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Audience au Conseil supérieur des programmes : futurs programmes pour le tronc commun de Terminale

dimanche 24 mars 2019, par Acireph

Compte-rendu de l’audience du 20 mars 2019 sur les programmes de tronc commun de philosophie des classes de Terminale

Étaient présents :
Les deux co-pilotes du Groupe d’élaboration des projets de programmes (GEPP)
 Frank Burbage, doyen du groupe philosophie de l’Inspection générale ;
 Pierre Guenancia, professeur émérite, Université de Bourgogne, également copilote du GEPP de la spécialité HLP.

Membres du Conseil Supérieur des Programmes :
 Souâd Ayada, présidente ;
 David Bauduin, secrétaire général ;
 Julien Magnier, chargé de mission.

Organisations syndicales représentées : FEP-CFDT, SNES-FSU, UNSA, SNALC

Associations professionnelles présentes :
 Frédéric Le Plaine et Cécile Victorri, pour l’ACIREPh ;
 Alain Champseix et Nicolas Franck, pour l’APPEP ;
 Jean-Marie Frey et François Moriceau, pour la So.p.phi.

Éléments de calendrier

Souâd Ayada commence par rappeler le calendrier des travaux d’élaboration des nouveaux programmes : les propositions du GEPP seront rendues au CSP le 6 mai 2019. Après ajustements, amendements et vote par le CSP, les projets de programme seront publiés le 20 mai 2019. Une consultation en ligne des professeurs aura lieu à partir du 10 juin 2019 et la DGESCO consultera également les associations professionnelles et organisations syndicales. La Commission supérieure des lycées et le Conseil supérieur de l’éducation se réuniront respectivement fin juin et début juillet. Les programmes définitifs seront publiés au Bulletin officiel courant juillet.

Les projets de programme qui nous sont présentés sont encore provisoires. Il nous est indiqué que les choses peuvent encore être infléchies et nous sommes invités à faire part de nos propositions.

Épreuves pour la spécialité « Humanités, littérature et philosophie » (HLP)

Sur la question des épreuves, il est précisé que dans la lettre de saisine il était demandé au CSP de réfléchir aux modalités d’évaluation. Le CSP adresse toutes ses propositions à la DGESCO. Le travail technique de définitions des épreuves est un travail de la DGESCO qui sollicite l’IG. Il y a donc une très faible visibilité sur cette question.

M. Burbage nous donne des éléments nouveaux sur l’épreuve de la spécialité HLP de fin de Première pour les élèves qui abandonneront cette spécialité : toutes les épreuves de spécialités en fin de Première auront une durée de 2 heures, ce qui était une demande des syndicats de proviseurs pour simplifier l’organisation de ces épreuves.
Pour HLP, sont envisagées 2 questions portant sur un texte relatif à l’un des thèmes de Première : une question d’interprétation (analyse et compréhension des enjeux), une question de réflexion (réponse étayée à une question posée par le texte). Chaque question sera fléchée littérature ou philosophie, en fonction du texte. Chaque question sur notée sur 10. Si l’IG avait été consultée, la durée de l’épreuve aurait été plus longue.

Programme de tronc commun de Terminale

M. Burbage nous indique que le GEPP travaille depuis le départ en continuité avec l’existant, à la recherche d’un horizon consensuel. La conservation des grands principes des programmes actuels est donc assurée.

Le professeur de philosophie a la responsabilité intellectuelle de son cours, il est l’auteur de son cours. Il n’est pas question de prescrire des contenus de savoirs, une philosophie officielle et préconçue. Il y a des professeurs de philosophie qui sont des intellectuels, qui ont une vie intellectuelle et il faut tenir compte de cette force. Le programme sera pris en charge par de tels professeurs.

Il s’agira d’un programme de notions, de repères (avec une grande liberté), d’auteurs, et l’étude suivie d’une œuvre. La réduction du nombre de notions devrait permettre une adaptation aux 4 heures du tronc commun, avec un souci quantitatif du raisonnable.

Les points d’insistance sont divergents entre les différentes associations, notamment entre les exigences de détermination et de liberté. Un point d’équilibre a donc été recherché, avec une consolidation de la liste des repères.

M. Guenancia indique qu’il n’y a pas de lien entre le programme de tronc commun et celui de la spécialité HLP. Il n’y a pas de programme de philosophie dans HLP, il y a des champs philosophiques reliés à des champs littéraires. Tandis que l’objectif du programme de philosophie est l’analyse structurale et interne d’un concept, il s’agit d’une analyse plus transversale dans HLP.

Un élargissement de la liste d’auteurs est envisagé. L’articulation étroite entre les notions et les auteurs (donc les textes) est rappelée, car le travail philosophique est d’abord un travail d’histoire de la philosophie. Cette base est un « rempart contre les divagations qui peuvent tenter la réflexion lorsqu’elle n’est pas arrimée à des points fixes ».

M. Burbage rappelle que le programme n’est pas une liste de notions, qu’il ne faut pas le « saucissonner » en faisant des notions des têtes de chapitre.

La structure du programme sera composée :
 d’un préambule, accompagné d’un « horizon pratique » définissant les objectifs de formation de l’enseignement de la philosophie : certains « gestes intellectuels » (le terme de compétence ayant été jugé trop clivant) attendus des élèves à la fin de l’année : examiner des idées et des connaissances, circonscrire, confronter les différents points de vue sur un problème avant d’y apporter une réponse appropriée, justifier, argumenter, mobiliser des connaissances)
 de domaines ou « perspectives de travail » qui remplaceront les actuels champs, et qui ne seront pas des notions : métaphysique, épistémologie, morale & politique, anthropologie.

Métaphysique
Le corps et l’esprit*
Le désir
L’existence et le temps
L’idée de Dieu

Épistémologie
Le langage
Raison et vérité*
Sciences* et expérience
La technique*

Morale et politique
La liberté*
L’État*, le droit, la société
La justice*
La responsabilité

Anthropologie
La nature et la culture*
L’art*
La religion*
L’histoire

Les notions « sciences et expérience » seront à aborder en lien avec l’étude d’un concept scientifique issu des sciences de la matière ou du vivant.

En voie technologie*, les 4 domaines sont les mêmes mais le nombre de notions est réduit.

Les repères sont conservés mais sont à prendre comme une liste indicative et non-exhaustive, qui conserve son caractère hybride (à la fois des distinctions logico-sémantiques et des éléments de doctrine).
Nouveaux repères : Passion/action, concept/image/métaphore, devoir/obligation/contrainte, donné/construit, exemple/preuve, principe/cause/fin, public/privé, question/problème, vrai/probable/incertain.

Un élargissement substantiel de la liste des auteurs nous est annoncé : Feuerbach, Engels, quelques femmes, de la philosophie orientale. « Mais on a confiance dans les professeurs pour qu’ils n’oublient pas les philosophes « majeurs » »…

Discussion avec les participants

L’APPEP salue l’effort de réduction du nombre de notions et la place donnée à la métaphysique. Elle demande de déconnecter l’étude de l’œuvre de l’oral de rattrapage, en inventant une autre modalité pour cette épreuve, portant sur des notions du programme.
M. Burbage indique que cette question est ouverte et que l’hypothèse est intéressante.

Sur les épreuves du baccalauréat pour la philosophie, M. Burbage indique qu’elles seront en continuité avec l’existant pour la voie générale. La DGESCO décidera des épreuves en septembre/octobre 2019. Toutes les propositions sont les bienvenues, notamment pour la voie technologique.

La So.p.phi se réjouit également de la conservation des principes des programmes actuels, et propose un sujet d’explication de texte pour la voie générale comprenant davantage de questions, comme l’actuel sujet-texte des séries technologiques.

Le SNES prend acte de la prudence et de la continuité, mais déplore l’absence de notions intéressantes pour les élèves, comme le travail, ainsi que l’absence d’épistémologie des sciences humaines, dans la mesure où le concept scientifique étudié ne pourra pas en provenir. Sur quelle culture scientifique pourra-t-on s’appuyer chez des élèves n’ayant potentiellement aucune spécialité scientifique ? M. Burbage répond qu’un enseignement scientifique de tronc commun sera dispensé. Mme Ayada précise que le GEPP de cet enseignement scientifique a été soucieux d’étudier les vertus explicatives des théories scientifiques.

L’ACIREPh souligne qu’il n’est pas admissible que le GEPP de philosophie n’ait pas pu rencontrer les associations de professeurs. Il aurait été, non seulement souhaitable de pouvoir échanger à diverses phases du travail du GEPP depuis près d’un an, mais en outre cela était permis par la charte réglementaire du CSP, qui précise que « les GEPP consultent les spécialistes et partenaires dont l’expertise leur paraît utile ». Mme Ayada répond que nous avons mal compris la Charte, pourtant citée littéralement.

L’ACIREPh rappelle que la philosophie est l’une des disciplines les plus socialement discriminantes en raison du flou de ses programmes, de ses critères d’évaluation, et que la responsabilité de ce GEPP était considérable après des décennies d’immobilisme. Le défi de la démocratisation n’est absolument pas relevé par ce programme qui laisse entièrement posée la question de la distorsion constatée chaque année entre les sujets du baccalauréat et les connaissances effectivement enseignées aux élèves pendant l’année, qui leur permettraient d’être évalués sur des attendus précis. Pourquoi un tel conservatisme, alors que le dernier rapport de l’Inspection générale sur l’enseignement de la philosophie, datant de 10 ans, soulignait déjà la nécessité pour cet enseignement de se transformer, et disait qu’ « une certaine directivité de l’institution ne serait peut-être pas déplacée » s’agissant du baccalauréat ? Ainsi, si les domaines ne sont que des priorités pour l’étude, quelle limitation sera de mise pour l’élaboration des sujets du baccalauréat ?

M. Burbage répond que l’Inspection générale sera attentive à ce que les sujets de baccalauréat soient mieux cadrés, en respectant l’inscription des notions dans leur domaine respectif.

L’ACIREPh indique son accord de principe avec la déconnexion, demandée par l’APPEP, de l’étude de l’œuvre de l’épreuve orale de rattrapage.

L’ACIREPh demande également pourquoi les savoir-faire en termes de raisonnement et de logique argumentative (condition nécessaire / suffisante ; induction / déduction ; sophismes courants...) ne sont pas davantage précisés dans le programme, comme elle en avait fait la demande au GEPP. M. Burbage répond que cette demande a été jugée très légitime, et que c’est la raison pour laquelle a été fait mention d’un horizon pratique de gestes intellectuels que les élèves doivent apprendre à maîtriser. M. Guenancia ajoute que le degré de précision que nous demandions ne pouvait pas être inscrit dans le programme, en raison de la formation logique très variable des professeurs. Par ailleurs, le CSP ne souhaite pas que les programmes comportent trop d’éléments techniques.

L’ACIREPh demande quel sera le statut des repères dans ces nouveaux programmes, et pourquoi ils ne sont qu’indicatifs, alors qu’ils sont censés offrir des éléments objectivement exigibles à l’examen, palliant ainsi modestement au flou artistique des réunions d’harmonisation.

Enfin, l’ACIREPh exprime son inquiétude quant à l’enseignement de la philosophie dans la voie technologique, et demande au GEPP d’inscrire dans les projets de programmes la nécessité d’au moins une heure en effectif réduit ou en demi-groupe, afin de pouvoir mener des travaux dirigés et des exercices pratiques avec les élèves. M. Burbage répond qu’il est conscient des difficultés liées à la voie technologique, et qu’il travaille à des propositions allant dans ce sens.

Sur les différentes inquiétudes et remarques formulées par les organisations présentes, M. Burbage répond que les associations professionnelles seront conviées à la rentrée scolaire 2019 pour participer à l’élaboration de recommandations de l’Inspection générale concernant la mise en œuvre de ces nouveaux programmes.