ACIREPh

La guerre des Programmes, 1975-2005

Documents rassemblés par S. Cospérec

Observations sur le projet de réforme du GTD Lucien-Dagognet

( texte de la note interne du Groupe Philo pour intervention GTD / DLC)

 

SUR LA CONSULTATION

L’inspection a organisé une Consultation en trompe-l’oeil car il n’y a aucune justification des choix qui sont faits, et cela ni par rapport à l’idée de la philosophie et de son enseignement qui sous-tend les choix effectués (le précédent GTD avait au moins expliqué les raisons de ses choix, ici rien !), ni par rapport à la manière dont ce programme entend répondre aux difficultés les plus graves que nous rencontrons.

 

LA CONSULTATION POUR ÊTRE RECEVABLE DEVRAIT INCLURE :

1) les principes du projet. En l’absence de justification des choix fondamentaux et des modifications, on ne peut que s’interroger sur leur sens et leur cohérence. Actuellement on  est consulté sur une liste de notions livrées « en vrac », répondre « globalement » oui ou non n’a aucun sens, on ne sait même pas ce qu’on doit en faire.

La conception dont se réclame le projet doit être exposée, motivée pour être débattue.

2) les instructions, ou le « mode d’emploi » du programme. Les instructions actuelles comprennent les finalités de l’enseignement et des recommandations sur le travail des élèves, les exercices (nature et périodicité), etc.

Qu’en sera-t-il des nouvelles ? Puisqu’elles en déterminent largement le sens, comment juger le projet sans les connaître ?

3) les épreuves du baccalauréat. Là encore il n’y a pas de sens à se prononcer sur le projet sans savoir ce qu’elles seront, puisqu’elles conditionnent de fait la nature de notre enseignement et des pratiques de cours, donc la compréhension du programme (et cela qu’on le déplore ou non) !

 

SUR LE PROGRAMME

 

A) CONTESTATION DE CERTAINS PRINCIPES IMPLICITES DE RÉDACTION DU PROGRAMME

 

  1. La première ligne de force du texte et qui semble avoir guidé ses auteurs, c’est de garantir (tout en l’augmentant) LA LIBERTÉ de chaque professeur.

Or le SNES défend sur ce point une position médiane :

- refus d’une détermination si précise du programme qu’elle priverait le professeur de toute liberté dans la conception de son cours, dans le choix de ses références, de ses argumentations et de ses conclusions.

- refus d’une indétermination si grande comme dans ce projet qu’elle AUTORISE RIGOUREUSEMENT TOUT ET N’IMPORTE QUOI. Dans l’état actuel des choses rien ne garantit une préparation effective des élèves à l’examen final, car on ne voit pas comment à partir de telles prémisses il est possible de faire une épreuve réellement commune(1).

Le problème posé par ce projet c’est qu’il autorise des parcours extrêmement différents et risque de conduire à des enseignements très disparates tant il est facile de le solliciter dans un sens ou dans un autre. C’est une hypothèque énorme sur l’avenir, et la philosophie n’a pas besoin d’en rajouter en ce domaine. Comment encourager les élèves à travailler avec un projet qui ne fera que renforcer leur sentiment qu’en philosophie tout et n’importe quoi peut tomber le jour de l’examen et probablement rien de ce qu’ils auront vu avec leur professeur ?

C’est aussi pour cela que certains collègues se sont montrés très satisfaits par le texte...mais pour de mauvaises raisons, selon nous, et parce qu’on n’a cessé de leur faire croire que c’est l’exact contraire qui arriverait, à savoir un programme complètement contraignant.

 

  1. La deuxième ligne de force du texte, c’est, semble-t-il, un REPLI CONSERVATEUR SUR UNE TRADITION HEXAGONALE qui est loin d’être incontestée et incontestable, et bien des collègues sont très hostiles non à cette tradition, mais à la réduction de l’enseignement de la philosophie à cette unique tradition.

Au lieu de s’attaquer sérieusement à la question de ce que devrait être un enseignement secondaire de la philosophie compte tenu des transformations sociales de ces 20 dernières années et des mutations du système éducatif (la massification et les changements intervenus dans l’enseignement des autres disciplines), au lieu de s’inscrire dans le cadre d’une définition de ce que pourrait être une culture scolaire, le projet semble faire complètement abstraction ces considérations et n’être préoccupé que de RESTAURER une tradition.

La réforme se fait « le regard dans le rétroviseur » et au nom d’une idée de l’École et de la philosophie complètement aveugle à la réalité effective (celle des élèves, des classes, de la Société), mais idée qui serait bien entendu la seule concevable, le reste n’étant que dérive, décadence et promesse d’anéantissement de la culture.

 

Ce qui atteste cette lecture :

) L’ÉLIMINATION POSSIBLE DE LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES C.À.D. DE L’ÉPISTÉMOLOGIE, à laquelle sont résolument hostiles les tenants de « la » tradition et qui avait été imposée, dans le programme de 1973, par les « modernes »(2). Ce coeur épistémologique qui représente presque un tiers du programme actuel pourrait bien disparaître au nom d’une conception contestable et non déclarée (ce qui est choquant) de ce qui est ou n’est pas objet de réflexion philosophique.

Nous ne savons pas si telle a été l’intention des rédacteurs du projet, et il se peut qu’avec ce projet on puisse AUSSI faire de l’épistémologie. Mais nous voulons attirer l’attention sur le fait que QUELLES QUE SOIENT les précautions prises dans le paragraphe qui suit l’énoncé de la liste des notions (cf. le « on se référera de façon précise aux mathématiques, etc. »), et les déclarations des uns et des autres, ce projet AUTORISE DE FAIT l’élimination de la réflexion philosophique sur les sciences alors que la formulation même de l’actuel programme rend incontournable cette réflexion.(3)

De plus, rien ne garantit plus, étant donné la formulation retenue, que les sujets du baccalauréat porteront effectivement sur de l’épistémologie (alors qu’actuellement il y en a le plus souvent 1 sur 3 en T.S. notamment...). Or comme ceux-ci conditionnent rétroactivement le cours...

Conclusion sur la philosophie des sciences : autant la réduction positiviste de l’enseignement de la philosophie à la seule épistémologie serait irrecevable, autant la formulation actuelle des notions ne paraît pas préserver cette dimension importante de la réflexion philosophique qu’est la nécessaire réflexion sur les sciences. Il faut donc amender le texte sur ce point. Ou alors que le GTD fasse connaître les moyens par lesquels il entend préserver la philosophie des sciences, c’est-à-dire préserver l’enseignement de la philosophie d’une régression obscurantiste (et qui nourrit son autre au moment même ou elle prétend le combattre : le positivisme scientiste)...ce qui signifierait aussi qu’il y a des textes en préparation sur la pratique légitime du programme, et alors l’examen du projet actuel coupé de ces textes est un non sens.

 

) L’ÉLIMINATION DE L’OUVERTURE AUX SCIENCES HUMAINES (psychologie, psychanalyse, sociologie) imposée par la critique philosophique des années 60 (Freud était alors entré dans la liste officielle, ce que beaucoup, encore aujourd’hui, n’admettent pas). (4) Là encore l’absence de justification est choquant...car s’il y a des raisons à cela, elles doivent pouvoir être entendues. En attendant on ne peut que constater ce qui apparaît comme une retour, par dessus le siècle, à une tradition qui n’a jamais admis que les sciences humaines puissent contribuer d’une quelconque manière à une réflexion philosophique sur l’homme. Si une certaine tradition universitaire est encore bien souvent incapable de penser les relations de la philosophie et des sciences humaines, ce n’est pas une raison pour priver les élèves de cette indispensable réflexion.

Or, dans le projet actuel, rien n’oblige plus à cette réflexion, pour des raisons similaires à celles concernant l’élimination possible de l’épistémologie, à savoir une formulation des notions qui n’oblige plus à cet examen(5), et qui même ne la permet plus. Il conviendrait de rétablir la réflexion sur les sciences humaines d’une manière ou d’une autre, ce qui ne signifie pas rétablir les notions de l’actuel programme, mais garantir qu’un élève aura au moins une fois dans son année de philosophie été conduit à cette réflexion.(6)

 

) L’ÉLIMINATION DE LA RÉFLEXION SOCIALE (pour partie liée à la précédente) également imposée en 1973 (et c’est Marx qui cette fois entrait dans la liste des auteurs...). Le projet réduit à presque rien cette réflexion. (cf disparition de « la société », de « les échanges », et également d’ « autrui » en S et E.S.. Ne demeure que le « travail »). Comme si l’homme n’était pas un sujet social et largement définit par ses relations sociales. Le projet ne fait pas une place suffisante à « l’intersubjectivité » ou à la « socialité », il convient là encore de l’amender.

Soyons clair : nous ne disons pas qu’il faille rétablir l’ancien programme et nous ne contestons nullement l’allégement du programme.

Ce que nous contestons c’est le fait que les réductions aient été SYSTÉMATIQUEMENT FAITES DANS LE MÊME SENS, c’est-à-dire au détriment de la réflexion sur les sciences, sur les sciences humaines et sur le social. On peut bien parler de RESTAURATION puisque de fait c’est la philosophie générale ou classique qui en sort renforcée ;  non seulement elle est peu ou pas touchée mais de nouvelles notions comme « la beauté», « le mal » augmente son poids.

Il faut donc resserrer le programme, et bien plus encore, mais en étant équitable dans ce resserrement et en veillant à ce qu’aucun des grands domaines de la réflexion philosophique ne soit lésé par rapport aux autres et en ne privilégiant aucune tradition. Le nécessaire resserrement du programme ne doit pas servir de prétexte à une restauration et à un appauvrissement.

On pourrait observer enfin que ce projet qui nous rend en apparence si libre (et pour le plus risqué, sinon le pire) restreint aussi considérablement par les orientations que nous venons de mettre en évidence cette « liberté » du professeur. Si, de plus, les sujets de baccalauréat accentuent la tendance (leur «formulation  devant « se référer » aux « notions » du programme...non aux indications qui l’accompagnent...), ce sont des pans entiers de la réflexion philosophique qu’il sera, de facto, impossibles de travailler avec les élèves; C’est également la possibilité du travail interdisciplinaire (philo / math / physique / biologie / économie / etc.) qui est pour ainsi dire supprimée par cette formulation, possibilité et liberté qu’offre le programme actuel. Il est inquiétant au total que tout ce qui finalement est « moderniste » soit sévèrement réprimé.

Le programme actuel, déjà si libéral (on en disait déjà que c’était presque une absence de programme), a des « garde-fous » (les « grands titres » certaines formulations (couple de notion, intitulé très prescriptifs) et, paradoxalement, offre plus de liberté, pour le meilleur (champs de réflexion plus large, possibilité de travail interdisciplinaire). LE PROJET RESTREINT CETTE LIBERTÉ DU MEILLEUR ET AUGMENTE LA LIBERTÉ POUR LE PIRE. Le GTD devra en tenir compte.

 

B) INSUFFISANCE DE « L’ALLÉGEMENT » PROPOSÉ.

Il faut du temps pour les exercices, les lectures, la préparation progressive et raisonnée des épreuves. La très grande majorité des collègues attend un TRÈS SÉRIEUX resserrement...

Or,

1° Soit l’allégement est réel et les suppressions proposées sont à prendre au sérieux, mais elles sont alors curieusement orientées, cela SANS JUSTIFICATION EXPLICITE... et au risque de voir disparaître d’importants domaines de la réflexion philosophique (cf ci-dessus).

2° Soit, par « la conscience », on retrouve « l’inconscient », par « la nature », « la culture », par « l’État » « la société », etc.( c’est déjà ce que pensent de nombreux collègues soucieux de réintégrer dans le projet de programme ce qu’une interprétation conservatrice en sortirait...), et « l’important » allégement est imaginaire, c’est alors un trompe-l’oeil.

En l’état actuel d’incertitude concernant le statut des éliminations une comptabilité arithmétique des suppressions (32 notions en T.L. contre 42...) n’a aucun sens et n’a trompé personne.

L’allégement est incohérent et insuffisant : pourquoi est-il si faible dans les séries où les élèves ont le plus de difficultés ? pourquoi est-il inversement proportionnel aux difficultés ?

Il y a probablement une raison, mais il est à craindre qu’elle soit de nouveau plus à chercher dans la volonté de maintenir une certaine idée de la philosophie que dans le souci de la réalité effective des classes et des élèves.

Conclusion : l’allégement proposé est contestable, parfois en trompe-l’oeil, et particulièrement insuffisant dans l’enseignement technique (et tant qu’on ne donnera pas un horaire décent dans ces séries). Le projet de programme aboutira de nouveau à saturer le temps scolaire empêchant ainsi tout le travail de médiation et d’apprentissage des règles et normes de la discursivité philosophique, travail nécessaire à une préparation raisonnée et progressive de l’examen.

 

C) INCOHÉRENCES RÉSULTANT D’UNE INSUFFISANTE PRISE EN COMPTE DES RÉALITÉS SCOLAIRES

- incohérence du programme des séries techniques : l’allégement est inexistant ou presque ! RIEN N’EST RÉGLÉ LÀ OÙ NOUS AVONS LE PLUS DE PROBLÈMES, et c’est même là qu’il y a le moins de changements ! C’est le comble.

Il est difficile de croire qu’il y ait parmi les membres du GTD des  professeurs de philosophie enseignant encore aujourd’hui en T.STI. par exemple. Le SNES constate de nouveau que l’on ferme les yeux sur ce qui se passe dans ces séries et qu’on refuse d’entendre le désarroi des enseignants et des élèves, qui pourtant ne demandent qu’à philosopher.

Le SNES n’entend pas taire cette réalité :  L’ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE DANS CES SÉRIES RENCONTRE DES DIFFICULTÉS SI GRAVES QUE, DANS BIEN DES CAS, IL N’EST PLUS QUE DE FAÇADE. L’attitude des élèves lors des épreuves est éloquente : moins de la moitié d’entre eux composent plus de deux heures...C’est si préoccupant que lors des examens « blancs » organisés par les établissements pendant l’année, on n’ose même plus demander aux élèves de rester deux heures...Tout cela est parfaitement connu et délibérément ignoré d’une institution qui visiblement ne veut pas aborder de front ces problèmes. Or les professeurs n’attendent pas un simple réconfort ou une bienveillance de circonstance mais une réelle volonté de réformer complètement l’enseignement de la philosophie dans ces séries.

Le remplacement de la notion « d’art » par celle de « beauté » dans ces séries est représentative de cette ignorance des réalités scolaires ; le nombre de collègues qui l’ont immédiatement considéré comme une erreur manifeste est si important que l’on peut légitimement s’interroger sur la façon de travailler des rédacteurs du projet : comment peuvent-ils en venir à faire des propositions qui semblent aussi évidemment peu raisonnables, au moins à leurs collègues  ?

Le projet actuel est irrecevable, le statu quo n’est plus tolérable, le GTD ne parait pas mesurer l’ampleur des difficultés. L’idée que l’on se fait de la philosophie semble avoir primé sur la considération de la réalité. Mais si plus rien ne répond en réalité à cette idée maintiendra-t-on encore longtemps une telle fiction ? Le précédent GTD avait au moins essayé de proposer quelques solutions tout en en appelant prudemment à un colloque national pour cet enseignement.

- INCOHÉRENCE PAR RAPPORT AUX SÉRIES : le projet dans sa volonté d’ignorer la spécificité des voies de formations (ne pas tenir compte de la cohérence verticale et horizontale des enseignements) en vient à des absurdités sous ce rapport (7), tout en empêchant de nouveau les possibilités de travail interdisciplinaire

Ignorer l’exigence de cohérence conduit à négliger les savoirs construits dans les autres disciplines et à se lamenter sur ce que les élèves ne savent pas faute de considérer ce qu’ils savent.

 

- incohérence dans le choix des auteurs : outre que la liste des auteurs est bien trop restreinte, il aurait fallu tenir compte des élèves...Plotin s’imposait-il au point d’évincer les autres philosophes de l’antiquité ? Les textes néoplatoniciens sont-il donc plus indiqués pour des élèves de Terminales que ceux de Sénèque, de Cicéron, des Sceptiques, des Sophistes, etc. ? Comment, lorsque le renouvellement  des auteurs est si faible, peut-on sérieusement proposer Wittgenstein (dont la plupart des collègues soulignent la quasi impossibilité de le lire en terminale) plutôt que Russell ? C’est incompréhensible !

 

D) OUVERTURE INSUFFISANTE DE LA LISTE DES AUTEURS

Si la suppression des astérisques discriminant grands et petits auteurs était nécessaire, l’élargissement est  très insuffisants et le choix des nouveaux auteurs ne parait pas toujours des plus perspicaces (cf. ci-dessus)

Période antique : il est regrettable que la proposition d’introduire Sénèque faite par l’ancien GTD ait disparue. Il faudrait également introduire les Sceptiques, les Cyniques, et les Sophistes.

Période médiévale : malgré le progrès des études sur cette période qui montre toute l’importance de la translatio studiorum d’Athènes vers Bysance, Damas, Bagdad, puis vers Cordoue, non seulement la philosophie orientale chrétienne, mais toutes la philosophie occidentale non chrétienne restent complètement ignorées. Aurait-ce été d’une extraordinaire audace que d’ouvrir la liste à Averroès et à Maïmonide ? De même pour l’École nominaliste, comme si la « querelle des universaux » était sans importance pour la philosophie et ne permettait pas de poser des problèmes fondamentaux concernant le langage et le réel, le statut des concepts et de la vérité, etc.

Période moderne et contemporaine : la philosophie anglo-saxonne continue d’être minorée (S.Mill pour l’utilitarisme, W. James pour le pragmatisme, Russell pour l’empirisme logique; 3 auteurs qui, eux, sont « lisibles » en terminale...), de même le matérialisme français. Si on peut se réjouir de l’entrée de Durkheim, il paraîtrait naturel d’admettre Tocqueville ou Weber.

LA LISTE PROPOSÉE RESTE CENTRÉE SUR UNE TRADITION TRÈS CONTINENTALE, OCCIDENTALE ET SPIRITUALISTE, et finalement très « française » dans son esprit. C’est peu satisfaisant, sans rien dire du peu de contemporains...

 

 

ORIENTATIONS ET INFLÉCHISSEMENTS SOUHAITABLES

 

 

Ces orientations se déduisent pour l’essentiel des critiques précédentes.

On peut les résumer aisément :

1° Resserrer sérieusement le programme

2° Spécifier le programme partiellement en fonction des séries

3° Dans l’enseignement technique, outre la réduction, formuler le programme sous la forme de couples de notions ? En vérité pour ces séries, c’est l’ensemble qui est à repenser : horaire, programme, épreuves ; cf. nos demandes 2heures classes complètes + 1 heure en classe dédoublée, soit 4 h professeur/3 h élèves pour toutes ces séries.

4° Réfléchir davantage aux moyens d’éviter qu’une trop grande indétermination du programme autorise des parcours si diversifiés qu’une épreuve effectivement commune serait impossible.

5° Faire droit à la légitime attente des élèves d’un programme qui soit conçu de manière telle qu’en en travaillant sérieusement le contenu avec leur professeur pendant l’année, ils soient assurés d’avoir été effectivement préparés à l’épreuve du baccalauréat.

6° Ouvrir davantage la liste des auteurs

 

Le SNES  souhaiterait l’organisation d’une véritable discussion sur l’enseignement de la philosophie en France aujourd’hui sans laquelle il sera impossible de reconstruire un large consensus.

La méthode actuelle de consultation n’est pas satisfaisante. Il faudrait en revenir au dispositif de 1970 qui sous l’égide de M. Tric, Inspecteur Général de Philosophie, avait réussi à sortir notre enseignement des difficultés d’alors.  

La philosophie est la dernière touchée par un mouvement de démocratisation engagé dans les années 70. Elle doit à son tour accomplir sa mutation. Pour cela l’institution doit l’y aider, faut-il encore qu’elle en ait la volonté.

Le SNES ne désire ni l’abandon du projet de réforme qui condamnerait à terme l’enseignement de la philosophie, ni son acceptation aveugle au prétexte qu’il éviterait le pire !

 

NOTES

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(1) Exemple : nouvelle notion « l’image », volontairement choisie car innovation très appréciée des collègues. Quoi de commun  ? Si l’un aborde le problème de l’« image » comme simulacre détournant de la vérité (par ex. à partir de Platon), toute la problématique de la mimésis, du double, de l’ombre, bref de l’illusion (« idole » et « fantasme ») ; l’autre le statut des « espèces voltigeantes » chez Épicure dans le cadre du problème de la perception au sein d’une conception matérialiste, un autre encore le problème de l’incarnation dans le cadre de la théorie chrétienne de l’homme comme Imago Dei (par ex. dans le commentaire grec que Philon d’Alexandrie fait de la Genèse et dans toute la patristique) et à partir de là la question de la fondation chrétienne de l’humanisme ; un autre, la querelle entre iconophiles et iconoclastes, ses incidences sur l’esthétique médiévale (l’opposition Byzance et Rome, ou encore l’opposition entre l’esthétique « noire et blanche » tout en eaux-fortes des cisterciens  et la polychromie inspirée du Pseudo-Denys, Saint-Bernard versus Saint -Denis) ; un autre encore les débats philosophiques sur le rôle de l’imagination, de l’imaginaire et de l’image dans la construction de la connaissance (de la « fantastique » du XVIIème et autres « images dépeintes en notre fantaisie » au schématisme kantien) ; un autre le problème de l’image et du son, de la réalité virtuelle, du cinéma et de la réalité « pelliculaire », du spectacle et du spectaculaire, de l’utilisation des images, des médias et de la démocratie, et enfin pourquoi pas tous les problèmes de « médiologie », dernière discipline créée par un « Docteur » de la Sorbonne. Tout cela n’est vraiment pas sérieux. Le problème, ce n’est pas cette notion, mais la conception même du programme dont on voit pas pour le moment comment elle peut éviter cet écueil.

(2) Tous ceux qui s’inscrivant dans la filiation des travaux de Bachelard, Granger, Vuillemin, Cavaillès, Koyré, Canguilhem (autre tradition française pourtant, mais mal vue ! combien de fois Canguilhem Inspecteur Général n’a-t-il pas fustigé l’ignorance scientifique de bon nombre de professeurs qui s’autorisaient néanmoins à philosopher gravement sur les sciences ) ou dans la filiation de la tradition anglo-saxonne - le positivisme logique et la philosophie analytique-, si largement ignorée en France. C’est donc au moment même où Canguilhem vient de disparaître et où Jacques Bouveresse entre au collège de France que l’épistémologie disparaîtra  du programme de Terminale ? Et qu’en pense le co-président du GTD, François Dagognet, lui-même connu pour ses travaux  dans le champ épistémologique ?

 

(3) Et ce n’est pas une hypothèse d’École : déjà des collègues font connaître leur satisfaction de pouvoir traiter les notions de démonstration, d’interprétation, de vérité d’un point de vue métaphysique et demandent que l’on enlève dans le texte de présentation l’invitation à se « référer » de façon précise aux mathématiques, aux sciences de la nature, etc., ce qui limite encore trop à leur yeux, leur liberté d’interpréter le programme...Autre exemple : formulation de l’ancien programme « la connaissance du vivant »/ nouveau : « le vivant » = dès lors peut-être étudié purement métaphysiquement ou moralement...Ancien programme « logique et mathématique » (peu satisfaisant cependant) et « théorie et expérience ». Dans le nouveau : « théorie » et « expérience » sont découplées, autorisant de fait à traiter la théoria (contemplation) par ex. ou la vie théorétique, et « l’expérience » de son côté peut signifier aussi un peu tout, par ex. « l’expérience du beau » en couplant...Ou encore disparition de l’étude de « la formation d’un concept scientifique ». Quant aux notions de « démonstration » et « d’interprétation » on peut en rester aux second analytiques d’Aristote et à la théorie du syllogisme scientifique ou démonstratif et du syllogisme rhétorique...Enfin, en inscrivant certaines notions dans les grands titres, dont l’un était intitulé « la connaissance et la raison », on ne pouvait que passer par les sciences, il n’y a plus rien de tel à présent.

(4) Ici on pensera à Claude Lévi-Strauss, Michel Foucault, Gilles Deleuze.  Le rejet des sciences humaines coïncide avec celui de ces auteurs mais aussi de Marcel Mauss, de Lévy-Bruhl, de Leroi-Gourhan, de Saussure, de Benveniste, de Lorenz, de Piaget, de Wallon, etc.

(5) cf. l’élimination de « l’inconscient », du terme « culture » (de  « nature et culture » on ne retient donc que la nature...), de l’intitulé « constitution d’une science humaine (un exemple) », etc.

(6) C’est indispensable, surtout quand on considère la poursuite des études. Beaucoup d’étudiants rencontreront des sciences humaines, directement ou indirectement, si on veut éviter les effets réducteurs d’un certain positivisme naïf et dogmatique, il parait bien nécessaire que tous les élèves aient à réfléchir au statut épistémologique des « sciences » de l’homme.

(7) Exemples parmi d’autres : pourquoi supprimer la « théorie » dans les seules classes où les élèves en rencontrent (scientifiques en S, économiques et sociales en ES) ?  Pourquoi dissocier « la théorie » de « l’expérience » en S ? Quand on voit que l’enseignement de spécialité en ES initie les élèves aux grandes pensées économiques et sociales (Adam Smith, Ricardo, Malthus, Tocqueville, Marx, Durkheim, Weber, Keynes, etc.) et que les S.E.S. en général abordent nombre de concepts importants (valeur/normes, monnaie, travail, marché, socialisation/intégration/exclusion, culture, ethnocentrisme, pouvoir, Contrat Social, État/Gendarme/Providence, opinion/démocratie/sondage, égalité/inégalité, etc.) il serait regrettable et franchement incohérent d’ignorer pour le programme des T.E.S. la dimension économique et sociale ; ils n’ont déjà pas « la culture » ou « la société » alors pourquoi supprimer en plus les « échanges », « autrui » ? ! ?