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GREPH - BULLETIN INTERIEUR - Septembre 1991

Ce bulletin traite de la question des programmes ; il analyse le tournant opérée en 1973 par le passage d’un programme de questions à un programme de notions et revient sur la fameuse « liberté » du professeur à partir d’une lecture minutieuse de son énoncé dans les Instructions de 1925 d’Anatole de Monzie.

jeudi 19 septembre 1991, par Acireph, Serge Cospérec

GREPH - groupe de recherches sur l’enseignement philosophique

LA QUESTION DES PROGRAMMES

[ EXTRAIT où l’on voit l’APPEP crier victoire pour deux raisons :

 1° parce qu’elle a réussi à empêcher l’augmentation massive des recrutements en philosophie !!!

 2° parce qu’elle a fait échouer le projet d’extension en Première !!! ]

« Ainsi donc, et du moins sur le plan administratif, nous avons, contre le front des Conservateurs, perdu la bataille... Avons-nous, pour autant, perdu la guerre ?

Sans doute avons-nous sous-estimé les ressources et la détermination de l’adversaire ; sans doute n’avions-nous, ni ses moyens financiers, ni ses moyens d’intimidation, de propagande fallacieuse et de désinformation, ni surtout la pugnacité sans scrupules déontologiques du lobby ’magistral’, promoteur d’un front du refus de tout projet rénovateur et disposé à faire flèche de tout bois : il est notamment clair, ici, que l’argument du coût élevé que représenterait la mise en œuvre intégrale des propositions du GREPH sur l’extension de l’enseignement philosophique (’Il faudrait nommer 1600 professeurs supplémentaires !’, affirmait le fameux ’Appel’ à signatures contre le Rapport Bouveresse-Derrida du ’Collectif pour l’Enseignement philosophique’...) a été fort bien entendu du Ministère.

Nous voici donc ramenés trois ans en arrière... Et, constatant avec satisfaction que ’les propositions du Ministre sont très en retrait sur celles du CNP’ (lesquelles, soulignons-le, étaient déjà très en retrait sur celles du Rapport de la Commission Bouveresse-Derrida - elles-mêmes, déjà, passablement en retrait sur celles du GREPH...), le Président de l’Association des Professeurs de Philosophie peut pavoiser : ’Notre action, celle de nos collègues dans les associations, les syndicats, ont été efficaces’, écrit-il dans son éditorial du n° 41/4 (Mars-Avril 1991) de ’L’Enseignement Philosophique’. Ainsi, ’le pire’, selon lui, aura été évité : ’Il n’est plus question de philosophie en Première’ ! […] »

 

[ EXTRAIT où l’on constate qu’un futur Inspecteur Pédagogique Régional de philosophie analysait très bien, lorsqu’il n’était que professeur, le vice intrinsèque des programmes de notions ]

« Lorsque Monsieur Chauve (alors professeur au Lycée Lakanal), dans sa réponse à l’Enquête préliminaire aux Journées de Sèvres de mars 1970, reprochait au programme alors en vigueur d’enchaîner, en fait, la ’liberté du professeur’, c’était en les termes suivants : ’Cette rédaction repose sur un découpage absolument arbitraire en rubriques vagues et générales recouvrant à peu près tout et n’importe quoi (...). Peut-on dire que l’absence totale de principe cohérent soit une garantie pour la liberté du professeur ? Elle nous paraît être d’abord une garantie de confusion... et par là même elle nous paraît représenter une contrainte pesante pour le professeur qui se voit obligé de devenir un spécialiste des généralités, celui qui parle de tout et de n’importe quoi’. C’est bien la contrainte méthodologique (celle qui résulte de l’obligation faite par l’arrêté du 18 juillet 1960 de traiter toutes les questions qui figurent à un programme nullement ’explicite’ mais incohérent, vague et confus, juxtaposant des idées hétérogènes, quel que soit l’ordre ’librement’ adopté...) qui est ici dénoncée, en tant que conduisant bon gré mal gré à parler de tout et de n’importe quoi.

Et Monsieur Chauve ne considérait apparemment pas que ce fût une atteinte intolérable à la ’liberté du professeur’ que de proposer un programme qui indiquerait explicitement ’de quoi il faut parler en philosophie’ (et qui reposerait sur la distinction fondamentale de trois types de concepts : les concepts proprement philosophiques (par exemple, l’Être, le Néant, l’Essence, le Sujet) ; les concepts non philosophiques, mais qui posent des problèmes donnant lieu à un traitement philosophique ; et enfin des concepts’épistémologiques’).

Et il ne craignait pas davantage d’enchaîner la liberté du professeur de philosophie en soulevant, au titre de la mise en application des principes qu’il venait d’énoncer, des problèmes tels que : ’Faut-il énumérer les concepts dans une liste, avec, à chaque fois, des indications sur la manière d’en parler ? Faut-il imposer au professeur de traiter de certains concepts (car il est bien évident qu’un cours ne pourra porter que sur quelques concepts, peut-être même un seul) ? S’il n’y a pas de programme rédigé, comment concevoir le cours pour que l’élève puisse avoir des points de repère ? Comment concevoir l’examen auquel l’élève sera soumis ?’ […] »