ACIREPh

La guerre des Programmes, 1975-2005

Documents rassemblés par S. Cospérec

Synthèse officielle de la Consultation nationale sur le projet de programme de philosophie

C’est un étrange document que nous publions ici.

 

1° Ce document n’a pas été rendu public. Il a été communiqué par Dominique Raulin (Chef du « bureau des programmes et de l’animation pédagogique » à la Direction des Lycées et Collèges) à Denis Paget, Secrétaire national du SNES. Il s’agit de la synthèse prétendue de la consultation des professeurs mais, comme le fera observer immédiatement le SNES, il s’agit en vérité d’une toute autre synthèse, celle « des éléments recueillis auprès des syndicats, associations de spécialistes, INRP... ». Comme, c’est le seul document remis au Ministère, qui l’a fait suivre au SNES, on est en droit de supposer que la synthèse nationale n’a jamais eu lieu, ce qui corroborerait la version donnée  par François Dagognet (la fameuse scène du vote à huis-clos rue de Grenelle, en présence et sous contrôle de l’Inspection Générale de Philosophie par deux cents professeurs choisis par cette même inspection).

2° Contrairement à la légende accréditée par le front conservateur, on retrouve les critiques fondamentales (certes atténuées)  adressées par la corporation au projet du GTD. C’est dire si elles furent  violentes… pour que même les parties prenantes du projet ne puissent totalement les occulter !  

 

 

 

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Consultation nationale sur le projet de programme de philosophie,

 

Journée de synthèse du 14 mars 1997

 

Synthèse des éléments recueillis auprès des syndicats,

associations de spécialistes, INRP...

 

Dans l'ensemble, les partenaires approuvent le choix du GTD de maintenir un programme de notions et apprécient le rappel de la liberté pédagogique du professeur.

 

A cet avis positif est généralement associé le regret que le texte mis en consultation n'inclut pas d'information relatives [sic] :

- aux principes qui sous-tendent l'enseignement de la philosophie, aux finalités qui justifient les choix opérés par le GTD,

- aux conditions de sa mise en œuvre dans les classes (recommandation sur le travail des élèves par exemple),

- aux épreuves d'évaluation au baccalauréat, au sujet desquelles s'est fait jour une grande inquiétude.

 

Ces différents points de contestation créent une impression générale de relatif arbitraire dans ce projet de programme : ses choix ne sont pas justifiés et sa cohérence globale n'est pas explicitée. Le texte présenté paraît caricatural et incomplet.

 

Les principales critiques de fond portent, d'une part sur la présentation d'une liste de notions et ses conséquences pressenties, et d'autre part sur les choix faits par le GTD en ce qui concerne les notions elles-mêmes, leur nombre, leur choix, ainsi que la liste d'auteurs.

 

1 - Remarques générales sur le programme

 

La plupart des partenaires déplore la trop grande imprécision des contenus d'enseignement, due à la présentation des notions sous forme de liste, dans laquelle ont disparu les sous-titres, les couples de notions ; on regrette aussi la réduction des notions à un seul mot, le regroupement sans explication de certaines notions ainsi le passage de «la connaissance du vivant» au «vivant» a pour conséquence d'élargir considérablement le champ des problématiques possibles et renforce l'effet d'imprécision particulier à ce texte,

 

Le principe sous-jacent au classement des notions n'apparaît pas : ou bien il est caché ou bien il n'existe pas. Sur ce point, l'actuel programme a le mérite de la clarté car il est d'emblée lisible grâce notamment aux éléments de détermination qui permettent de préciser à quel(s) champs de la philosophie ou à quel(s) type(s) de problématiques se rattache telle ou telle notion.

 

Certains auraient préféré que le GTD aille jusqu'au bout de sa logique et opte pour unclassement alphabétique des notions, en soi plus explicite de l'absence de déterminations.

 

La plupart des partenaires attire l'attention sur les risques qu'un tel dispositif fait courir à l'enseignement :

 

- la présentation adoptée élimine les repères à l'intention des élèves et leurs parents sur le contenu de l'enseignement ;

 

- elle ne constitue en rien une garantie pour le professeur puisque sa liberté pédagogique ne saurait s'exercer dans le flou, sans points d'appui ;

 

- elle autorise des parcours tellement différents que, dans les faits, la disparité probable des enseignements pourra conduire à de nombreux abus ;

 

- enfin, elle rendra encore plus difficile la mise au point de sujets de baccalauréat et le rapprochement nécessaire entre programme et intitulé du sujet.

 

II - Les notions -  la liste d'auteurs

 

1) remarques sur l’allégement

 

Si certains l'apprécient, car les notions y gagnent ainsi en clarté et en ampleur, d'autres partenaires le contestent parce qu'il risque d'appauvrir le potentiel de sujets au baccalauréat et que parallèlement, il constitue un leurre car rien n'empêche le professeur de s'intéresser à des notions connexes à celles du programme, pourtant absentes de celui-ci. Ex : par la conscience, on retrouve l'inconscient, par la nature , on retrouve la culture, par l'État, on retrouve la société (...)

 

2) remarques sur le choix des notions

 

L'absence de certaines notions suscite en soi de nombreuses inquiétudes : les principales portent sur le choix du GTD de restreindre la place de l'épistémologie, des sciences de la nature et des sciences humaines. Dans ces domaines rien n'étant plus imposé dans le traitement des notions comme dans l'actuel programme, l'impasse totale devient possible ce qui paraît inacceptable. Ainsi, les notions de «démonstration» et d'«interprétation» peuvent fort bien être abordées sous un angle strictement métaphysique, le «vivant» sous un angle purement moral. L'invitation à se référer de façon précise au mathématiques [sic] et aux sciences ne paraît pas en soi une garantie suffisante.

 

L'affaiblissement des champs de la philosophie des sciences et de la réflexion sociale correspond, pour beaucoup, à une véritable réduction de la réflexion philosophique.

 

Le programme des séries technologiques conduit à quelques interrogations liées notamment à l'impression de conservatisme qui s'en dégage : on reproche au GTD d'avoir continué à déterminer par défaut cette liste de notions à partir de la Liste de la série L.

 

L'absence d'explications relatives au choix des notions conduit aussi à certains questionnements plus ponctuels : par exemple, l'apparition de la «beauté» au détriment de «l'art» en séries technologiques est resté [sic] largement incompris.

En conclusion, les partenaires estiment qu'il s'agit là d'un projet qui renvoit [sic] à une conception conservatrice de la philosophie qui ne tient absolument pas compte de l'évolution de la société, du public scolaire et du système éducatif.

 

3) la liste d'auteurs

 

Quatre critiques principales :

- Le statut de la liste ne paraît pas assez clair ;

- Ambiguïté de l'introduction de Durkheim au moment où l'on supprime des notions liées aux sciences humaines comme «la société», d'introduire Schopenhauer quand on supprime «la volonté»;

- L'ancrage des auteurs dans la tradition philosophique occidentale [ ?] : sont proposés Avicenne, Averroès, Maimonide...

- Wittgenstein est jugé trop difficile (on lui aurait préféré Russell, ou d'autres auteurs de l'école anglo-saxonne) ainsi que Plotin (à qui on préfère Sénèque).

 

Autres points du programme ayant suscité des avis partagés :

 

- La spécification des notions en fonction des séries, notamment en ce qui concerne les séries ES et S ; les avis sont partagés.

 

- La suppression des questions au choix suscite quelques critiques.

 

- Le programme des classes terminales constitue également celui du CAPES (remarque liée à la critique quand à l'indétermination du programme).

 

- Réduire la liste des auteurs à un nombre limité de philosophes incontournables.