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Repenser les conditions de l’évaluation en philosophie

Quelques principes et propositions que l’ACIREPh pourrait présenter pour une évaluation plus équitable et plus formative en philosophie.

jeudi 1er janvier 2009, par Acireph

Par François LAFAYETTE

 QUATRE PRINCIPES POUR UNE ÉVALUATION PLUS ÉQUITABLE ET PLUS FORMATIVE EN PHILOSOPHIE

1. L’évaluation n’est équitable que si elle porte sur ce qui a effectivement été enseigné et appris pendant l’année

2. L’évaluation n’est équitable que si elle reflète l’ensemble du travail effectué et des acquis

3. L’évaluation n’est formative que si elle permet au professeur comme à l’élève d’identifier clairement la raison des erreurs, manques ou insuffisances et les conditions du progrès et de la réussite

4. L’évaluation n’est formative que si ses modalités sont clairement compatibles avec la nécessaire progressivité de tout apprentissage

 

La prise en compte de ces quatre principes aboutirait, selon moi, aux dix propositions suivantes : 

 

DIX PROPOSITIONS POUR UNE ÉVALUATION PLUS ÉQUITABLE ET PLUS FORMATIVE EN PHILOSOPHIE

 

P1. Les programmes de philosophie devront énoncer explicitement les connaissances et compétences devant faire l’objet d’un apprentissage ou d’un approfondissement dans le cadre du cours de philosophie

Actuellement, ce n’est pas le cas, car :

- le programme demeure indéterminé : l’ACIREPh maintient que seul est un programme de problèmes (et non de notions) permettrait de circonscrire raisonnablement l’objet de l’enseignement ; outre le fait que c’est le seul qui soit cohérent avec l’esprit d’un tel enseignement (la philosophie traite de problèmes et non de notions)

- la logique qui a présidé à sa conception n’est pas respectée : les notions de la deuxième colonne devaient permettre de limiter le nombre de problèmes auxquels renvoyaient celles de la première colonne ; il est explicitement dit, en formation continue comme en formation initiale, qu’il n’y a pas à tenir compte de cette articulation et que le programme c’est la liste de l’ensemble des notions (première et deuxième colonnes indifféremment).

 les rares éléments de connaissance (les « repères ») ne font pas l’objet d’une évaluation

  les compétences attendues ne sont pas définies

( pour connaître les propositions de l’ACIREPh sur les programmes se référer à ses travaux !)

 

P2. Fonder l’évaluation sur la variété des exercices permettant de former et d’apprécier la diversité des connaissances et compétences des élèves.

L’ambition d’une évaluation plus juste et plus formative rend absolument nécessaire l’abandon des recommandations et pratiques actuelles qui consistent à ne prendre en compte que les trois exercices trimestriels de type baccalauréat.

Les recommandations et pratiques actuelles sont inadéquates, parce que  :

 elles focalisent l’attention des élèves prématurément et exclusivement sur les exercices du baccalauréat,

 elles entretiennent « le culte de la note » et la mythologie d’une discipline inaccessible ;

 elles découragent des élèves le plus souvent et immédiatement placés devant leur échec

 elles poussent les enseignants et les élèves à négliger les autres exercices qui – de toutes les façons – « ne comptent pas » - et sont donc de ce fait anti-formatives

 elles appauvrissent l’enseignement de philosophie et constituent le plus puissant obstacle à la diversification des pratiques et à l’innovation pédagogique, elles encouragent un enseignement routinier et sclérosé (la « philo-du-bac »)

 elles ne permettent pas de distinguer le formatif, le sommatif et le certificatif puisque qu’on exige d’emblée des élèves (et toujours) un devoir type baccalauréat

 elles placent les enseignants dans la contradiction : la confusion du formatif et du sommatif fait qu’ils ne savent jamais s’ils doivent noter les devoirs (et dès le début de l’année) « comme au bac » - ce qu’ils font le plus souvent cependant en raison du cadre programmatique et institutionnel (mais aussi… pour ne pas mentir aux élèves, ni à l’institution et aux parents : puisque la moyenne trimestrielle, etc. ) ; au mieux, chacun opte selon les classes, les années, ou la conviction du moment pour telle ou telle modulation : l’évaluation en philosophie devient alors aléatoire d’un enseignant à un autre.

Enfin, les recommandations et pratiques actuelles sont profondément injustes pour toutes les raisons qui précèdent et parce qu’elles ne reflètent que très partiellement et très limitativement le travail et les acquis réels des élèves.

 


 

Voici un exemple (à adapter) en fonction des compétences et objectifs énoncés (ou qui devraient l’être) dans les programmes et selon les séries pour donner une idée de ce que serait une évaluation plus équitable et plus formative :

 

(ATTENTION ce qui suit est BANAL mais tellement contraire à nos traditions que vous risquez de vous sentir mal !)

 

En philosophie, l’évaluation sera fondée sur la prise en compte de comprendra quatre types de travaux :

[Remarque : la pondération des divers éléments est bien entendu à réfléchir et déterminer collectivement !!! mais elle est inévitable et il faut bien que les élèves connaissent les modalités de l’évaluation, non seulement par simple justice, mais si on veut justement s’inscrire dans une perspective formative.] 

 

TYPES DE TRAVAILPONDÉRATION
- 1. les compositions de philosophie de type baccalauréat :dissertation et commentaire ordonné d’un texte 30 %
- 2. des interrogations portant sur les connaissances philosophiques : concepts et distinctions lexicales ou conceptuelles (« repères ») fondamentaux, doctrines 30 %
- 3. des exercices philosophiques relatifs à des compétences explicitement visées par les programmes (*) 30 %
- 4. des travaux personnels ou en groupe définis par l’enseignant et pouvant comprendre : des lectures, des exposés, des travaux de recherche et de réflexion, la tenue d’un cahier ou « journal » de philosophie comprenant ces travaux, etc. 10 %

(*) comme :

 repérer un problème philosophique dans une question, un texte, ou à partir d’une notion.

 reconnaître et utiliser des concepts essentiels de la tradition philosophique.

 définir et analyser un concept, opérer une distinction de concepts.

 identifier la logique interne d’un texte ou d’une pensée

 repérer les analogies et les différences entre deux textes traitant le même problème.

 confronter des thèses visant à l’élaboration d’une réponse réfléchie à une question posée.

 évaluer un argument par son insertion dans un dialogue critique ou par sa confrontation à des exemples.

 construire ou reconstruire la progression argumentée dans les étapes d’une analyse.
- évaluer la force et la pertinence d’une argumentation.

 tirer les leçons d’un exemple, les conséquences d’un principe.

 exercer un va-et-vient permanent de l’universel au particulier, de l’abstrait au concret.

 

P3. Réécrire – en conséquence des points précédents - de nouvelles instructions concernant les exercices et le travail des élèves

Les instructions de 1977 ont plus de 30 ans , bien qu’abrogées en 2009 (sans être remplacées !!!) nombre d’Inspecteurs et de sites « officiels » s’y réfèrent ; elles datent d’avant la démocratisation de l’enseignement secondaire et l’extension à toutes les séries technologiques de l’enseignement de philosophie (progressivement réalisées dans les années 80). On peut penser qu’un tel chantier ne serait sûrement pas indigne de l’Inspection de philosophie, en charge, en principe, de la pédagogie.

 

P4. Faire connaître dès le début de l’année les modalités de l’évaluation (voire l’échéancier prévisionnel des différents exercices), la pondération des différents types d’exercices dans l’évaluation finale (trimestrielle), et les conditions éventuelles de rattrapage

P5. Expliciter les critères communs d’évaluation des exercices, notamment ceux du baccalauréat

 

Et, bien sûr, moraliser le baccalauréat, pour cela :

P6. Diversifier les exercices du baccalauréat, notamment pour les séries technologiques

P7. Repenser les conditions d’élaboration des sujets en introduisant des clauses d’écriture contraignantes pour s’assurer que leur rapport aux programmes est bien explicite

P8. Repenser le fonctionnement et les moyens des commissions d’ententeP9. Établir pour chaque sujet un rapport

Sur ces derniers points se reporter, là encore, aux travaux et propositions de l’Acireph !

 

Enfin tout cela aurait beaucoup plus de sens et serait plus évident à organiser si la condition institutionnelle de la progressivité des apprentissage était satisfaite, à savoir :

P10. Instituer pour tous les élèves dès la classe de première d’un enseignement de philosophie permettant un apprentissage progressif et serein, délivré de la pression qu’exerce dès la 1ère heure de Terminale l’épreuve du baccalauréat

 

 

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Résumé des dix propositions pour une évaluation pus équitable et plus formative en philosophie

P1. Les programmes de philosophie devront énoncer explicitement les connaissances et compétences devant faire l’objet d’un apprentissage ou d’un approfondissement dans le cadre du cours de philosophie

P2. Fonder l’évaluation sur la variété des exercices permettant de former et d’apprécier la diversité des connaissances et compétences des élèves.

P3. Réécrire – en conséquence des points précédents - de nouvelles instructions concernant les exercices et le travail des élèves

P4. Faire connaître dès le début de l’année les modalités de l’évaluation (voire l’échéancier prévisionnel des différents exercices), la pondération des différents types d’exercices dans l’évaluation finale (trimestrielle), et les conditions éventuelles de rattrapage

P5. Expliciter les critères communs d’évaluation des exercices, notamment ceux du baccalauréat

P6. Diversifier les exercices du baccalauréat, notamment pour les séries technologiques

P7. Repenser les conditions d’élaboration des sujets en introduisant des clauses d’écriture contraignantes pour s’assurer que leur rapport aux programmes est bien explicite

P8. Repenser le fonctionnement et les moyens des commissions d’entente

P9. Établir pour chaque sujet un rapport

P10. Instituer pour tous les élèves dès la classe de première d’un enseignement de philosophie permettant un apprentissage progressif et serein, délivré de la pression qu’exerce dès la 1ère heure de Terminale l’épreuve du baccalauréat