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La guerre des Programmes, 1975-2005

Documents rassemblés par S. Cospérec

Nouveaux programmes de philosophie : trop d'incertitudes, texte paru dans L'Université Syndicaliste, 1997

Article paru dans l’Université Syndicaliste début 1997 et rendant compte de la consultation faite par le SNES auprès de ses adhérents au mois de décembre 1996 ]

 

 

NOUVEAUX PROGRAMMES DE PHILOSOPHIE :

TROP D' INCERTITUDES.

 

Les réactions confirment le « quatre pages » parvenu aux syndiqués : très fortes réserves sur la consultation et sur le contenu du projet.

 

I.  UNE CONSULTATION BIEN TROP LIMITÉE

Le SNES revendique pour le professeur le statut de concepteur et non de simple exécutant de programmes élaborés par des « personnes qualifiées ». Il se félicite donc de la consultation mais en regrette les points aveugles, elle devrait inclure :

1° les principes du projet. Il n'y a pas de justification des choix fondamentaux, des modifications. D'où l’interrogation sur leur sens et leur cohérence. La conception dont se réclame le projet doit être exposée, motivée et débattue.

2° les instructions, ou le « mode d'emploi » du programme. Les instructions actuelles comprennent les finalités de l'enseignement et des recommandations sur le travail des élèves, les exercices (nature et périodicité), etc.. Qu'en sera-t-il des nouvelles ? Puisqu'elles en déterminent largement le sens, comment juger le projet sans les connaître ?

3° les épreuves du baccalauréat. Difficile, là encore, de se prononcer sans savoir ce qu'elles seront, car cela conditionne de fait la nature de notre enseignement et des pratiques de cours.

La rigueur philosophique et nos choix syndicaux voudraient que tout cela soit discuté en même temps.

 

II. LE PROJET : QUELS OBJETS DE RÉFLEXION

ET POUR QUELLE COHÉRENCE ?

 

1° Nécessité d'une plus grande cohérence

Le SNES défend le principe de la diversification des séries, condition de l'accès du plus grand nombre aux études supérieures. La réussite des élèves exige la cohérence des enseignements dispensés et non leur juxtaposition dans une formation aussi disparate que bigarrée. On l'oublie.

Exemples parmi d'autres : pourquoi supprimer la « théorie » dans les seules classes où les élèves en rencontrent, scientifiques en S, économiques et sociales en ES ? pourquoi supprimer les « échanges », « autrui » aux élèves d'ES initiés en spécialité aux théories de Tocqueville, Marx, Smith, Durkheim, Weber (ils n'ont même pas « la culture » et « la société »!) ?

Ignorer l'exigence de cohérence conduit à négliger les savoirs construits dans les autres disciplines et à se lamenter sur ce que les élèves ne savent pas faute de considérer ce qu'ils savent. Il faut une meilleure prise en compte de la cohérence pour les élèves et pour nous (offrir au cours de philosophie de précieux points d'appui).

 

2° Débattre des choix et resserrer, mais vraiment !

Il faut du temps pour les exercices, les lectures, la préparation progressive et raisonnée des épreuves, un travail plus en profondeur qu'en extension. Le SNES demande un vrai resserrement du programme et sur des principes clairs.

Que signifie l'allégement ? Soit il est réel, il faut alors justifier le choix des notions supprimées (en L : culture, passions, inconscient, mort, violence, irrationnel, société, etc., choix neutre ?). Soit, par la conscience, on retrouve l'inconscient, par la nature, la culture, etc., et « l'important allégement » est imaginaire. Et pourquoi est-il si faible dans les séries où les élèves ont le plus de difficultés ?

Que signifie le sort fait à la réflexion épistémologique, à l'anthropologie, aux sciences humaines ? Pourquoi peut-on si facilement traiter ce programme sans se référer aux sciences (malgré l'invitation qui suit la liste des notions) ?

Que signifie la « référence » à « la liste des notions » pour la « formation des sujets ...du baccalauréat » ? Est-ce stricto ou largo sensu ? Et quelle cohérence entre la liste des notions et celle des auteurs ? Ainsi, pourquoi introduire Durkheim ou Schopenhauer quand les sujets du baccalauréat ne peuvent plus se « référer » à la culture, la société, les échanges, l'inconscient et la volonté ? Et qui prendrait le risque pour ses élèves de les traiter indirectement ?

Quel principe dirige le choix des auteurs ? Plotin convient-il mieux à la lecture, dans une classe de Terminale, que Sénèque ? Wittgenstein que Russell ? Et les Sceptiques ? Et les médiévaux ? Pourquoi la minoration des matérialistes et des empiristes ? Helvétius ? Mill ? et les orientaux ?

Il y a certainement de bonnes raisons à tous ces choix, pourquoi craindre de les faire connaître ou d'en débattre ?

Le SNES demande donc l'organisation d'une véritable discussion sur l'enseignement de la philosophie en France aujourd'hui. Ni abandon du projet, ni acceptation aveugle au prétexte qu'il éviterait le pire !