situation pour les séries technologiques est injuste et pédagogiquement insensée : là où les élèves sont moins équipés du point de vue de la formation générale, en raison de leur parcours, là où ils auraient besoin d’une formation plus solide, ils ont le moins d’heures (et des épreuves quasiment identiques !). Un rééquilibrage horaire permettrait de développer les capacités réflexives, mais aussi de lecture et d’écriture de ces élèves, c’est-à-dire ces compétences générales qui leur font tant défaut dès qu’ils passent dans l’enseignement supérieur (ce dont témoigne le constat des universités au sujet de l’échec selon la série du baccalauréat).

Pistes : Nous demandons donc au mieux le même horaire en séries générales et technologiques, et si c’est impossible un rapprochement des deux, par souci de justice scolaire et de rééquilibrage pédagogiquement nécessaire : 3 heures par élève dont 1 heure en classe dédoublée en séries technologiques, 4 heures par élève dont 1 heure en classe dédoublée en séries générales.