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Les controverses françaises sur l’école : la schizophrénie républicaine 

RÉSUMÉ - Cet article traite des débats sur l’école dans le contexte français où s’affrontent républicains et pédagogues. Le fait que le débat piétine depuis trente ans, suggère de rechercher les véritables enjeux symboliques au niveau culturel le plus profond. La syntaxe républicaine (opposée à la parataxe pédagogique) est analysée ici du point de vue des structures de l’imaginaire. L’approche de Gilbert Durand permet de la rapporter à sa matrice « diurne » caractérisée par des processus d’idéalisation, de coupure, d’opposition et dont la figure privilégiée est l’antithèse. Le noyau dur des thèses républicaines et leurs implications (l’opposition de l’instruction et de l’éducation, la haine de la pédagogie, la religion du savoir) doivent se comprendre à partir des caractéristiques du régime diurne. Une telle rhétorique paraît dominée par une logique de la séparation et par une fuite hors du réel qui s’apparentent à la haine des Gnostiques pour le monde. La rhétorique républicaine ne peut que se réfugier dans un ciel d’idéalités platoniciennes sans jamais accepter de se confronter au réel historique ou sociologique. Elle vit sur des mythes et dans le déni du réel. C’est pourquoi le débat ne peut avancer.

mercredi 1er mai 2002, par Acireph

Par Michel Fabre

Article paru dans la revue Éducation et Francophonie, Volume XXX, n°1 2002 (http://www.acelf.ca/c/revue/revuehtml/30-1/03-Fabre.html) et dans l’ouvrage Enseigner et libérer (direction Christiane Gohier), Les presses de l’université de Laval, 20021975

Michel Fabre est enseignant-chercheur au Centre de Recherche et d’Éducation de Nantes

Introduction

Le débat franco-français sur l’école piétine. Depuis l’essai de Milner (1984) les mêmes arguments sont ressassés malgré les nombreuses mises au point : celles de Prost (1985), de Meirieu & Develay (1992), de Forquin (1993). Il est à craindre que les tentatives les plus récentes d’élucidation, celle de Meirieu (1998) de Meirieu & Guiraud (1997), de De Queiroz (2000 a) et (2000 b) restent pareillement sans effet.

Ce débat hérite de thèmes qui ont reçu une première élaboration à la révolution française et qui ont été repris lors de l’institution de l’école laïque, sous Jules Ferry, puis dans la philosophie du radicalisme d’Alain : clôture ou ouverture de l’école, instruction ou éducation, savoir ou pédagogie, mise entre parenthèses ou prise en compte des différences. Si ces « lieux » constituent l’investissement idéologique de fond, le débat s’alimente à l’histoire scolaire récente de la démocratisation de l’enseignement. Malgré l’allure quelque peu chaotique des réformes, on peut en effet lire dans une assez grande continuité l’allongement de la scolarité obligatoire à 16 ans (réforme Berthouin, 1959) la création du collège unique (réforme Haby (1975)), la volonté affichée de mettre l’élève au centre du système éducatif (loi Jospin, 1989) l’objectif d’emmener 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat 1989, enfin la réforme de la formation des maîtres avec la création des IUFM en 1991.

Dans la compulsion de répétition qui sous-tend ces controverses, il faut sans doute distinguer - tout comme dans le travail de l’inconscient - la mise de fond du capitaliste du travail de l’entrepreneur. On peut donc considérer qu’à l’occasion des politiques scolaires récentes sont ravivés des investissements idéologiques et symboliques profonds. Un sociologue décèlerait, sous l’âpreté du débat, des enjeux de pouvoir de type identitaire ou politique. Ce qui est en question est finalement de savoir qui est légitimement autorisé à parler de l’école ? Quel est désormais le statut des enseignants qui - jusqu’à présent - se concevaient comme des intellectuels plus que des professionnels ? Ou encore quelles doivent être les limites à la « massification » de l’école ?

On peut cependant éclairer le débat d’un autre point de vue en caractérisant les modalités d’investissement symbolique de l’école. Au-delà des objets controversés, il s’agirait de remonter vers les styles d’argumentation en présence. L’approche rhétorique a montré sa fécondité dans l’étude du discours pédagogique chez Daniel Hameline, Olivier Reboul ou Nanine Charbonnel. L’originalité de l’approche proposée ici dans le cadre de la « fantastique transcendantale » de Gilbert Durand (1969), est de considérer la rhétorique comme une instance de médiation entre imaginaire et rationalité. Les schèmes argumentatifs en présence dans le débat seront donc rapportés à leur matrice imaginaire et aux différents régimes qui la spécifient.

Qui sont les partenaires du débat ? On oppose selon les cas les « républicains » aux « démocrates » ou aux « pédagogues », voire aux « gestionnaires » ; ou encore les « réformistes aux « contre réformistes, les « anciens » aux « modernes » et ceux-ci aux « postmodernes ». Il faut questionner ces labels qui naissent de la polémique même : ce sont des drapeaux ou des cibles. Soyons clairs ! Peu de protagonistes renonceraient au titre de républicains et peu consentiraient à se laisser traiter de libéraux sans revendiquer quelques qualificatifs restrictifs ou euphémisants. Les positions ne recoupent d’ailleurs pas les frontières politiques. La controverse est donc essentiellement une affaire de famille opposant des républicains radicaux à des républicains démocrates qui s’accusent réciproquement de faire le lit du libéralisme sous sa forme strictement économique ou plus généralement culturelle (le post-modernisme). Bien qu’il existe une littérature libérale (Nemo (1991) ; Desjardins (1999)) le libéralisme constitue moins ici un protagoniste qu’une tentation ou une menace. Il est toujours prêt à envahir subrepticement l’école à la faveur de la rigidité des uns ou du laxisme des autres. C’est ainsi que sont lues les réformes et les réactions qu’elles suscitent, selon l’ère du soupçon, dans un jeu où deux protagonistes s’efforcent d’exclure le troisième tout en dénonçant chez l’adversaire l’inévitable retour du refoulé.

On se centrera sur la pensée républicaine, plus exactement sur l’intransigeance républicaine à la fois si nécessaire et si insupportable. Nécessaire car le libéralisme est bien réel (Van Zanten (2000) ; Careil (1998)) et appelle une critique en règle (Joshua (1999)). Mais insupportable aussi, car la rhétorique républicaine en se durcissant bloque le débat. La critique du libéralisme échoue ainsi comme d’ailleurs, plus généralement, celle du capitalisme (Boltanski & Chiapillo (1999)).

Controverses sur l’école et fantastique transcendantale

Le républicain Charles Coutel (1999) nous met sur la voie rhétorique lorsqu’il s’en prend au style parataxique des pédagogues. Selon lui, la crise de l’école se reflète dans le langage et appelle une résistance poétique. C’est que la rhétorique des pédagogues effectue un nettoyage par le vide du vocabulaire républicain : plus « d’instituteur » ni « d’instruction publique » mais des « professeurs d’école » et une « éducation nationale » ! Cette « novlangue » impose le règne des tautologies consensuelles, telle l’expression « apprendre à apprendre » utilisée de manière incantatoire. Elle recourt à la parataxe, dans laquelle la juxtaposition des termes vaut explication. Toujours associer par exemple « pédagogie » et « différenciée », emmène à ne plus pouvoir concevoir l’une sans l’autre. La parataxe, poursuit Coutel, procède par euphémisation : quand les crises deviennent des difficultés passagères, l’école, d’institution qu’elle était, n’est plus qu’un service public comme la poste. La parataxe réconcilie magiquement les contraires. Ainsi tout parent devient parent « d’élève » ce qui cache une contradiction in adjecto. Enfin un procédé de substitution mimétique trahit les concepts sous prétexte de les adapter à la modernité : le projet d’établissement remplace le programme, l’apprentissage fondamental le savoir élémentaire, l’égalité des chances l’égalité des droits...

Cette critique de la parataxe « pédagogiste » autorise par contre coup celle de la rhétorique républicaine et en fournit imprudemment la clé : l’amour de la syntaxe. Mais l’analyse doit être poussée jusqu’à son terme. Gilbert Durand (1969) nous l’a appris : toute rationalité s’enracine dans un fond imaginaire. Le concept résulte d’un processus de cristallisation de l’image. Et la rhétorique occupe précisément la place intermédiaire entre image et concept. Les figures de rhétoriques constituent donc une sorte de prélogique entre imagination et raison, au point que chaque structure de l’imaginaire dicte au discours rationnel sa syntaxe et même sa logique propre. L’analyse doit donc remonter jusqu’aux structures premières de l’imaginaire. Gilbert Durand en tente une classification selon un trajet anthropologique qui va de la réflexologie aux univers mythiques, en deux grandes polarités : le régime diurne et le régime nocturne.

Le régime diurne dérive biologiquement des réflexes posturaux et de ses adjuvants sensoriels : la vue et l’audition, c’est-à-dire les sensations à distance. Il mobilise les schèmes verbaux de la séparation (opposée à la confusion) et de la montée (opposée à la chute) et plus généralement de la distinction. Il valorise les principes logiques d’identité, d’exclusion et de contradiction. Ses structures sont de type schizomorphe et mobilisent les processus d’idéalisation, de coupure, de construction géométrique, d’antithèse polémique. Il s’agit ici de fuir l’irréversibilité du temps dans un désir d’éternité qui se manifeste à la fois par la construction de systèmes explicatifs anhistoriques et par des « gestes » héroïques. Le platonisme est - dans l’histoire des idées - la figure typique de ce régime.

Dans le régime nocturne au contraire, il s’agira d’apprivoiser le temps. Au règne héroïque de l’antithèse va correspondre celui de l’euphémisme : valorisation de l’intimité des substances, des constantes rythmiques, réconciliation avec l’histoire. Ce processus d’euphémisation revêt deux formes fondamentales suggérées par la dualité des réflexes digestifs (à tonalité coenesthésique) et des réflexes copulatifs (à tonalité kinesthésique et rythmique). Le régime nocturne se dédouble donc en nocturne synthétique (dramatique) ou mystique (antiphrastique). Les structures synthétiques visent l’harmonisation des contraires, l’accord avec l’ambiance. Elles procèdent d’une dialectique qui n’abolit pas les oppositions mais tente une valorisation des contraires dans le temps. C’est un exorcisme du temps par des procédés temporels tels que le récit. Quant aux structures mystiques (ainsi nommées parce qu’elles relient au lieu de séparer), elles se caractérisent par la double négation, l’adhérence aux choses et aux ambiances, le refus de trancher, le souci de concilier, et enfin par l’attachement au concret.

Gilbert Durand prend bien soin de distinguer perspective archétypale et typologie, car les régimes de l’imaginaire ne sont ni étanches ni exclusifs les uns des autres. À plus forte raison ne peut-il s’agir d’une caractérologie car les personnes concrètes (et même les malades mentaux chez qui ces structures de l’imaginaire se rigidifient) ne sont pas d’un seul bloc. Ces précautions prises, les catégories dégagées peuvent éclairer les controverses franco-françaises sur l’école. En particulier, la syntaxe républicaine semble une réalisation exemplaire du régime diurne. Elle a tous les traits d’un platonisme exacerbé, quasi-manichéen et quasi-gnostique. Par ailleurs, les discours qui lui sont opposés relèvent du régime nocturne, soit synthétique soit mystique. Le débat piétine car la logique de l’euphémisme ne réussit qu’à exacerber celle de l’antithèse, ce qui relance le débat, de manière cyclique.

Le noyau dur de la thèse républicaine

La thèse républicaine renvoie à trois moments fondateurs : l’antiquité grecque, la révolution française liée aux Lumières et l’école de Jules Ferry.

En grec, Ecole se dit « scholè », le loisir. Platon, Aristote, Augustin, ces bâtisseurs d’école, en sont les théoriciens. Le loisir n’est ni désoeuvrement ni divertissement mais effort de pensée. Par rapport aux nécessités vitales, le temps du loisir se définit comme un « dimanche de l’esprit » (Baudart (1991)). C’est un espace-temps quasi sacré en tout cas « séparé ». Cette vie de loisir, Aristote, dans l’Ethique à Nicomaque la pense comme fin en soi, comme but suprême de la vie humaine. Entre l’ataraxie du divin et l’agitation des affaires (le « negotium  » diront les latins), « l’otium  » caractérise la vie bonne, ce à quoi tout le reste est relatif. L’École doit donc préparer la vie de loisir, ainsi entendue. Voilà pourquoi elle ne peut être subordonnée à la société civile. Les républicains reprennent volontiers le mot de Bachelard : « l’école n’est pas faite pour la société, c’est la société qui est faite pour l’école » (Bachelard (1970) ; Muglioni (1993)).

L’existence de loisir, débarrassée des contingences et des particularités de tous ordres, subsiste un résidu non nul, qui est précisément l’universel. Si l’on accepte de parler latin, ce résidu n’est plus une chose particulière mais bien une chose publique, une « res publica ». Du point de vue strictement politique, la république renvoie à cette volonté générale qu’évoque le Contrat social de Rousseau, et qui ne saurait se réduire à la somme des volontés particulières. L’idée de république suppose donc de faire abstraction des intérêts particuliers pour s’élever à la considération de ce que les citoyens ont en commun et de ce qui, appartenant à tous, n’appartient à personne. Le lien entre l’idée de république et celle d’école apparaît si l’on veut bien considérer qu’elles désignent à chaque fois un mouvement d’abstraction, de séparation.

Mais il y a plus. Les penseurs de la Révolution française et en particulier Condorcet (1989), soudent la république à l’école. Car seule l’instruction du citoyen peut empêcher la dégénérescence de la démocratie en démagogie. C’est ce qui autorise les intellectuels républicains à se définir comme « conscience critique de la démocratie » (Coutel (1999) ; Gaubert (1999)). Milner (1984) avait d’ailleurs magistralement exprimé cette thèse, cent fois reprise depuis. En France, les libertés individuelles sont précaires. On ne peut s’y référer à un « Habeas corpus » à l’Anglaise ou à une Constitution à l’Américaine. En tout instant, un état absolu peut s’instaurer : la IIIe République et le gouvernement de Vichy ne sont séparés que par une mince différence institutionnelle. La seule limite au pouvoir ou encore le seul contrepouvoir consiste dans le savoir, dans la conscience critique des intellectuels. Seule démocratie non protestante pendant longtemps, la France ne peut maintenir les libertés formelles qu’en tablant sur l’instruction.

Dans cette profession de foi radicale, l’école doit être une affaire d’état (et non de la société civile) sans pour autant dépendre de l’exécutif. C’est là toute l’idée d’espace public qu’enveloppe la relation entre instruction, chose publique et liberté. Dans son opuscule Qu’est-ce que les Lumières ? Kant distinguait l’usage « privé » de la raison, - celui qui s’exerce chez le soldat, le prêtre ou le fonctionnaire, comme agent d’un tout qu’ils doivent servir - et l’usage public de la raison qui s’exerce dans la liberté d’expression et de publication de l’intellectuel. Ainsi, comme fonctionnaire, l’enseignant dépend de l’état et non des usagers de l’école. Mais en tant qu’intellectuel producteur de savoir et de liberté, il participe au contrôle de cet état au nom de principes supérieurs (Lelièvre (1996) ; Nicolet (1992)).

La syntaxe républicaine relie ainsi more geometrico le moment éthique de la « scholè », le moment politique de la « res publica » et le moment épistémique du savoir émancipateur. Comme telle, elle recèle un potentiel critique extrêmement puissant du libéralisme ambiant, tant dans sa forme strictement économique que culturelle (le post-moderne). On connaît d’ailleurs la fécondité de l’idée d’émancipation, issue des Lumières, dans d’autres contextes culturels, comme celui de l’École de Francfort. Rien de tel ne se produit en France car, précisément, cette thèse républicaine se fige en une gesticulation formelle qui n’a d’autre effet que d’enliser le débat scolaire. En atteste l’étude de quelques « lieux » privilégiés de la rhétorique républicaine, qui ne sont en réalité que de faux problèmes.

Une antithèse indépassable : instruction ou éducation

Pour l’intégrisme républicain, l’école relève de l’instruction seule à l’exclusion de toute finalité éducative. L’idée même d’éducation est contraire à celle d’école, fulmine Muglioni (1993). Le débat est double puisqu’il engage le rapport de l’école à l’état et aux familles.

Sur le premier point les républicains, se réclamant de Condorcet, refusent l’idée d’un état éducateur. Alors que bien des révolutionnaires prétendaient faire de l’école l’instrument d’une rénovation du peuple, selon un modèle spartiate, Condorcet ambitionnait de « rendre la raison populaire » et donc de former - par une instruction fondée sur des savoirs purement rationnels, dépouillée de toute croyance et éloignée de toute espèce « d’enthousiasme » - un citoyen éclairé, capable de décisions raisonnables pour le bien commun. Condorcet récusait ainsi tout culte de la raison et refusait que les droits de l’homme eux-mêmes soient enseignés comme un catéchisme. Fils spirituel de Descartes, il ne voulait faire fond que sur l’évidence rationnelle.

On sait qu’une telle école de l’instruction seule n’a jamais existé. L’école de Jules Ferry, dont les républicains gardent la nostalgie, visait bel et bien la formation d’une nation républicaine et n’a cessé d’inculquer une morale laïque comme contrepoids aux morales confessionnelles (Lelièvre (1996)). Le voeu de Condorcet de détacher l’école de l’exécutif en la mettant directement sous la tutelle de l’assemblée ne s’est, lui non plus, jamais réalisé.

Est-il d’ailleurs possible d’instruire sans éduquer ? Quand les républicains intégristes reprennent la distinction d’Alain entre l’école de la raison et celle du sentiment, ils renvoient l’acte éducatif aux familles. Mais l’enfant ne peut devenir élève que sur le fond d’une socialisation minimale que les familles, désormais, assurent mal. Les républicains ont certes raison de distinguer une socialisation de type domestique (fondée sur les relations interpersonnelles) d’une socialisation civique (fondée sur l’égalité de tous devant la loi) et mieux adaptée au milieu scolaire. Mais pourquoi nier la dimension éducative inhérente à tout acte d’instruction ? Antoine Prost (1985) montre bien qu’on ne peut instruire sans éduquer. Qui ne prétend qu’instruire, éduque malgré lui, sans le savoir. Ceux qui nient cette évidence s’exposent au paradoxe. Régis Debray (1991) croit prêter main forte à la thèse républicaine en avouant une véritable fascination pour son maître Jacques Muglioni, pourtant zélateur patenté de l’instruction seule. La raison philosophique aussi impersonnelle soit-elle, aurait-elle eu tant d’attrait sur lui sans l’exemple vivant qu’en donnait le « sphinx » Muglioni ? Condorcet et Muglioni lui-même auraient-ils accepté sans gêne cet enthousiasme paradoxal du disciple pour l’indifférence toute républicaine du maître ? Antoine Prost a raison : refuser des relations de type domestique, n’est-ce pas du même coup proposer des modèles civiques ? Ce qui est encore éduquer !

En réalité, la fausse opposition de l’instruction et de l’éducation se dissiperait si l’on acceptait de distinguer quatre sens du mot éducation :

l’idée d’inculquer par endoctrinement ou par conditionnement un « enthousiasme » quelconque, une « religion » d’état, fût-elle laïque ;

l’idée de transposer à l’école le modèle d’éducation domestique ;

l’idée d’instaurer une socialisation minimale, des règles de vie commune, conditions sine qua non de l’instruction et définissant quelque chose comme une « docilité » (au sens étymologique d’une disposition à se laisser instruire) ;

enfin l’idée que l’instruction est formation de l’esprit, ce que désigne d’ailleurs l’expression de « discipline scolaire », et qu’elle permet donc - et elle seule - d’acquérir des « vertus » telles que la rigueur ou l’honnêteté intellectuelle.

Ces distinctions auraient le mérite de sortir le débat des antithèses manichéennes et de faire entrevoir ce que pourrait être une éducation spécifiquement scolaire. Elles ne parviennent cependant pas à clore la controverse que relance toute réforme. Un seul exemple entre mille : la tentative d’instauration d’un tutorat au collège dans la réforme Legrand. Quand Louis Legrand parle d’aide méthodologique au travail scolaire, les Républicains entendent direction de conscience et en appellent à la laïcité !

La haine de la pédagogie ou le sens des hiérarchies

L’opposition de la pédagogie et des savoirs relève du même traitement cathartique. Elle se nourrit à la fois d’un certain intégrisme élitiste de la « grande culture », d’une incroyable ignorance de l’histoire de la pédagogie moderne et de certaines maladresses réformatrices. Le débat, déjà lancé par Milner (1984) a connu un regain de vigueur avec la création des IUFM. Il s’est complètement sclérosé faute d’une suffisante analyse des deux termes en présence : savoir et pédagogie.

Les républicains radicaux, comme Milner, dénoncent la pédagogie sous sa forme théorique et pratique. La pédagogie théorique, comme science de l’éducation, reste introuvable. Quant à la pédagogie pratique, les meilleurs enseignants s’en passent. Reste une vulgate qui prétend réduire tout enseignement à une forme sans contenu. Ainsi, le pédagogue, atteint du complexe de Jacotot, prétend tout enseigner en ne sachant rien. Finalement, la pédagogie se réduit à la communication et à son idéologie : soif d’innovation, vacuité, persuasion et non conviction et finalement idolâtrie de l’enfance. Des républicains plus souples tolèrent bien de la pédagogie pour enseigner, mais ils la réduisent à un simple moyen de « faire passer » le savoir. Il s’agit en tout cas d’un art, voire d’un don et non d’une technique qui devrait s’apprendre par une formation spécifique. Toute autre conception relève d’un complot, si non entre les gestionnaires, les syndicats et le christianisme de gauche, comme chez Milner, du moins entre les pédagogues et le pouvoir.

La moindre réflexion philosophique sur la pédagogie permettrait de récuser toutes les thèses de Milner. Qui veut raison garder devrait se rappeler que la pédagogie peut se dire en trois sens fondamentaux puisqu’il peut s’agir :

d’une doctrine (par exemple la pédagogie Freinet) ;

d’une réflexion sur l’action éducative en vue de l’améliorer ce que Durkheim nommait « théorie-pratique » ;

enfin et par extension de sens, de l’art d’éduquer ou d’enseigner.

De doctrine, il n’en est pas question ici puisque Milner assimile théorie pédagogique et science de l’éducation. Partons plutôt de l’idée de « théorie-pratique ». Elle ruine précisément la distinction entre une pédagogie théorique (d’ailleurs indûment assimilée à la science de l’éducation) et une pédagogie pratique, réduite à un art de faire. Pour Durkheim, la pédagogie est bien une théorie et non une pratique, mais une théorie non scientifique, réflexive, sur l’action et pour l’action. Elle consiste en l’enveloppement mutuel de la théorie et de la pratique par la même personne, sur la même personne (Houssaye (1993)). Les républicains qui s’effrayeraient du jargon pédagogique pourront y reconnaître une spécification de la prudence aristotélicienne : cette intelligence de l’action qui me fait juger de ce qui est bon pour moi et pour les autres en la circonstance. Peut-on, aussi facilement que Milner, refuser cette forme de réflexion sur l’action en vue de l’améliorer ?

Bien que Durkheim ait beaucoup hésité sur ce point, l’idée de théorie-pratique permet également de récuser l’amalgame entre pédagogie théorique et sciences de l’éducation. La science est visée de vérité, alors que la pédagogie, tout comme la politique ou la médecine, tente de définir, au sein d’une conjoncture, une ligne de force, une ligne d’action qui ne soit ni une impasse ni une ligne de fuite : une ligne « juste » comme aurait dit Althusser. Science et pédagogie s’opposent comme vérité et justesse. La pédagogie s’est certes conçue quelquefois comme science appliquée, dans la psycho-pédagogie par exemple, en prétendant définir les conditions sine qua non des problèmes pédagogiques. C’était ignorer l’hiatus entre science et action, vérité et justesse. Les sciences ne peuvent qu’éclairer l’action, définir les données du problème d’action et non ses conditions ultimes qui restent à la charge de l’acteur. Sachant tout de l’effet Pygmalion, c’est bien à moi qu’il revient de décider de transmettre ou non le dossier scolaire de mes élèves à mon collègue de la classe supérieure car la condition décisive relève ici de mon appréciation du contexte.

On ne saurait d’avantage accepter la réduction de la pédagogie à un simple moyen de faire passer le savoir. La prudence aristotélicienne ne se réduit pas à l’habileté et récuse précisément la distinction des moyens et des fins. La pédagogie, comme spécification de la prudence, est une praxis non une poiésis, une fabrication (Imbert (1992). Ce n’est que dans le domaine de la production que l’on peut distinguer les moyens et les fins. Les républicains réduiraient-ils l’acte d’enseigner à une poiesis  ?

Enfin, comme l’a bien montré Jean Houssaye, le jeu pédagogique est multiple. L’ignorance de son histoire réduit souvent la pédagogie au processus « former » des aventures non directives. Mais si nombre d’enseignants peuvent bien encore fantasmer sur Le Cercle des poètes disparus, leurs pratiques sont désormais d’un tout autre ordre (Meirieu (1998)). De même, l’usage du vocable « d’objectif » ne réduit pas le processus apprendre à la pédagogie des objectifs. Et la moindre information sur l’histoire de la pédagogie permettrait de s’assurer que, loin de vider l’acte d’enseigner de son contenu, elle s’est toujours définie comme « pédagogie de la connaissance », qu’elle s’est diversifiée en pédagogies « spéciales » (du français, des mathématiques...) et à présent en didactique des disciplines. Enfin, Milner et ses épigones ne peuvent lier le destin de la grande culture à la survivance du cours magistral qu’en canonisant une forme pédagogique qui n’est qu’apparue que récemment dans le lycée du XIXe siècle (Prost (1985)). Une once de relativisme historique devrait suffire pour comprendre qu’il ait pu y avoir transmission avant et qu’il ne serait pas impossible qu’il y en eût après.

Le mépris qu’affichent, depuis le début du siècle, les intellectuels français pour la pédagogie, marque en réalité une réaction identitaire des enseignants des lycées ou de des universitaires contre ceux de l’école primaire, ces « incapables prétentieux » (selon l’expression relevée jadis par la sociologue Viviane Isambert Jamati). Réaction ravivée par la tentative de certains syndicats d’enseignants de « primariser » le collège. C’est dans cette problématique identitaire que la pédagogie se voit réduite à un simple moyen. La distinction de la pédagogie (comme art des moyens relevant d’un don ou de l’expérience) et du « pédaqogisme » (comme subordonnant les savoirs à la relation ou à la communication) fonctionne ainsi comme emblème de reconnaissance. Elle consacre la « distinction » des enseignants du secondaire ou de l’université, qui n’ont jamais renoncé à se définir comme des intellectuels, face à des instituteurs, devenus d’ailleurs indûment « professeurs » d’école. Aux véritables professeurs, la maîtrise d’une discipline donne une légitimité d’accès à l’espace public. Aux professeurs d’école, qui n’ont décidément plus les vertus des instituteurs de Jules Ferry, reste la pédagogie comme substitut à l’ignorance. Le régime diurne, dit Gilbert Durand, est d’essence hiérarchique. Il ne peut fonctionner qu’en opposant un haut et un bas, un noble et un vil et qu’en secrétant des distinctions qui signalent bientôt des castes. Le mépris « républicain » pour les institutrices de maternelle qui doivent compenser leur ignorance par le souci pédagogique de l’enfant n’est pas difficile à psychanalyser.

La pétrification du savoir

Ce mépris de la besogne pédagogique est toujours la contrepartie d’une « statufication » du Savoir ou de la Culture, qui deviennent chez les intégristes républicains, des mots majuscules. Cette invocation serait la bienvenue pour rappeler la mission fondamentale de l’école, qui est de transmettre la culture d’une génération à l’autre, si elle ne s’accompagnait en fait d’une véritable pétrification du savoir.

Les républicains accusent les pédagogues de faire le lit du libéralisme en sacrifiant la culture aux savoirs utiles en vue de l’adaptation à la société civile et à son évolution. Il y aurait donc d’un côté le souci de maintenir l’idée d’étude, comme intérêt désintéressé pour les chefs d’oeuvre de l’humanité, et de l’autre la distribution d’un simple viatique. On étonnerait bien des républicains en leur montrant que les pédagogues ne sont pas les derniers à stigmatiser les errements utilitaristes de l’éducation nationale. Philippe Meirieu et Marc Guiraud (1997) s’élèvent ainsi contre la logique « cuculturelle » de l’Education nationale qui sévit dans certaines Zones d’Éducation Prioritaires. Mais le débat gagnerait en clarté si l’on distinguait la valeur opératoire des savoirs de leur utilité pour la vie.

On récuse souvent, en France, le pragmatisme anglo-saxon (celui de Dewey par exemple) en le réduisant à un utilitarisme grossier. C’est oublier que la Théorie de l’enquête (Dewey (1993)) instaure une dialectique générale des savoirs et des problèmes. Affirmer que tout savoir (même celui de la grande culture) est relatif aux problèmes qui lui ont donné naissance et à ceux qu’il permet en retour de poser ou de résoudre, n’est pas réduire le savoir à son utilité. C’est plutôt affirmer que savoir c’est « s’y connaître », comme l’avait bien vu Olivier Reboul (1980), que ce soit en grec ancien, en jardinage ou en technique informatique. Car il y a des problèmes théoriques comme des problèmes pratiques et tout savoir vivant, même le plus « culturel », ne saurait échapper à cet ordre du problématologique (Meyer (1986)). Ainsi, réclamer que l’école prenne en charge cette dialectique du savoir et des problèmes, c’est exiger, non que le savoir scolaire devienne plus « pratique » ou plus « concret » comme on l’entend souvent, mais au contraire qu’il devienne enfin véritablement théorique (Astolfi (1992)). Car la théorie n’est pas, comme l’indique faussement son étymologie, un objet de contemplation, mais plutôt un ensemble d’outils intellectuels pour penser le monde et avoir prise sur lui.

Sans doute la confusion du problématologique et de l’utilitaire, du savoir opérant et du savoir instrumental, permet-elle aux républicains radicaux de récuser d’un trait de plume toute pédagogie du projet ou des situations-problèmes et plus généralement toute forme de pédagogie active en les accusant de pragmatisme. Sans doute également autorise-t-elle certains pédagogues à opposer trop facilement la scolastique aux savoirs de la vie et pour la vie. Ces deux positions évitent l’inconfort de s’interroger sur le statut épistémologique des savoirs scolaires. Or ce n’est pas en se bornant à célébrer la valeur inestimable du patrimoine culturel, ni du reste en se livrant aux incantations d’une pédagogie des motivations, que l’on redonnera sens au savoir scolaire. En lieu et place d’un tel travail épistémologique qui se poursuit d’ailleurs au sein des sciences de l’éducation, la rhétorique républicaine dénonce tout allègement des programmes scolaires avec les mots de l’avare protégeant sa cassette. Mais à quoi bon dénoncer le savoir marchandise du libéralisme si c’est pour en faire un trésor ? N’est-ce pas le fétichiser d’une autre manière ? Bachelard (1970) dénonçait déjà cette « âme professorale » toute fière de son dogmatisme et crispée sur ses titres de propriété chèrement acquis par « les succès scolaires de sa jeunesse ».

Une logique de la séparation

Ce n’est pourtant pas le schème de l’addition ni celui de l’accumulation qui sous tendent la rhétorique républicaine, mais plutôt ceux de la soustraction ou de la séparation (Solère-Queval (1999)). Qu’il s’agisse de définir la spécificité d’un espace scolaire, de dégager l’horizon d’un universel à partir du local ou de concevoir le mouvement même de l’émancipation par le savoir, on peut à bon droit évoquer un souci de « théorisation des frontières » (De Queiroz (2000 b)).

L’école n’est pas la vie et doit se définir en rupture avec elle. À l’école l’enfant cède la place à l’élève. Toute particularité doit être laissée aux vestiaires de la classe : le dialecte régional, la religion, les croyances et jusqu’aux représentations s’il se peut. La pensée républicaine reprend ainsi le geste inaugural des Lumières que Kant définissait comme un arrachement à toute particularité, un devenir majeur, soit la capacité de s’élever à l’universel, ce qui nous fait homme et non français ou breton. Si éduquer (ou instruire) c’est bien faire advenir l’humanité dans l’homme, l’homme républicain, dégagé de toutes particularités, apparaîtra toujours trop abstrait pour une pensée historique ou sociologique qui ne peut penser l’humanité qu’incarnée dans un contexte historique déterminé. On reconnaît là le conflit entre les Lumières et le Romantisme (Legros (1990)). S’il est entendu que l’homme n’a pas de nature au sens où les animaux en ont une, le devenir humain peut se comprendre comme arrachement ou au contraire comme enracinement. À l’introuvable homme abstrait des Lumières, on opposera le fait de n’avoir jamais rencontré que des humanités particulières, celle des français, des canadiens ou même des québécois toujours nécessairement enracinés dans une culture déterminée. L’intégrisme républicain de Finkielkraut (1987) se mobilisera ainsi contre le romantisme d’Herder et son idée de Volkgeist, source supposée du relativisme des sciences humaines. D’autres croiront déceler chez les démocrates, comme Touraine et ses disciples, le retour des thèmes traditionalistes et même franchement réactionnaires d’un Bonald ou d’un de Maistre (Statius (1998)). Aussi éclairant que puisse paraître un tel western métaphysique, il a surtout pour fonction d’éviter à la rhétorique républicaine de reposer à nouveaux frais, c’est-à-dire « socio-historiquement » le problème de la spécificité de l’espace scolaire (De Queiroz (2000b)) et de transformer le schème de la séparation en véritable « spaltung » schizophrénique.

Le thème de l’ouverture de l’école sur la vie en fournit une première illustration. S’agit-il de confondre l’école et la vie ? Si les utopies d’Yvan Illich sont toujours susceptibles de renaître, parées de nouveaux atours technologiques, les pédagogues - eux - ont toujours réclamé une clôture scolaire. Même Rousseau qui rêve d’une pédagogie à l’air libre, n’en exige pas moins de son élève qu’il soit au moins symboliquement orphelin, c’est-à-dire libéré des influences de la famille comme de celle du monde et soumis sans réserve à l’autorité du précepteur. D’ailleurs, Rousseau envisage l’espace éducatif comme une île (celle de Robinson Crusoé) où la valeur des choses se mesurerait à leur usage. Faut-il pour autant faire de l’école une citadelle ? Certes l’école n’est pas un lieu de production et devrait être à l’abri des impératifs qui lui sont liés. Alain a raison sur ce point : logique d’apprentissage et logique de production sont antinomiques, c’est bien tout le problème des pédagogies du projet ou de l’alternance d’avoir à gérer ces tensions. L’école est bien menacée de toutes les dérives libérales liées à une mauvaise conception de la décentralisation ou à un détournement de l’autonomie relative des établissements (Careil (1998)). Doit-on pour autant exiger le retour à une gestion exclusivement jacobine ? Enfin, comment concevoir ce lieu protégé de l’étude ? Comme un monastère où ne devrait entrer aucun bruit du monde ? Ou comme un lieu à la fois abrité et ouvert permettant de construire les outils intellectuels qui permettent précisément de penser ce monde et d’avoir prise sur lui ? Même dans l’école nouvelle, le mot d’ordre de « l’ouverture sur la vie » n’a jamais signifié l’abolition des frontières. Il s’agissait essentiellement d’une attaque contre le formalisme des activités scolaires, la « scolastique » comme disait Freinet. En réalité, les pédagogues on toujours tenté de filtrer les influences du monde, ne serait-ce qu’en fuyant les villes vers les campagnes supposées moins corrompues. Mais comment former l’esprit critique sans l’exercer ? Comment émanciper sans permettre l’exercice du jugement ? Aux républicains intégristes qui seraient tentés de laisser les techniques modernes d’information à la porte de l’école, leur chef de file, Milner (1984) donne des conseils beaucoup plus subtils : celui de retourner ces techniques contre leurs finalités manifestes. En écho, François Dubet (1999) ne voit pas pourquoi on s’interdirait de faire travailler les élèves sur la fabrication du journal télévisé comme on le fait sur la genèse d’un texte de Flaubert. En réalité, il n’y a pas à opposer la lecture de Platon ou celle de Flaubert à la visite d’une salle de rédaction mais plutôt à les mettre en rapport. Car que serait une culture qui ne permettrait pas de penser le monde ? Et pourquoi Nietzsche, l’intempestif, celui qui dénonçait si bien l’emprise du journaliste « ce maître de l’instant » ne fournirait-il ici les armes de la critique ?

En réalité, la définition de l’espace scolaire exige bien de repenser le rapport de l’école et de la vie, non plus sous le registre de la « spaltung » schizophrénique mais plutôt sous celui de la dialectique continuité / rupture héritée de Bachelard. C’est à quoi s’emploient les républicains pédagogues (il y en a !). Georges Snyders (1986) que l’on ne peut suspecter de complaisance ni pour l’école nouvelle, ni pour Yvan Illich, ni pour la non-directivité, l’a magistralement exprimé sur le cas de la musique qu’il pensait exemplaire de tous les enseignements de l’école aujourd’hui : comment faire découvrir et faire aimer Mozart à des élèves qui n’aiment que le Rapp ? Certainement pas en les projetant d’entrée de jeu dans un univers qui leur est étranger, fusse celui des chefs d’oeuvre ! Certainement pas en les enfermant dans leur musique propre au motif que leur culture vaudrait bien la « grande culture ». Pour Snyders, toute école suppose une hiérarchie de valeurs et implique un panthéon de chef-d’oeuvres, quelle que soit la part d’arbitraire qu’implique sa constitution. Y a t-il alors d’autre issue que de travailler la culture musicale première des jeunes en les emmenant à distinguer Rapp et Rapp (car même dans ce cas, tout ne se vaut pas !) et en essayant de les accompagner vers une musique d’une perfection plus grande, grâce à laquelle ensuite ils pourront mieux comprendre et évaluer leur culture première ? La proposition de Snyders est tout le contraire d’une démission. Mais elle exige que soient dialectisées les oppositions stériles entre l’école et la vie, l’opinion et la science.

Il faut certes que l’enfant devienne élève, mais cela implique-t-il de refuser de considérer les particularités dont il faut s’affranchir ? La séparation devient « spaltung » schizophrénique quand l’émancipation par le savoir entraîne la négation pure et simple de toute détermination. Mais les pédagogues bachelardiens savent bien, par exemple, que la science ne se substitue pas miraculeusement à l’opinion sans un travail sur celle-ci. C’est cet examen des préjugés qui définit pourtant le rationalisme dont la pensée républicaine s’inspire. Les républicains ont raison : il n’y a pas d’école sans projet éducatif et ce projet est résistance au monde. Dubet (1999) en convient : ce n’est jamais pour l’adaptation au monde tel qu’il est que l’école se crée. Les Carolingiens veulent créer une élite chrétienne, les Jésuites inventent l’homme de la contre-réforme, la République veut créer l’homme du nouveau régime. L’école n’est ni adhésion au monde ni conservatoire de l’enfance ou de la jeunesse : elle se définit toujours par le souci de faire advenir l’homme et le citoyen dans l’élève et souvent même par l’utopie d’une nouvelle société. Mais cette visée de changement suppose qu’au lieu d’ignorer l’enfant dans l’élève, on prenne en charge le devenir élève de l’enfant. Bachelard recommandait de ne pas confondre commencement et fondement : il conseillait de prendre en compte l’enfant dans l’élève (ses représentations, ses opinions) non pour l’idolâtrer mais pour le purger au contraire de tout infantilisme. Et il concevait l’instruction comme une catharsis, comme une psychanalyse de la connaissance ou encore comme un travail sur les opinions, les représentations, afin que puisse naître quelque chose comme une pensée scientifique ou plus généralement une pensée appuyée sur des raisons.

La fuite hors du réel

L’intégrisme de la séparation va de pair avec une fuite hors du réel. La rhétorique républicaine ne contribue pas à problématiser véritablement la question scolaire. Pour qu’une telle opération puisse avoir lieu, il faudrait que s’instaure une dialectique des faits et des raisons ou encore des données et des principes. En d’autres termes, les principes républicains ne peuvent servir de normes de jugement qu’en se confrontant à un réel suffisamment objectivé. Charles Coutel (1999) tout en déplorant « l’hypersociologisation » des faits scolaires, en appelle pourtant à un dialogue entre philosophes et sociologues : « Les sociologues invitent les philosophes à être attentifs au devenir effectif des principes dans les institutions ; qu’ils apprennent des philosophes à ne pas désespérer des principes ». Ce dialogue nécessaire, comment la rhétorique républicaine peut-elle à la fois le réclamer et l’interdire ?

En effet, quand l’intégrisme républicain conteste aux sciences humaines toute légitimité, la sociologie se voit récusée comme sociologisme (Finkielkraut (1987) ; Muglioni (1993)). Le sociologisme transmute les faits en valeurs, prend les nouvelles données sociétales comme des normes, s’abandonne à la dictature de l’opinion, confond l’esprit du temps et les exigences de la pensée et finalement prend les standards de comportements pour des impératifs catégoriques. Mais réduire la sociologie de l’école au sociologisme, c’est amalgamer la posture d’enquête à une adhésion sans réserve à l’école telle qu’elle est et aux élèves tels qu’ils sont. Le sociologue n’est-il pas spontanément relativiste depuis Herder ? Mais alors, qui dressera cet état des lieux de l’école que réclame le républicain Charles Coutel (1999), pour savoir enfin qui sait ou ne sait pas lire en entrant en sixième ? Certes, on ne peut isoler les faits sociologiques des problématiques théoriques à partir desquelles on les construit. Mais inversement la critique de l’idéologie sous-jacente aux enquêtes sociologiques ne peut, aussi cavalièrement qu’on le propose parfois, invalider automatiquement les constats empiriques. Elle ne saurait en tout cas dispenser d’en proposer la réinterprétation dans un autre cadre théorique. Critiquer le fatalisme sociologique des théories de Bourdieu et Passeron ne dispense pas pour autant de prendre en compte le fait que, désormais, la sélection sociale s’effectue dans et par l’école et donc que l’école - si on laisse faire - reproduira inéluctablement les inégalités sociales.

On connaît d’ailleurs le prix de cette ignorance des sciences humaines. Faute de lire les sociologues, les républicains intégristes en sont réduits à pratiquer un mauvais journalisme. La querelle autour des IUFM l’a bien montré, la rhétorique républicaine fait flèche de tout bois : culte du fait divers monté en épingle, colportage des rumeurs sans le moindre souci de vérification des sources, témoignages reçus sans critiques et enfin souvenirs personnels plus ou moins nostalgiques érigés à la dignité de faits historiques et opposés aux « charlataneries » des statisticiens (Muglioni (1993)). On ne traite d’ailleurs par mieux l’histoire que la sociologie. L’intégrisme républicain, contempteur du présent de l’école, peut tranquillement se fabriquer un âge d’or, une école parée de toutes les vertus républicaines : celle de Jules Ferry. Des historiens de l’éducation reconnus (Lelièvre & Nique (1997)) ont beau montrer, preuves à l’appui, que l’école de Jules Ferry éduque plus qu’elle n’instruit, qu’elle consacre l’inégalité fondamentale du peuple et de la bourgeoisie en instaurant un double réseau d’enseignement, que les passages d’un réseau à l’autre sont beaucoup plus rares qu’on ne le dit dans les familles où l’on a toujours un exemple d’ascension sociale à citer (Lelièvre (1996)), rien ne peut détruire le mythe. Des républicains plus avertis de l’histoire ont beau parler du « filtre Ferry » (Coutel (1999)) la majorité des argumentaires continuent imperturbablement à situer l’école de Jules Ferry dans le droit fil des Lumières et de Condorcet. N’y a-t-il pas là - comme le dénonce François Dubet - une fabrication de Chimères ?

Si la rhétorique républicaine traite si cavalièrement les faits, c’est que son intérêt est ailleurs. Son véritable terrain d’élection est celui du droit. C’est pourquoi s’engage un véritable conflit des facultés entre philosophie politique et sciences humaines. Que l’école ait affaire à des élèves et non à des enfants signifie certes que sa mission est différente de celle des familles. Cela n’interdit pas de s’interroger sur les conditions de possibilité effectives du devenir élève de l’enfant, ce qui est l’objet de la psychologie scolaire. Que l’égalité devant l’instruction soit un droit fondamental de la république, n’empêche pas d’examiner si et comment ce droit s’incarne en une égalité des chances. Mais la rhétorique républicaine se méfie de l’égalité des chances. N’est-ce pas trop charger la barque de l’école que de la sommer de remédier à tous les maux de la société ? D’ailleurs, la justice sociale relève moins de l’école que du politique. Bref, s’il faut des politiques de compensation, elles ont plus à voir avec l’attribution de bourses qu’avec la pédagogie différenciée (Milner (1984)). La notion d’égalité des droits consacre donc nécessairement l’idéal méritocratique. L’école n’aurait pas à se soucier des inégalités en amont ou en aval, elle n’aurait qu’à être l’école, c’est-à-dire à traiter les élèves comme s’ils étaient égaux. L’idée de mérite suppose en effet l’ignorance volontaire des facteurs extra-scolaires de la réussite et de l’échec et la considération de la seule performance. Ce n’est là après tout qu’une « forme sophistiquée de la neutralité laïque » (Jaffro & Rauzy (1999)). La justification du mérite serait donc de constituer un point d’équilibre entre justice et efficacité en combinant les exigences contraires de la sélection d’une élite et de l’égalité devant l’instruction. À déconnecter ces exigences, à vouloir séparer le principe d’efficacité de celui de justice, on courrait le risque d’encourager la constitution d’un double réseau scolaire : un pour l’élite et l’autre pour « tous ».

On comprend bien comment la théorie de la justice de John Rawls et le « voile d’ignorance » qu’elle suppose, sert d’alibi théorique à une fuite hors du réel, mais on voit moins alors - sur ce point tout au moins - ce qui distingue la pensée républicaine du libéralisme d’un Nemo (1991). La rhétorique républicaine qui se veut l’héritière des vraies valeurs de la gauche aurait-elle déjà oublié la distinction marxiste des libertés formelles et des libertés réelles ? Quand il arrive aux républicains de lire les sociologues (c’est-à-dire essentiellement Bourdieu et Passeron !), ils leur reprochent d’élaborer une nouvelle philosophie du destin et lui opposent l’effort méritoire d’individus en devenir échappant aux déterminismes familiaux (Coutel (1999)). Mais s’il est parfaitement légitime d’élaborer une sociologie des trajectoires scolaires considérant les élèves comme des acteurs, est-on pour autant dispensé de s’interroger sur les effets sociologiques d’une égalité très républicaine des droits ? Snyders (1976) critiquait bien ce que les sociologies de la reproduction avaient de désespérant mais il leur opposait alors une pédagogie progressiste.

Cette fuite hors du réel conduit la rhétorique républicaine à une crispation sur les principes, à une morale de la conviction, alors que nous aurions tant besoin d’une éthique de la responsabilité. L’affaire du port du foulard islamique au lycée le démontre. Deux conceptions de la laïcité s’y affrontent : neutralité ou tolérance, liberté de conscience ou liberté de pensée (Baubérot dans Solère-Queval (1999)). Mais l’affaire oppose surtout deux manières de se rapporter aux faits sociaux. On peut tout de suite se crisper sur les principes et dénoncer la confusion de la sphère privée et de la sphère publique. On peut également tenter d’abord de comprendre la signification qu’est susceptible de revêtir, dans le cas présent, le port du foulard, pour cette élève dans ce contexte-là. Témoigne-t-il d’un prosélytisme religieux, d’une revendication communautaire ou d’un compromis avec la famille pour poursuivre des études dans une école publique ? Il y a là différents cas qui n’appellent certainement pas le même type de réponse. Il serait pour le moins dommageable par exemple d’exclure au nom de la libre pensée laïque, des élèves qui seraient en chemin vers elle. On ne prête pas assez attention au fait que nombre de jeunes filles réclament leur réintégration au nom même de cette laïcité qui les exclut (Gautherin (2000)).

Paul Ricoeur (1990) nous invite à articuler sentiment éthique, norme morale et sagesse pratique. Le coeur (l’éthique spontanée de l’estime de soi, de la sollicitude, de l’exigence de justice) a certes besoin de passer le test des principes. Mais ce moment du devoir ou des principes est à lui seul insuffisant pour juger des cas concrets de l’action qui réclament une sagesse pratique, une prudence, laquelle revient toujours à interroger la lettre de la loi par l’esprit de l’éthique. La rhétorique républicaine, ignorante du réel et pleine de mépris pour la casuistique, se réduit elle-même à une gesticulation impuissante vouée aux indignations vertueuses et aux sermons. On peut dire d’elle ce que Péguy disait de la morale kantienne : elle a certes les mains pures mais elle n’a pas de main ! Il lui reste, il est vrai, les media.

Conclusions : la schizophrénie républicaine

Charles Coutel avait donc raison : la rhétorique républicaine relève bien de la syntaxe. Et cette syntaxe illustre superlativement le régime diurne de l’imaginaire décrit par Gilbert Durand.

Il s’agit bien d’une fuite hors du temps présent dans un univers d’idéalités, d’une nostalgie de la pureté où les principes, le droit, n’arrivent jamais à embrayer sur des faits, ne serait-ce que pour les juger et les critiquer sur un autre mode que dénonciatoire. Les républicains accusent la gauche de trop aimer le monde qu’elle ambitionnait jadis de transformer. On pourrait dire d’eux qu’ils haïssent trop le monde pour tenter de le changer et même tout simplement de le comprendre. Que reste-il à ces nouveaux gnostiques si non la fuite dans un ciel d’abstraction ou dans un âge d’or chimérique ? On comprend que cette haine du monde privilégie le schème de la séparation et refuse toute dialectique de continuité / rupture au profit d’une véritable « spaltung » schizophrénique. Le refus du temps et de l’histoire conduit au primat de la logique formelle dans un univers spatialisé. Il encourage un « géométrisme abstrait » qui s’épuise dans une symétrie manichéenne, sans dialectique ni compromis. Il n’est donc pas étonnant que la figure maîtresse de cette syntaxe soit l’antithèse, laquelle selon Durand, exprime le conflit constant avec le monde et ses ténèbres. Le psychiatre Minkowski la décrivait comme « un dualisme exacerbé dans lequel l’individu régit sa vie uniquement d’après ses idées et devient « doctrinaire à outrance » » (Durand (1969, p. 213)).

Ce dualisme finit par opposer les clartés d’en haut aux ténèbres d’en bas. Le régime diurne est par essence hiérarchique. On comprend alors que, si toute politique scolaire revient à croiser une exigence aristocratique (la recherche de l’excellence) avec celle de la justice (la plus haute instruction possible pour le plus grand nombre), la méritocratie républicaine soit toujours portée à sacrifier la seconde à la première.

Ceux qu’on appelle tantôt « démocrates » et tantôt « pédagogues » et quelquefois les deux, n’auront de cesse de ramener les républicains aux faits sociologiques ou historiques ou encore aux humbles réalités pédagogiques, d’atténuer leurs systèmes d’oppositions, d’assouplir leurs antithèses. À l’opposition sèche de l’école moderne et de la société postmoderne, ils tenteront de substituer des dialectiques plus subtiles, des stratégies de continuité / rupture, voire des compromis. Bref, ils essayeront - mais très souvent en vain - d’instiller dans le débat un peu de cette rhétorique nocturne qui vise à réconcilier les oppositions dans le temps. Mais la clé des deux régimes de l’imaginaire explique également que, dans ce débat, le mordant de l’attaque, l’esprit polémiste ou batailleur, soient toujours du même côté, du côté diurne de l’intégrisme républicain. C’est que l’euphémisme et l’antiphrase qui caractérisent la rhétorique nocturne, ne fonctionnent pas comme l’antithèse : ils affirment bien une valeur mais sans pour autant déconsidérer la valeur contraire.

Comment en est-on venu là ? Pourquoi ce débat stérile et fratricide alors qu’il y a urgence à mobiliser contre le libéralisme envahissant une critique philosophique et sociologique digne de ce nom et qui ne se trompe pas d’ennemi ? Tout le problème vient de ce que la voie du nocturne synthétique semble désormais barrée. C’était pourtant celle des grands récits de la modernité qui, avec les Lumières, avaient réussi à historiciser les oppositions métaphysiques entre le bien et le mal, l’erreur et la vérité. L’héritage de la modernité historique et sa foi au progrès subissant les critiques (d’ailleurs largement justifiées) que l’on sait, il devient de plus en plus difficile d’habiter vraiment l’histoire et de l’investir de projets qui puissent dépasser la gestion à court terme. On peut d’ailleurs constater la faiblesse des propositions républicaines (Gaubert (1999) ; Coutel (1999)) qui se résument souvent, en désespoir de cause, à consacrer le statu quo, à réclamer un moratoire des réformes, ou à exiger davantage de postes d’enseignants pour des classes moins nombreuses. Si donc le temps n’est plus ni habitable ni pensable, reste à se réfugier dans le manichéisme tout en se confectionnant un interlocuteur mystique. C’est la faillite des grands récits de la modernité qui amène les républicains à devenir intégristes, faute de pouvoir rester positivistes.

Tous les protagonistes réclament un véritable projet politique pour l’école et ils ont raison. Un tel projet suppose pourtant l’élaboration d’une pensée vraiment critique, parce que susceptible d’articuler les faits et les valeurs. Soit dit sans paradoxe, c’est bien au sein des sciences de l’éducation - pourtant si décriées - que s’esquisse aujourd’hui la meilleure critique républicaine de l’école. Une critique qui prend la mesure des réalités sociologiques ou historiques, non pour sacrifier à l’esprit du temps, mais pour véritablement problématiser le débat en confrontant l’établissement des faits à des idées normatives. On saluera ici l’essai courageux de Samuel Joshua (1999) professeur de sciences de l’éducation et néanmoins républicain convaincu, sans concession pour les dérives néo-libérales qui menacent l’école. D’autre part, pour terminer sur une note optimiste, on notera que - pour la première fois - les écrits de Philippe Meirieu font enfin l’objet d’une véritable attention lorsque Denis Kamboucher (2000), spécialiste d’histoire de la philosophie, les lit comme il lisait Descartes, avec le même respect des textes et la même vigilance critique. On voudrait voir là les signes d’une reprise possible d’un véritable débat public sur les finalités de l’école, au delà des polémiques stériles et des effets rhétoriques médiatisés.


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