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La guerre des Programmes, 1975-2005

Documents rassemblés par S. Cospérec

Les avancées demeurent insuffisantes (Supplément au n°434 de l’Université Syndicaliste du 17 mai 1997)

[Pour le SNES qui fait le point le 17 mai 1997 les avancées demeurent insuffisantes…]  

 

 

Supplément au n°434 de l’Université Syndicaliste du 17 mai 1997

 

PROGRAMME, DES AVANCÉES... INSTRUCTIONS : UN TEXTE À REPRENDRE

 

Le manque de place nous contraint à esquisser quelques analyses qui demanderaient a être plus amplement étayées.

 

-Sur le programme (cf. point 2 du projet)

C'est la partie du texte qui a été soumise à consultation et on peut se féliciter d'avoir déjà obtenu un certain nombre d'infléchissements du texte initial.

Il est important tout d'abord que soit rappelé que le choix et la formulation des problèmes, la construction du cours relèvent de la seule responsabilité du professeur. Concernant les infléchissements, l'affirmation de la nécessité de tenir compte de la spécificité des séries est enfin reconnue, ce qui a permis de corriger des incohérences graves notamment en E.S. (cf; la salutaire réintroduction des “échanges”) mais cela ne se traduit encore que très insuffisamment dans la liste des notions. Le G.t.d. a tenu compte des observations sur la nécessaire réintroduction du “ social ” (la “société” apparaît dans toutes les séries) et le renforcement de l'épistémologie (“la scientificité”), mais nos réserves demeurent; une grande partie des notions relevant actuellement de la philosophie des sciences peut être traitée sans s'y référer (ex. : “la mesure” entendue comme prudence...). Les choix ne sont toujours pas justifiés (pourquoi tel ajout? telles suppressions?). Si le retrait s'imposait de “l'espace” pourquoi “la mort” ne remplace-t-elle pas “ l'existence ” ou le “temps”? “Les fins” en E.s. et en S laissent perplexe, s'agit-il d'une “notion”? Pourquoi “l'histoire ” au traitement toujours difficile (cf. double problématique épistémologique/philosophie générale) et l'absence de “la culture ” ? etc. Sénèque entre au Panthéon des auteurs consacrés, ce qui était demandé,,, lire Wittgenstein, en Terminale ?

 

Deux points négatifs:

 

- le resserrement si attendu du programme (et premier motif de sa révision pour bien des collègues) prend la forme d'un allégement insignifiant et inexistant dans le technique. Fallait-il alors le réécrire ?

 

- dans les séries techniques, c'est le statu quo ! “le droit”, “la conscience”, “la raison ” sont remplacés par “la justice” (soit!), “les passions” (?) et “le langage”, et c'est tout! Rien n'est réglé, rien n'est changé là où les problèmes sont Si graves que notre enseignement n'y est plus, parfois, que de façade. On feint d'ignorer la crise. Certes un programme ne peut à lui seul remédier à toutes les difficultés, mais deux ans de travail et de réflexion pour en arriver là... Tout va donc très bien, l'hypocrisie demeure, Enfin restent aussi les réserves sur les mille et une manières de traiter le programme eu égard à la nécessité d'épreuves communes...

 

2 - Sur le reste du texte

(cf. points 1 et 3)

 

Il est impossible d'entrer dans le détail, on se bornera donc à quelques remarques générales.

 

On relèvera d'abord l'absence de tout texte concernant les épreuves du baccalauréat (encore un projet à venir et soustrait à la discussion?). Aucune instruction sur les modalités précises des épreuves écrites et orales (durée, nature, forme, etc.). Il y a contradiction entre l'hymne à la liberté du professeur d'un côté (surtout le point 1) et les multiples recommandations  concernant l'organisation du cours selon le modèle de la “leçon ” exposant une pensée organique (cf.; l'insistance sur l'unité et la totalité, bref la systématicité, le thème de la “complétude” probablement à défaut d'achèvement encyclopédique en nos temps  postcritiques)  Si la “leçon ”, y compris d'agrégation, est une pratique philosophique dont personne ne conteste l'utilité et la légitimité, on ne voit pas qu'elle soit le seul moyen, ni toujours le plus approprié, de l'enseignement philosophique si tant est qu'il vise aussi à inciter les élèves à une réflexion personnelle et à l'exercice du jugement autonome. La liberté pédagogique des collègues qui souhaitent philosopher avec les élèves autrement que par “leçon ” doit être rétablie et garantie.

 

Il y a contradiction aussi entre les multiples déclarations sur la nécessité de former le jugement autonome et critique des élèves, de solliciter leur participation active, de ne pas leur imposer une pensée mais de les inciter à penser, et celles d'autre part qui, paraissent faire reposer sur le seul professeur tout l'effort réflexif. Ainsi, c'est la pensée du professeur qui rencontrant les difficultés, les élabore en problèmes, les analyse, les réfléchit (et l'élève, pense-t-il ?), démarche de pensée que les élèves doivent reprendre à leur compte et même retrouver par eux-mêmes.. L'élève “ participe” à l'effort réflexif en répondant aux questions destinées à vérifier s'il a bien compris la pensée du professeur. On comprend dès lors que, sans ironie, on puisse écrire que “la prise de note ”constitue “le moment principal ” du travail ou de “l'attitude active” de l'élève et que l'enseignement philosophique  “est toujours en son fond... un dialogue” même “quand il ne l'est pas dans sa forme” (et pour cause : quid de l'effectivité du “dialogue” dans une leçon magistrale ?). Enfin, la dissociation de la forme et du fond est bien contestable, les instructions de 1925 avaient soin, elles, de préciser que “jamais (la) leçon ne devra revêtir la forme d'une conférence où l'auditoire reste passif” et insistaient bien davantage sur la nécessité de mettre “les élèves en état de penser réellement”.

 

Les instructions antérieures sont aussi bien plus précises concernant la nécessaire progressivité de l'apprentissage et la variété des exercices dans une classe de philosophie.

 

La subordination exclusive de l'étude des textes ou des œuvres à celle des notions, elle-même subordonnée aux problèmes apparus dans le déploiement de la pensée du professeur fait problème. Les instructions actuelles invitent à relier cette étude aux notions et problèmes afin de ne pas alourdir encore le programme mais sans affirmer que c'est leur unique but. Leur étude pouvait servir les défuntes questions au choix (notamment des types IV et V). Sans compter que la cohérence interne des textes ou le respect de la pensée de l'auteur peut exiger au contraire d'étudier aussi l'œuvre pour et par elle-même, même si on relie son étude aux notions du programme. Pourquoi gommer tout ce qui invitait dans les instructions de 1925 et de 1977 à “mettre la culture philosophique en relation avec les problèmes réels que pose la vie morale, sociale, économique, des milieux où (l'élève) est appelé à vivre ”, à “ aborder devant lui les questions d'actualité” ou à “ prévoir des préparations et des exercices qui sollicitent l'expérience et la culture des élèves ? Pourquoi gommer les mises en garde contre “ la phraséologie philosophique ” ou “ l'abus de l'abstraction”, la nécessité d'éviter “ tout débat sur des questions dont le sens concret, les rapports avec l'expérience et la réalité n'auraient pas été mis en lumière ” ?

 

Dans son ensemble, le projet semble bien moins se soucier des conditions effectives d'une pratique de la philosophie avec de jeunes esprits que de rappeler aux professeurs ce que fut une certaine idée et pratique de la philosophie.